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samedi 4 avril 2020

Tracking or not tracking en France, telle est la question

Selon un article d’Emile Marzolf paru dans Acteurs publics du 3 avril 2020, « Exclusif : le gouvernement lance une mission informelle pour réfléchir aux applications de « tracking »,

Le gouvernement ne cesse de se montrer prudent sur le sujet du suivi numérique des personnes pour accompagner la sortie du confinement, s’en remettant à l’avis éclairé d’un comité de chercheurs installé le 24 mars. En coulisse, le secrétaire d’État en charge du Numérique a confié une mission informelle à l’un de ses proches pour envisager toutes les options, a appris Acteurs publics.

Image issue d’un tweet de Marcel Salathé.
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Être prêt le moment venu. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a exclu, le 1er avril, de rendre obligatoire la surveillance numérique (ou tracking) des déplacements des Français pour améliorer l’efficacité de sa stratégie de sortie de confinement. En revanche, la question d’un recours à ces méthodes de suivi reste « encore ouverte », sur la base d’un « engagement volontaire », a-t-il ajouté à l’occasion de son audition par la commission de l’Assemblée nationale, en insistant sur le cadre juridique français et ses exigences en matière de libertés publiques. Si, politiquement, les choses restent donc ouvertes, la machine politico-administrative se doit, de ce fait, d’anticiper et d’être en capacité, le moment venu, de parer à toutes les commandes.

Ainsi l’équipe du secrétaire d’État au Numérique, Cédric O, a-t-elle discrètement confié une mission de préparation à l’ex-directeur de cabinet de son prédécesseur, Mounir Mahjoubi : Aymeril Hoang. Mais une mission si discrète et sensible que l’intéressé l’a démentie auprès d’Acteurs publics. Sollicité, le cabinet de Cédric O n’a pas donné suite. Deux sources très au fait du numérique de l’État assurent pourtant que cette mission bat son plein.

Maturité démocratique
L’affaire de l’« appli » n’est pas simple. Il s’agit de trouver les bons outils numériques alors que la stratégie sanitaire de déconfinement qui la sous-tend n’est pas encore arrêtée par le pouvoir politique. Dans cet objectif, un premier étage de la fusée vise à donner une doctrine scientifique en matière de déconfinement (en fonction de la stratégie de tests PCR et sérologiques prochainement déployée, mais peut-être aussi des tranches d’âge ou du niveau de propagation du virus selon les territoires) : c’est le rôle du comité d’analyse, de recherche et d’expertise (Care), composé de chercheurs et chargé, depuis le 24 mars, de dégager une voie de sortie du confinement en réfléchissant aux différents options, notamment numériques. Mais pas seulement.

Le chantier de l’« appli », stricto sensu, viendra se greffer dessus. Alors que de nombreux pays asiatiques ont déployé des outils de tracking plus ou moins intrusifs au plan des libertés, selon le dégré de maturité démocratique des États et leurs cultures politiques, la pression reste forte en France.

Acceptabilité sociale
Le 31 mars, des chercheurs de l’université d’Oxford (l’étude en Français est ici) chargés d’étudier l’efficacité d’une application ont publié les résultats d’un sondage qu‘ils ont mené dans plusieurs pays, dont la France. L’objectif étant, au-delà de l’aspect technique d’une telle application, de mesurer l’« acceptabilité d’une application téléphonique pour tracer les contacts porteurs du Covid-19 ».

De cette enquête réalisée en France les 26 et 27 mars auprès de 1 010 personnes, il ressort que « près de 80 % des personnes interrogées déclarent qu’elles installeraient l’application sans aucun doute ou probablement, si celle-ci était disponible », avec un très large consensus quel que soit l’âge, le sexe ou la situation de la personne. Une majorité de répondants déclarent même, par ailleurs, soutenir le principe d’une installation automatique de l’application sur leur téléphone, avec la possibilité de la désinstaller.

