lundi 15 novembre 2021

Lettre au ministre de l’Agriculture : l’État doit choisir entre les agriculteurs et les écologistes [par Jean-Paul Pelras]

Lettre au ministre de l’Agriculture : l’État doit choisir entre les agriculteurs et les écologistes par Jean-Paul Pelras, parue dans l'agri le 12 novembre 2021.

Monsieur le ministre,
en tant que rédacteur en chef d’un journal agricole, en tant qu’auteur de plusieurs ouvrages sur la ruralité, mais aussi en tant qu’ancien agriculteur, je viens vous alerter solennellement et sans détours sur les dérives que suscite le discours environnementaliste ambiant. Dérives qui impactent le monde agricole, le commerce, l’artisanat, l’agro-industrie et les journalistes qui osent encore exercer leur métier sans céder aux pressions des tendances imposées.

Tout comme vous avez condamné le saccage des “bassines” dans les Deux Sèvres, vous n’êtes pas sans savoir que, régulièrement, d’autres pratiques tout aussi intimidantes sont à déplorer sur l’ensemble du territoire. Et ce, que ce soit directement sur les exploitations ou dans les entreprises comme par téléphone, par mail ou via les réseaux sociaux. Dernière en date, l’entreprise Ecomiam qui privilégie la production locale et défend l’éthique des filières agricoles françaises, a choisi, en s’exprimant par la voix de son directeur, de ne pas céder au chantage de l’association L214. Son courage, car il s’agit bien de courage au regard des menaces encourues, mérite d’être salué.

Reste à connaître, Julien De Normandie, votre position et celle du gouvernement concernant à la fois ces agissements et les choix que l’État compte adopter pour soutenir notre agriculture, à l’heure où se profile un Farm to fork dévastateur, à l’heure où le député européen Benoit Biteau et Europe Écologie Les Verts cautionnent impunément le saccage des retenues collinaires, à l’heure où Sandrine Rousseau déclare qu’il faut “accepter une baisse de rendement agricole”, à l’heure où France Télévision, par l’intermédiaire notamment de madame Lucet, stigmatise régulièrement les pratiques agricoles, à l’heure où la gestion du Grand débat sur l’agriculture a été confiée à des experts… en urbanisme, à l’heure où, de la maternelle au lycée, l’éducation se charge de diffuser des messages à charge contre l’agriculture conventionnelle, à l’heure où les administrations agricoles sont, sur le terrain comme dans les bureaux, de plus en plus sensibles aux discours environnementaux…

Mais aussi et surtout, monsieur le ministre de l’Agriculture, à l’heure où Barbara Pompili, ministre de l’Écologie, signait voici quelques mois le manifeste des Coquelicots, association qui dénigre systématiquement le modèle agricole français, seul capable de nourrir en temps et en heure, qualitativement et quantitativement, 67 millions de consommateurs, qui cultive 28 millions d’hectares, pèse 75 milliards d’euros et emploie 1,5 million de personnes.

Le “en même temps” ne fonctionnera pas sur ce coup-là, monsieur le ministre

Un “témoignage de solidarité” dont je me suis ému auprès du Premier ministre avec une tribune diffusée dans le Point et dans L’Agri. Car le monde agricole est en droit de se demander désormais quelles orientations vont être prises, qui sera écouté et dans quelles proportions le modèle qui permet de garantir notre sécurité alimentaire va-t-il être préservé ? Car si, comme le prédit le Sénat, la France risque de connaître son premier déficit agricole en 2023, notre pays va inexorablement basculer dans l’inconnu que suscite la géopolitique des dépendances alimentaires.

Au même titre que la santé, la défense ou l’enseignement, l’agriculture demeure un secteur incontournable dont le sort ne peut être confié à des comités Théodule irresponsables et aux promoteurs de la décroissance économique, de la déconstruction agronomique.

Le laxisme et parfois même la complaisance dont l’État fait preuve à l’égard des lobbies écologistes menace directement la compétitivité du monde paysan, déjà suffisamment malmené par le jeu des compétitions déloyales mondiales et intra européennes. Céder aux caprices des environnementalistes qui réclament, sans connaître de l’outil ni l’usage ni le prix, toujours plus de normes, toujours plus de contrôles, toujours plus de directives allant bien souvent à l’encontre du bon sens paysan, relève de la manipulation sociétale et équivaut à déstabiliser de façon irréversible l’ensemble des filières agricoles.

L’État français doit donc désormais clairement se positionner, soit en faveur des agriculteurs, soit en faveur des écologistes. Compte tenu du contexte et de la confusion, voire de la désinformation, qui chemine dans l’esprit des consommateurs, le “en même temps” ne fonctionnera pas sur ce coup-là, monsieur le ministre.

Vos services pourraient à ce titre et, bien sûr, en toute impartialité, estimer ce que pourrait réellement produire une agriculture dite “écologique” en tenant compte des règles que veulent imposer les ONG et autres activistes du moment. Nous saurions alors si vous pouvez vraiment leur confier la clé des champs !


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