Le
gouvernement ne cesse de se montrer prudent sur le sujet du suivi
numérique des personnes pour accompagner la sortie du confinement,
s’en remettant à l’avis éclairé d’un comité de chercheurs
installé le 24 mars. En coulisse, le secrétaire d’État en charge
du Numérique a confié une mission informelle à l’un de ses
proches pour envisager toutes les options, a appris Acteurs publics.
Image
issue d’un tweet de Marcel Salathé. Cliquez sur l"image pour l'agrandir. |
Ainsi
l’équipe du secrétaire d’État au Numérique, Cédric O,
a-t-elle discrètement confié une mission de préparation à
l’ex-directeur de cabinet de son prédécesseur, Mounir Mahjoubi :
Aymeril Hoang. Mais une mission si discrète et sensible que
l’intéressé l’a démentie auprès d’Acteurs publics.
Sollicité, le cabinet de Cédric O n’a pas donné suite. Deux
sources très au fait du numérique de l’État assurent pourtant
que cette mission bat son plein.
Maturité
démocratique
L’affaire
de l’« appli » n’est pas simple. Il s’agit de
trouver les bons outils numériques alors que la stratégie sanitaire
de déconfinement qui la sous-tend n’est pas encore arrêtée par
le pouvoir politique. Dans cet objectif, un premier étage de la
fusée vise à donner une doctrine scientifique en matière de
déconfinement (en fonction de la stratégie de tests PCR et
sérologiques prochainement déployée, mais peut-être aussi des
tranches d’âge ou du niveau de propagation du virus selon les
territoires) : c’est le rôle du comité d’analyse, de recherche
et d’expertise (Care), composé de chercheurs et chargé, depuis le
24 mars, de dégager une voie de sortie du confinement en
réfléchissant aux différents options, notamment numériques. Mais
pas seulement.
Le
chantier de l’« appli », stricto sensu, viendra se
greffer dessus. Alors que de nombreux pays asiatiques ont déployé
des outils de tracking plus ou moins intrusifs au plan des libertés,
selon le dégré de maturité démocratique des États et leurs
cultures politiques, la pression reste forte en France.
Acceptabilité
sociale
Le
31 mars, des chercheurs
de l’université d’Oxford (l’étude en Français est ici)
chargés d’étudier l’efficacité d’une application ont publié
les résultats d’un sondage qu‘ils ont mené dans plusieurs pays,
dont la France. L’objectif étant, au-delà de l’aspect technique
d’une telle application, de mesurer l’« acceptabilité
d’une application téléphonique pour tracer les contacts porteurs
du Covid-19 ».
De
cette enquête réalisée en France les 26 et 27 mars auprès de 1
010 personnes, il ressort que « près de 80 % des personnes
interrogées déclarent qu’elles installeraient l’application
sans aucun doute ou probablement, si celle-ci était disponible »,
avec un très large consensus quel que soit l’âge, le sexe ou la
situation de la personne. Une majorité de répondants déclarent
même, par ailleurs, soutenir le principe d’une installation
automatique de l’application sur leur téléphone, avec la
possibilité de la désinstaller.
Multiples
réflexions en cours
Parfois
présenté comme une alternative au confinement, le tracking n’en
pose pas moins de nombreuses questions. Sur son efficacité, liée à
l’étendue de son déploiement, d’abord, dans la mesure où il
reposerait, dans la version française, sur du volontariat et alors
même que le degré d’appropriation des outils numériques reste
très hétérogène chez les Français. La question du stockage des
données et de leur utilisation constitue un autre enjeu. En
attendant, les réflexions sur les applis de suivi pullulent en la
matière.
Les
hôpitaux de Paris et de Marseille ont chacun déployé des
applications de suivi des patients, et chaque start-up y va de sa
petite solution. Des solutions open source, notamment étrangères,
sont également regardées de près par le gouvernement, comme celle
proposée par Singapour. De nombreux hackathons s’organisent par
ailleurs pour penser des outils de sortie de crise.
Degré
d’intrusion variable
Tous
ne présentent néanmoins par le même degré d’intrusion dans la
vie privée. Certains outils, comme les applications des hôpitaux,
se contentent de maintenir la relation avec le patient en
quarantaine. D’autres vont un peu plus loin en analysant les
déplacements à partir des données de géolocalisation des
opérateurs télécoms, des données agrégées et anonymisées.
Et
puis il y a les fameuses applications de « contact
tracing », qui permettent de retracer le parcours d’une
personne infectée et d’établir les contacts qu’elle a pu avoir
avec d’autres personnes pour avertir ces dernières et ainsi
limiter la propagation du virus. Plus intrusives encore sont les
applications déployées de manière obligatoire en Corée du Sud, à
Taiwan ou en Chine, qui permettent de suivre à la trace les
individus et de vérifier qu’ils respectent à la lettre les règles
de confinement.
Pour
l’heure, aucune piste n’est donc privilégiée en France, et
toutes les options restent sur la table. Interrogée ce matin sur
France Info, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a une
nouvelle fois démontré que l’exécutif prenait le sujet avec
beaucoup de pincettes. « À ce stade, nous essayons
seulement de comprendre de quoi sont faites toutes ces
applications ». Et d’ajouter qu’il n’y avait, pour le
moment, « rien de lancé du côté de la France »
et que si cela venait à arriver, il faudrait que ce soit fait de
manière « démocratique », dans le respect des libertés
publiques et de la protection des données personnelles. D’où
l’option d’un engagement volontaire évoquée par le Premier
ministre le 1er avril.
Dans d'autres développement, voici ci-dessous deux tweets de Marcel Salathé, traduits en Français,
Beaucoup de questions ouvertes, beaucoup de défis ouverts. Cela peut ne pas fonctionner. Mais d'après le peu que je sais de l'épidémiologie et de la technologie, le tout combiné à une dose incurable d'optimisme ...
Pour être clair, le suivi des contacts seul n'est pas une solution universelle. Mais je crois qu'en combinaison avec d'autres mesures sensées, cela pourrait nous permettre de revenir pas à pas à une vie normale, voici une explication en 2 minutes ...
To be clear, contact tracing alone is not a catch-all solution. But I believe that in combination with other sensible measures, it could allow us to go back, step by step, to a normal life. Here is a short 2 minute explainer, again from @ncasenmare 11/12 pic.twitter.com/zPtFyHRAgU— Marcel Salathé (@marcelsalathe) April 4, 2020
Complément du 7 avril 2020. Selon
Acteurs
Publics du 6
avril,
« L’efficacité
d’une application mobile de « tracking » dépendra de
la participation du plus grand nombre. »
Plus
les semaines passent et plus le gouvernement réfléchit au recours à
une application de pistage pour suivre la transmission du
coronavirus. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a fermé la
porte, la semaine dernière, à une installation forcée de
l’application sur les smartphones des Français, mais ouvert celle
d’un “engagement volontaire”. Pourtant, tout porte à croire
qu’une telle application ne serait vraiment efficace que si elle
était utilisée par un maximum de personnes.
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