Multiples réflexions en cours
Parfois présenté comme une alternative au confinement, le tracking n’en pose pas moins de nombreuses questions. Sur son efficacité, liée à l’étendue de son déploiement, d’abord, dans la mesure où il reposerait, dans la version française, sur du volontariat et alors même que le degré d’appropriation des outils numériques reste très hétérogène chez les Français. La question du stockage des données et de leur utilisation constitue un autre enjeu. En attendant, les réflexions sur les applis de suivi pullulent en la matière.

Les hôpitaux de Paris et de Marseille ont chacun déployé des applications de suivi des patients, et chaque start-up y va de sa petite solution. Des solutions open source, notamment étrangères, sont également regardées de près par le gouvernement, comme celle proposée par Singapour. De nombreux hackathons s’organisent par ailleurs pour penser des outils de sortie de crise.

Degré d’intrusion variable
Tous ne présentent néanmoins par le même degré d’intrusion dans la vie privée. Certains outils, comme les applications des hôpitaux, se contentent de maintenir la relation avec le patient en quarantaine. D’autres vont un peu plus loin en analysant les déplacements à partir des données de géolocalisation des opérateurs télécoms, des données agrégées et anonymisées.

Et puis il y a les fameuses applications de « contact tracing », qui permettent de retracer le parcours d’une personne infectée et d’établir les contacts qu’elle a pu avoir avec d’autres personnes pour avertir ces dernières et ainsi limiter la propagation du virus. Plus intrusives encore sont les applications déployées de manière obligatoire en Corée du Sud, à Taiwan ou en Chine, qui permettent de suivre à la trace les individus et de vérifier qu’ils respectent à la lettre les règles de confinement.

Pour l’heure, aucune piste n’est donc privilégiée en France, et toutes les options restent sur la table. Interrogée ce matin sur France Info, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a une nouvelle fois démontré que l’exécutif prenait le sujet avec beaucoup de pincettes. « À ce stade, nous essayons seulement de comprendre de quoi sont faites toutes ces applications ». Et d’ajouter qu’il n’y avait, pour le moment, « rien de lancé du côté de la France » et que si cela venait à arriver, il faudrait que ce soit fait de manière « démocratique », dans le respect des libertés publiques et de la protection des données personnelles. D’où l’option d’un engagement volontaire évoquée par le Premier ministre le 1er avril.

Dans d'autres développement, voici ci-dessous deux tweets de Marcel Salathé, traduits en Français,
Beaucoup de questions ouvertes, beaucoup de défis ouverts. Cela peut ne pas fonctionner. Mais d'après le peu que je sais de l'épidémiologie et de la technologie, le tout combiné à une dose incurable d'optimisme ...
Pour être clair, le suivi des contacts seul n'est pas une solution universelle. Mais je crois qu'en combinaison avec d'autres mesures sensées, cela pourrait nous permettre de revenir pas à pas à une vie normale, voici une explication en 2 minutes ...
Complément du 7 avril 2020Selon Acteurs Publics du 6 avril, « L’efficacité d’une application mobile de « tracking » dépendra de la participation du plus grand nombre. »

Plus les semaines passent et plus le gouvernement réfléchit au recours à une application de pistage pour suivre la transmission du coronavirus. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a fermé la porte, la semaine dernière, à une installation forcée de l’application sur les smartphones des Français, mais ouvert celle d’un “engagement volontaire”. Pourtant, tout porte à croire qu’une telle application ne serait vraiment efficace que si elle était utilisée par un maximum de personnes. 

mercredi 25 mars 2020

Des experts en maladies infectieuses fournissent des preuves de l’utilité d’une application mobile à propos du coronavirus pour le 'tracking' instantané des contacts


« Des experts en maladies infectieuses fournissent des preuves de l’utilité d’une application mobile à propos du coronavirus pour le tracking instantané des contacts », source communiqué de l’Université d’Oxford.

Une équipe d'experts en recherche médicale et en bioéthique de l'Université d'Oxford aide plusieurs gouvernements européens à explorer la faisabilité d'une application mobile pour le coronavirus afin d’assurer le suivi instantané des contacts.

