mercredi 12 juillet 2023

Existe-t-il un risque lié à l'utilisation d'huile à une température supérieure à 180°C pour la friture de produits à base de viande ?

Le Comité scientifique de l’AFSCA de Belgique, dans un avis 09-2023 (40 pages), a réalisé une «Évaluation d'une demande de dérogation pour la friture de produits à base de viande dans une huile dont la température est supérieure à 180°C».

Mots clés : huile de tournesol, friture, température, produits à base de viande, boulettes de viande, hydrocarbures aromatiques polycycliques, amines aromatiques hétérocycliques, N-nitrosamines, oxydation, stabilité à l'oxydation.

Résumé

Contexte et Termes de référence

Un opérateur de la chaîne alimentaire a introduit une demande de dérogation auprès de l'AFSCA pour la friture de produits à base de viande dans de l'huile dont la température est supérieure à 180°C. La température maximale légale est 180°C et une tolérance de 2°C est accordée par l'AFSCA. Au cours du processus de friture de produits à base de viande dans de l'huile de tournesol, l'opérateur autorise des dépassements ponctuels de 182°C. Ces dépassements sont toutefois contrôlés et associés à des mesures correctives.

Conformément à la législation et à la circulaire PCCB/S3/VVN/1148069, l'AFSCA peut, sur demande motivée d'un fabricant ou d'un préparateur et sur avis du Comité scientifique, accorder une dérogation pour le procédé de friture appliqué par le fabricant ou le préparateur. Pour cette raison, il est demandé au Comité scientifique de répondre à la question suivante : «Existe-t-il un risque lié à l'utilisation d'huile à une température supérieure à 180°C pour la friture de produits à base de viande ?»

Méthode

L'avis se base sur l’examen de la littérature et l'opinion d’experts, sur les documents de l’opérateur et sur une estimation de la formation de contaminants de procédé (amines aromatiques hétérocycliques) dans les boulettes de viande réalisée en appliquant un modèle de cinétique issu de la littérature.

Conclusions

Le Comité scientifique n'a pas d'objection à ce que l'AFSCA réponde favorablement à la demande de dérogation de l'opérateur pour la friture de boulettes de viande dans de l'huile de tournesol à une température supérieure à 180°C mais limitée à 186°C. Des mesures correctives doivent toutefois être appliquées à partir du dépassement de 183°C (température d’action choisie par l’opérateur). Les mesures correctives consistent en la destruction des boulettes frites de viande et au changement immédiat de l'huile de friture. Cela est nécessaire si (i) la température de l'huile dépasse 183°C pendant six minutes et que ce dépassement s’accompagne d’une teneur en matières polaires dépassant 25% (norme légale conformément à l'arrêté royal du 22 janvier 1998) ou si (ii) la température de l’huile dépasse 186°C. Il convient de noter que la tolérance de température de l'huile autorisée par l'AFSCA est de 182°C. Cependant, le processus de friture de l'opérateur (friteuse électrique et processus par lots) est intrinsèquement sensible aux fluctuations de température. Grâce aux données d'enregistrement de la température sur une période plus longue (avec seulement quelques dépassements de 182°C), le Comité scientifique peut affirmer qu'il est acceptable que les mesures correctives décrites ci-dessus ne soient prises qu'à partir d'une température de 183°C.

L'avis du Comité scientifique est notamment motivé par le fait que les données analytiques de l'huile de friture (des acides gras libres, des triglycérides dimériques et polymériques, des substances polaires sur la graisse et l'indice de peroxyde) sont conformes aux normes légales. Cela montre que l'opérateur contrôle son processus.

En outre, sur la base des opinions d'experts et de l'étude de la littérature, six risques ont été pris en compte :

1) oxydation de l'huile de tournesol ;

2) formation d'hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'huile de tournesol ;
3) formation d'hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les produits frits à base de viande ;
4) stabilité oxydative pendant la conservation des produits frits à base de viande ;
5) formation de N-nitrosamines dans les produits frits à base de viande ; et

6) formation d'amines aromatiques hétérocycliques dans les produits frits à base de viande.

Le Comité scientifique estime que la formation d'amines aromatiques hétérocycliques dans les produits frits à base de viande est le seul risque pertinent. Une simulation de la formation d'amines aromatiques hétérocycliques a donc été réalisée pour le produit le plus critique de l'opérateur, une boulette de viande d'un diamètre de 2,5 cm. Sur la base de paramètres cinétiques provenant de la littérature, la formation d'amines aromatiques hétérocycliques dans la boulette de viande a été simulée pour l’application d’un procédé de friture de deux minutes à 182°C (tolérance maximale de l'AFSCA) d'une part et à 187°C (1°C de plus que la température à laquelle l'opérateur détruit immédiatement les boulettes de viande) d'autre part. La simulation permet de conclure que l'augmentation de la formation d'amines aromatiques hétérocycliques à 187°C par rapport à 182°C est très limitée. Sur la base de cette simulation, le Comité scientifique est d’avis qu'il n'y a pas de risque associé à la consommation des boulettes frites de viande fabriquées par cet opérateur lorsque des dépassements ponctuels de la température maximale de l'huile de 180°C se produisent au cours du processus de friture, à condition que les mesures correctives de l'opérateur soient appliquées de manière cohérente.

Recommandations

Le Comité scientifique recommande de calibrer régulièrement le thermostat de la friteuse électrique.

Plutôt que de déterminer les acides gras libres, le Comité scientifique recommande de mesurer la fraction polaire comme contrôle de routine sur l'huile de tournesol. En effet, la fraction polaire prend en compte plus de produits de dégradation que les seuls acides gras libres et constitue donc une méthode plus précise pour déterminer l'état de dégradation de l'huile de friture.

En outre, le Comité scientifique recommande d'utiliser une huile ayant une teneur plus faible en acides gras polyinsaturés et une teneur plus élevée en acides gras monoinsaturés que l’huile de tournesol utilisée actuellement par l’opérateur, car la première présentera une meilleure stabilité à l'oxydation

Complément

Sur ce sujet, on pourra lire, «Contrôle des huiles de friture» : Tests, changement d'huile, nettoyage de la friteuse, tri… toutes ces étapes doivent faire l'objet de protocoles intégrés dans le Plan de Maîtrise Sanitaire. Cela pour atteindre toujours le même objectif : offrir à la clientèle un produit sain et de qualité. Article réalisé en partenariat avec la DGAL.

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