«L’activisme
politico-écologique menace l’agriculture française» [par
Jean-Paul Pelras], source
l’agri
du 21
juin 2022.
Du saccage des retenues d’eau à celui de certaines productions, en
passant par le déversement de trains acheminant des céréales, les
visites nocturnes d’abattoirs ou celles d’élevages, les actions,
souvent violentes et impunies, visant à dénoncer les pratiques
agricoles ou celles de l’agro-industrie, se multiplient sur
l’ensemble du territoire français depuis quelques années. Elles
sont le fait d’activistes soutenus plus ou moins implicitement par
des ONG environnementales, par un syndicat agricole en particulier,
par certains partis politiques de gauche, mais aussi par une frange
culturelle et intellectuelle impliquée, pêle-mêle, dans la lutte
contre le réchauffement climatique, la protection animale, l’usage
des pesticides ou encore la précarité. Nous avons affaire ici à
des groupes ou à des obédiences qui veulent transmettre un message
politique, la dimension économique échappant totalement à ces
mouvements et à toute rationalité.
Casser, détruire, démolir, déconstruire et réfléchir après, si
tant est qu’ils en soient capables et qu’il reste encore quelque
chose à bâtir sur les ruines du saccage. Voilà à quoi pourrait
ressembler, in fine, la profession de foi de ces contestataires tous
azimuts qui veulent abolir le «modèle» existant sans avoir
expérimenté, à l’échelle planétaire, la viabilité du suivant.
Cocteau disait: «Les jeunes savent ce qu’ils ne veulent
pas avant de savoir ce qu’ils veulent».
Formule pouvant effectivement faire mouche, à condition qu’elle
soit corrélée à un résultat. Car il n’y a, pour l’instant,
aucune preuve, si ce n’est loin des champs et dans certaines
théories pseudos-vertueuses, permettant d’affirmer qu’une
alternative mondiale à l’agriculture conventionnelle parviendra à
nourrir qualitativement, quantitativement et sans «élitisme
alimentaire» 9 milliards d’individus à l’aune des années 2050.
Renverser la table de l’agro-industrie pour lui préférer celle de
la permaculture, de l’agriculture bio, de l’agroécologie, de
l’agriculture vivrière et autre traction animale, sous-entend le
retour à des pratiques usitées par nos grands-parents et nos
arrières grands-parents. Lesquels ont tout fait pour mécaniser
leurs exploitations afin de limiter la pénibilité, adopter des
techniques visant à améliorer la productivité, promouvoir un
modèle capable de maintenir, voire de développer leur
compétitivité. Productivité et compétitivité, deux mots bannis
du vocabulaire écologiste qui prône une agriculture où seraient
utilisés moins d’intrants. Ce qui induirait une diminution des
volumes alors qu’il faudra les augmenter de 50 % si l’on veut, en
2050, fournir 2 700 kcal par jour à tous les habitants de la
planète.
Crise ukrainienne oblige, le récent revirement de la Commission
européenne, qui souhaitait davantage de verdissement en activant le
programme Farm to Fork, apporte des éléments de réponses
techniques et politiques non négligeables aux interrogations qui
concernent notre autonomie alimentaire. Il n’est subitement plus
question de réduire de 50 % l’usage des pesticides, de tripler les
surfaces en bio, d’augmenter les jachères, mais au contraire de
les abandonner, au moins temporairement, pour “élargir la
capacité de production de l’Union”. Des demandes qui
émanent des élus et, entre autres, des professionnels de
l’agriculture, donc des premiers concernés.
Ceux qui croient savoir et ceux qui savent vraiment
Car ce qui différencie ceux qui idéalisent l’agriculture de ceux
qui la pratiquent au quotidien, c’est l’expérience. Cette
expérience, souvent transmise de génération en génération que ne
détiennent ni les zadistes, ni les wokistes, ni les antispécistes,
ni les écologistes militants du grand chambardement dicté, depuis
des amphithéâtres climatisés, à l’abri du caprice des éléments,
du yoyo des mercuriales, des attaques de ravageurs, de celles des
gentils prédateurs, du travail à accomplir 365 jours par an, des
lettres d’huissiers et des prêts à rembourser.
«Il faut changer de modèle» répondront
certainement, sur un ton traditionnellement peu amène et à la
lecture de ce propos, ceux qui n’ont jamais élevé une vache,
taillé une vigne ou fait pousser le moindre poireau. Le fossé qui
sépare les activistes écologistes du monde agricole conventionnel
sera, à ce titre, de plus en plus difficile à combler. Car nous
avons, d’un côté, ceux qui croient savoir et, de l’autre, ceux
qui savent vraiment. Les premiers sont soutenus par des courants de
pensées libertaires, idéologiques, politiques voire médiatiques.
Les seconds sont confrontés aux obligations de résultats
qu’imposent les bilans de fin de mois. Cette nuance ne supporte ni
le fantasme, ni l’approximation, encore moins la nostalgie et
l’illusion.
La paupérisation de certains secteurs d’activité agricole, les
menaces qui pèsent sur notre souveraineté alimentaire, le
découragement du monde paysan confronté à une stigmatisation
permanente, doivent être perçus comme autant de signaux alarmants
par ceux qui nous dirigent. Déléguer, par pure stratégie
politicienne, quelques parcelles de pouvoir aux mouvements
écologistes dont leurs représentants sont incapables de dépasser
la barre des 5 % lors d’une élection présidentielle, relève d’un
manque de discernement évident et d’une très dangereuse
irresponsabilité. Cette irresponsabilité qui précipiterait, en
seulement quelques années, le déclin irréversible de notre
agriculture, mais aussi la dépendance de notre pays et de notre
continent aux productions importées non contrôlées.
N’en déplaise à celles et ceux qui, bardés de certitudes
politiquement correctes, n’ont jamais chaussé une paire de bottes
ou tourné la clé d’un tracteur, nous sommes encore nombreux à
vouloir croiser des vaches sur l’Aubrac et à vouloir vendanger nos
vignes au pied des Pyrénées. En revanche, nous ne voulons pas que
la France devienne, de Bordeaux à Lyon et de Lille à Perpignan, un
vaste champ de genêts où «l’intelligence» d’une poignée
d’inutiles aurait fini par avoir raison du bon sens paysan.
Aux lecteurs du blog
Je
suis en conflit depuis plusieurs années avec la revue PROCESS
Alimentaire
pour une triste question d’argent qui permettrait de récupérer et
de diffuser correctement les 10 052 articles initialement publiés
gracieusement par mes soins de 2009 à 2017 sur le blog de la revue,
alors qu’elle a bénéficié de la manne de la publicité faite
lors de la diffusion de ces articles. La revue PROCESS
Alimentaire
s’est comportée, continue de se comporter en censeur et refuse
tout assouplissement pour la modique somme de 500 euros. N’ayant
pas les moyens d’aller devant la justice, je leur fait ici de la
publicité gratuite. Derrière cette revue, il y a une direction
dégueulasse et un rédacteur en chef complice !