L’«empoisonnement
du puits»
désigne une figure rhétorique consistant à donner au public une
information négative, vraie ou fausse, peu importe, afin de
décrédibiliser une personne ou un groupe dans tout ce qu’elle ou
il pourra dire par la suite. L’objectif est de rendre la source
d’information inutilisable. Cette expression fait référence aux
accusations lancées au Moyen Âge contre les juifs présumés
responsables d’avoir empoisonné des fontaines et des sources d’eau
pour assoiffer les chrétiens. On leur a par la suite imputé de
nombreux maux, dont celui de propager la peste [1].
Cette figure rhétorique est une forme de sophisme qui évite de
discuter des propos réels et des arguments avancés. Le discrédit
est jeté a priori sur la source afin que tout ce qui pourra
en être issu n’ait plus aucune valeur. L’empoisonnement du puits
peut prendre la forme d’une attaque ad hominem : la personne
ou l’entité est accusée d’un acte grave ou d’un comportement
infamant la rendant d’emblée infréquentable, peu importe la
réalité des faits.
Mais il existe une autre forme d’empoisonnement du puits dans le
débat public : elle consiste à transformer certains objets de
controverses en véritables symboles du mal, en objets maléfiques
dont la simple évocation suffit pour invalider tout propos qui y
ferait référence. Au-delà de la source empoisonnée, ce sont des
débats plus généraux qui sont interdits.
Le glyphosate est l’un de ces
objets. Il n’est plus question de discuter de la forme
d’agriculture souhaitée, du meilleur compromis à réaliser entre
préservation de la biodiversité et rendements de l’agriculture ou
de la manière d’assurer un accès pérenne pour tous à une
nourriture suffisante et de qualité. Le glyphosate a été érigé
au statut de poison absolu, malgré les avis, réitérés jusqu’à
ce jour, des agences d’évaluation sanitaire. Dernier en date :
l’avis de l’Echa, l’agence européenne des produits chimiques,
pour qui «les preuves
scientifiques disponibles ne répondaient pas aux critères de
classification du glyphosate pour sa toxicité pour des organes
cibles spécifiques, ou en tant que substance cancérogène, mutagène
ou reprotoxique» [2].
Peu importe, la source est empoisonnée : l’avis de l’agence ne
peut être perçu que comme révélant sa collusion avec «les
lobbies». Le débat de
fond est confisqué.
Il en va de même de l’énergie nucléaire. Le recours à l’atome
pour produire de l’électricité a été diabolisé à un point tel
que son refus ou son acceptation devient un marqueur qui permettrait
de distinguer ceux qui seraient soucieux de la planète de ceux qui
ne le seraient pas. Le puits est empoisonné par des chiffres
effrayants associés aux accidents de Tchernobyl ou de Fukushima,
bien au-delà de ce que les différentes agences qui ont évalué les
conséquences de ces événements ont pu établir. Si un accident
peut rayer un pays de la carte, alors, comment est-il encore possible
d’en discuter ?
La réalité n’est jamais binaire et peut, parfois, se retourner
contre les empoisonneurs de puits. La guerre en Ukraine a révélé,
s’il en était besoin, que les questions d’énergie ou de
ressources alimentaires sont des questions complexes où aucune
solution n’est sans inconvénient, et pour lesquelles on ne peut se
satisfaire de schémas idéologiques. Le nucléaire, une certaine
productivité de l’agriculture et bien d’autres sujets ostracisés
retrouvent place dans le débat public, dévoilant les effets
délétères de l’empoisonnement des puits sur la démocratie. Des
prises de décisions éclairées supposent la mise à disposition
d’un état objectif des connaissances, loin de toute caricature ou
diabolisation.
Science et pseudo-sciences
Références
Aux lecteurs du blog
La revue PROCESS
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revue, il faut que vous le sachiez, il y a une direction aux éditions
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