Le Comité
scientifique de l’AFSCA de Belgique, dans un avis 09-2023 (40
pages), a réalisé une «Évaluation d'une demande de dérogation
pour la friture de produits à base de viande dans une huile dont la
température est supérieure à 180°C».
Mots
clés : huile de tournesol, friture, température, produits à
base de viande, boulettes de viande, hydrocarbures aromatiques
polycycliques, amines aromatiques hétérocycliques, N-nitrosamines,
oxydation, stabilité à l'oxydation.
Résumé
Contexte
et Termes de référence
Un
opérateur de la chaîne alimentaire a introduit une demande de
dérogation auprès de l'AFSCA pour la friture de produits à base de
viande dans de l'huile dont la température est supérieure à 180°C.
La température maximale légale est 180°C et une tolérance de 2°C
est accordée par l'AFSCA. Au cours du processus de friture de
produits à base de viande dans de l'huile de tournesol, l'opérateur
autorise des dépassements ponctuels de 182°C. Ces dépassements
sont toutefois contrôlés et associés à des mesures correctives.
Conformément
à la législation et à la circulaire
PCCB/S3/VVN/1148069, l'AFSCA peut, sur demande motivée d'un
fabricant ou d'un préparateur et sur avis du Comité scientifique,
accorder une dérogation pour le procédé de friture appliqué par
le fabricant ou le préparateur. Pour cette raison, il est demandé
au Comité scientifique de répondre à la question suivante :
«Existe-t-il un risque lié à l'utilisation d'huile à une
température supérieure à 180°C pour la friture de produits à
base de viande ?»
Méthode
L'avis
se base sur l’examen de la littérature et l'opinion d’experts,
sur les documents de l’opérateur et sur une estimation de la
formation de contaminants de procédé (amines aromatiques
hétérocycliques) dans les boulettes de viande réalisée en
appliquant un modèle de cinétique issu de la littérature.
Conclusions
Le
Comité scientifique n'a pas d'objection à ce que l'AFSCA réponde
favorablement à la demande de dérogation de l'opérateur pour la
friture de boulettes de viande dans de l'huile de tournesol à une
température supérieure à 180°C mais limitée à 186°C. Des
mesures correctives doivent toutefois être appliquées à partir du
dépassement de 183°C (température d’action choisie par
l’opérateur). Les mesures correctives consistent en la destruction
des boulettes frites de viande et au changement immédiat de l'huile
de friture. Cela est nécessaire si (i) la température de l'huile
dépasse 183°C pendant six minutes et que ce dépassement
s’accompagne d’une teneur en matières polaires dépassant 25%
(norme légale conformément à l'arrêté royal du 22 janvier 1998)
ou si (ii) la température de l’huile dépasse 186°C. Il convient
de noter que la tolérance de température de l'huile autorisée par
l'AFSCA est de 182°C. Cependant, le processus de friture de
l'opérateur (friteuse électrique et processus par lots) est
intrinsèquement sensible aux fluctuations de température. Grâce
aux données d'enregistrement de la température sur une période
plus longue (avec seulement quelques dépassements de 182°C), le
Comité scientifique peut affirmer qu'il est acceptable que les
mesures correctives décrites ci-dessus ne soient prises qu'à partir
d'une température de 183°C.
L'avis
du Comité scientifique est notamment motivé par le fait que les
données analytiques de l'huile de friture (des acides gras libres,
des triglycérides dimériques et polymériques, des substances
polaires sur la graisse et l'indice de peroxyde) sont conformes aux
normes légales. Cela montre que l'opérateur contrôle son
processus.
En
outre, sur la base des opinions d'experts et de l'étude de la
littérature, six risques ont été pris en compte :
1)
oxydation de l'huile de tournesol ;
2)
formation d'hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'huile de
tournesol ;
3)
formation d'hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les produits
frits à base de viande ;
4)
stabilité oxydative pendant la conservation des produits frits à
base de viande ;
5)
formation de N-nitrosamines dans les produits frits à base de viande
; et
6)
formation d'amines aromatiques hétérocycliques dans les produits
frits à base de viande.
Le
Comité scientifique estime que la formation d'amines aromatiques
hétérocycliques dans les produits frits à base de viande est le
seul risque pertinent. Une simulation de la formation d'amines
aromatiques hétérocycliques a donc été réalisée pour le produit
le plus critique de l'opérateur, une boulette de viande d'un
diamètre de 2,5 cm. Sur la base de paramètres cinétiques provenant
de la littérature, la formation d'amines aromatiques hétérocycliques
dans la boulette de viande a été simulée pour l’application d’un
procédé de friture de deux minutes à 182°C (tolérance maximale
de l'AFSCA) d'une part et à 187°C (1°C de plus que la température
à laquelle l'opérateur détruit immédiatement les boulettes de
viande) d'autre part. La simulation permet de conclure que
l'augmentation de la formation d'amines aromatiques hétérocycliques
à 187°C par rapport à 182°C est très limitée. Sur la base de
cette simulation, le Comité scientifique est d’avis qu'il n'y a
pas de risque associé à la consommation des boulettes frites de
viande fabriquées par cet opérateur lorsque des dépassements
ponctuels de la température maximale de l'huile de 180°C se
produisent au cours du processus de friture, à condition que les
mesures correctives de l'opérateur soient appliquées de manière
cohérente.
Recommandations
Le
Comité scientifique recommande de calibrer régulièrement le
thermostat de la friteuse électrique.
Plutôt
que de déterminer les acides gras libres, le Comité scientifique
recommande de mesurer la fraction polaire comme contrôle de routine
sur l'huile de tournesol. En effet, la fraction polaire prend en
compte plus de produits de dégradation que les seuls acides gras
libres et constitue donc une méthode plus précise pour déterminer
l'état de dégradation de l'huile de friture.
En
outre, le Comité scientifique recommande d'utiliser une huile ayant
une teneur plus faible en acides gras polyinsaturés et une teneur
plus élevée en acides gras monoinsaturés que l’huile de
tournesol utilisée actuellement par l’opérateur, car la première
présentera une meilleure stabilité à l'oxydation
Complément
Sur ce sujet, on pourra lire, «Contrôle
des huiles de friture» : Tests, changement d'huile,
nettoyage de la friteuse, tri… toutes ces étapes doivent faire
l'objet de protocoles intégrés dans le Plan de Maîtrise Sanitaire.
Cela pour atteindre toujours le même objectif : offrir à la
clientèle un produit sain et de qualité. Article
réalisé en partenariat avec la DGAL.