Si elle est déployée rapidement et largement, les experts en maladies infectieuses pensent qu'une telle application pourrait considérablement contribuer à contenir la propagation du coronavirus.

L'équipe d'Oxford University a fourni à des gouvernements européens, y compris celui Royaume-Uni, des preuves à l'appui de la faisabilité de développer une application mobile de suivi des contacts qui soit instantanée, pourrait être largement déployée et devrait être mise en œuvre avec des considérations éthiques appropriées.

L'équipe d'Oxford University recommande que l'application mobile fasse partie d'une stratégie intégrée de lutte contre les coronavirus qui identifie les personnes infectées et leurs récents contacts de personne à personne à l'aide de la technologie numérique.

Le professeur Christophe Fraser du Big Data Institute de l'Université d'Oxford, département de médecine de Nuffield, explique pourquoi une application de tracking des contacts pourrait être déployée de toute urgence : « Le coronavirus est différent des épidémies précédentes et nécessite plusieurs stratégies de confinement interdépendantes. Notre analyse suggère que près de la moitié des transmissions de coronavirus se produisent au tout début de l'infection, avant l'apparition de symptômes, nous avons donc besoin d'une application mobile rapide et efficace pour alerter les personnes qui ont été exposées. Notre modélisation mathématique suggère que les méthodes traditionnelles de recherche des contacts en santé publique sont trop lentes pour suivre ce virus. »
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Le professeur Fraser poursuitc: « Le concept d'une application mobile instantanée est très simple. Si vous êtes diagnostiqué avec le coronavirus, les personnes avec lesquelles vous êtes récemment entré en contact recevront un message leur conseillant de s’isoler. Si cette application mobile est développée et déployée rapidement, et que suffisamment de personnes optent pour utiliser une telle approche, nous pouvons ralentir la propagation du coronavirus et atténuer les impacts humains, économiques et sociaux dévastateurs.»

Le Dr David Bonsall, chercheur au département de médecine d'Oxford à Nuffield et clinicien à l'hôpital John Radcliffe d'Oxford, a dit : « Nos résultats confirment que tout le monde n'a pas à utiliser l'application mobile pour que cela fonctionne. Si, à l'aide de l'application, la majorité des individus s'auto-isolent quand ils montrent des symptômes et la majorité de leurs contacts peuvent être retrouvés, nous avons une chance d'arrêter l'épidémie. »

Pour fonctionner, cette approche doit être intégrée dans un programme national, non reprise par des développeurs d'applications indépendants. Si nous pouvons déployer cette technologie en toute sécurité, plus il y aura de personnes qui adhèrent, plus l'épidémie cessera rapidement et plus de vies pourront être sauvées.

Le Dr Bonsall explique pourquoi la stratégie actuelle de recherche des contacts n'est plus viable : « Au stade actuel de l'épidémie, la recherche des contacts ne peut plus être effectuée efficacement par les responsables de la santé publique au Royaume-Uni et dans de nombreux pays d'Europe, car le coronavirus se propage trop rapidement. Notre recherche sur les premières données provenant d’autres pays montre que les antécédents des patients sont incomplets - nous ne connaissons pas les détails de la personne à côté de laquelle nous étions assis dans le bus. Nous avons besoin d'une solution numérique instantanée et anonyme pour confirmer notre historique de contacts personnels. »

Le professeur Fraser souligne l'urgence : « Il y a actuellement plus de cas quotidiens dans de nombreux petits pays européens que dans toute la Chine. Notre équipe prépare actuellement des simulations pour cette approche de recherche de contacts mobile qui pourrait arrêter l'épidémie avec beaucoup moins de perturbations que l'isolement national ou européen. Notre espoir est de soutenir les communautés avec des informations vitales à mesure que la pandémie s'aggrave, ou bien elles pourraient être utilisées pour libérer les communautés de l'isolement à grande échelle. »

L'équipe du professeur Fraser du Big Data Institute d'Oxford University continue de simuler les performances de l'application afin qu'elle puisse être ajustée pour inclure des tests du coronavirus guidés par l’application mobile et/ou fournir des réponses ciblées dans les zones à taux de transmission particulièrement élevés.

