Une étude menée par des chercheurs de l'Université d'Oxford fournit de nouvelles informations sur l'évolution de la résistance aux antimicrobiens chez les patients atteints d'infections bactériennes.
L'étude, publiée cette semaine dans Nature Communications, a révélé que chez les patients colonisés par Pseudomonas aeruginosa, la résistance évoluait plus rapidement en réponse au traitement antibiotique chez ceux présentant plusieurs souches de l'agent pathogène, par rapport à ceux présentant une seule souche.
Les auteurs de l'étude disent que les résultats démontrent le lien entre la diversité intra-hôte et la résistance et suggèrent que la mesure de la diversité des populations d'agents pathogènes bactériens pourrait permettre de prédire plus facilement quels patients échoueront le traitement antibiotique.
Les populations avec un mélange de souches développent plus rapidement une résistance
Bien que les facteurs de résistance intra-hôte soient mal compris, notent les chercheurs, la théorie prédominante est que les patients sont généralement infectés par une seule souche d'un pathogène bactérien et que la résistance émerge par la sélection naturelle d'isolats qui ont développé ou acquis des mutations de résistance au cours leur infection.
L'objectif de leur analyse était de tester l'hypothèse selon laquelle la résistance aux antimicrobiens chez P. aeruginosa et d'autres agents pathogènes peut évoluer plus rapidement lorsque les patients sont infectés par plusieurs souches, car une plus grande diversité génétique accélère la réponse évolutive au traitement antibiotique.
Pour caractériser la diversité de P. aeruginosa chez les patients, les chercheurs ont séquencé les génomes de 441 isolats provenant d'échantillons des voies respiratoires inférieures de 35 patients en soins intensifs dans 12 hôpitaux. Ils ont ensuite mesuré la résistance des isolats à un panel de six antibiotiques (ciprofloxacine, méropénème, gentamicine, aztréonam, ceftazidime et pipéracilline-tazobactam) et calculé l'évolution de la proportion d'isolats résistants à chaque antibiotique au fil du temps pour chaque combinaison de patient et antibiotique.
Près des deux tiers des patients (23 sur 35) ont été colonisés par une seule souche de P. aeruginosa, mais les autres ont été colonisés par plusieurs souches. L'analyse de la réponse aux antibiotiques a montré que si la résistance se développait chez les patients colonisés par des souches uniques en réponse à un traitement antibiotique, les augmentations de résistance au fil du temps étaient 20% plus importantes chez les patients colonisés par plusieurs souches.
Une enquête plus approfondie sur les populations avec un mélange de souches chez cinq patients a révélé que les isolats associés à des souches multirésistantes (MDR pour multidrug-resistant) de P. aeruginosa ont remplacé à plusieurs reprises les isolats associés à des souches non-MDR chez quatre de ces patients en réponse à un traitement antibiotique. De plus, chez trois des cinq patients colonisés par plusieurs souches de P. aeruginosa, les souches MDR ont été détectées avant le traitement antibiotique. Lorsqu'elles étaient exposées à des antibiotiques, ces souches MDR préexistantes avaient un avantage concurrentiel sur les souches non-MDR.
Sur la base de ces résultats, les auteurs de l'étude estiment que plus de 90% de l'augmentation de la résistance aux antimicrobiens chez les patients présentant des populations avec un mélange de souches est due à la sélection de souches résistantes préexistantes.
«Ce résultat très clair suggère que la diversité des agents pathogènes est associée à l'émergence rapide de la résistance, car diverses populations d'agents pathogènes sont plus susceptibles de contenir des souches résistantes préexistantes, et non parce que la diversité en soi accélère l'émergence de la résistance au sein des souches», ont-ils écrit.
Il y avait cependant un compromis évolutif associé aux populations avec un mélange de souches. Lorsque les chercheurs ont mesuré le taux de croissance des isolats de tous les patients dans un milieu sans antibiotique, les isolats MDR se sont développés plus lentement et ce compromis était plus fort dans les populations avec un mélange de souches.
Prévention des infections, meilleur diagnostic
«Les méthodes de diagnostic que nous utilisons pour étudier la résistance aux antibiotiques dans les échantillons de patients ont changé très lentement au fil du temps, et nos résultats soulignent l'importance de développer de nouvelles méthodes de diagnostic qui faciliteront l'évaluation de la diversité des populations d'agents pathogènes dans les prélèvements de patients», a dit Craig. Maclean, professeur d'évolution et de microbiologie à Oxford, dans un communiqué de presse de l’université.
NB : L'image est du CDC/Jennifer Oosthuizen