Le professeur Michael Parker, directeur du Wellcome Center for Ethics & Humanities and Ethox Center, au Nuffield Department of Population Health d'Oxford, ajoute ses recommandations sur l'éthique: « L'utilisation de toute application mobile contre le coronavirus nécessite des normes éthiques élevées tout au long de l'intervention, notamment : garantir l'égalité accès et traitement ; résoudre les problèmes de confidentialité et d'utilisation des données ; adopter un algorithme transparent et vérifiable; envisager des stratégies de déploiement numérique pour soutenir des groupes spécifiques, tels que les agents de santé, les personnes âgées et les jeunes; et en procédant sur la base du consentement individuel. »

L'équipe d'Oxford University suggère que l'application mobile devrait être combinée à des mesures de distanciation sociale pour réduire les contacts étroits. Le Dr Bonsall recommande: « Nous avons besoin de diverses mesures pour ralentir la propagation de l'infection avant que les vaccins et les traitements antiviraux ne soient disponibles. Un nombre important d'infections sont transmises avant le début des symptômes, nous avons donc besoin d'un système efficace pour alerter les gens lorsqu'ils ont été exposés. Le lavage régulier des mains et l'hygiène restent importants ; en outre, les personnes devraient suivre toutes les recommandations pour réduire les contacts étroits avec les autres, en particulier dans les zones densément peuplées. La combinaison de ces mesures contribuera à réduire les transmissions ultérieures, ce qui, en termes épidémiologiques, réduir le nombre reproducteur R ; le nombre moyen de transmissions de personnes infectées. Si un pays réduit R à moins d'un, l'épidémie diminuera et finira par s'arrêter. »

Le professeur Fraser conclut: « Les stratégies actuelles ne fonctionnent pas assez rapidement pour intercepter la transmission du coronavirus. Pour lutter efficacement contre cette pandémie, nous devons exploiter la technologie du 21e siècle. Nos recherches plaident en faveur d'une application mobile qui accélère notre capacité à retrouver les personnes infectées et fournit des informations vitales qui protègent les communautés contre cette pandémie. »

En savoir plus sur ce travail sur www.coronavirus-fraser-group.org

Commentaire. Sur l’utilisation du tracking, et en réponse à une question d’une député, lors de la session des questions au gouvernement du 24 mars, le ministre de la santé a répondu :
Or vous citez l’exemple de la Corée du Sud. Il est vrai que  ce pays dispose depuis quelques années d’une capacité de dépistage qui n’a d’égale dans aucun autre au monde, parce qu’il a affronté des épidémies comme aucun autre – dont acte : voilà qui peut être un enseignement pour l’avenir. Mais la Corée ne se contente pas de faire des tests : elle fait aussi du « tracking ». Elle a en effet équipé tous les téléphones et examine les données personnelles nécessaires pour prévenir tout l’entourage lorsqu’une personne était malade.
Je n’en suis pas convaincu et, à titre personnel, moi non plus. Il faut faire attention, en citant l’exemple de certains pays loin de nous, à ne pas en prendre que la partie qui nous arrange, sans mentionner celle qui nous mettrait en défaut. Quand vous citez la Corée, prenez en considération l’ensemble de la politique qui y est menée.

Je pense que nous entendrons parler très bientôt du ‘tracking’ que ce soit version Corée du Sud ou version Université d’oxford ...

Enfin à lire dans Causeur.fr, Le port du masque « à la hongkongaise » comme alternative au confinement. Le masque protège les autres plus que son porteur.
Ce courrier a été adressé par Florence de Changy à Martin Hirsch, le directeur de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Alors que le gouvernement nous dit que le port du masque n’est pas utile et que la polémique enfle en France, la journaliste observe les bons résultats obtenus à Hong Kong.
A suivre ...