Un précédent article
rapportait la non-transparence de nos autorités sanitaires dans Rappels des
produits alimentaires, toujours une absence de transparence à tous les niveaux, et c’est tellement vrai que j’ai décidé d’en faire
une saga …
Cette saga va commencer avec
la publication par le ministère de l’agriculture le 12 novembre 2018 du « Bilan du plan de contrôle renforcé
des établissements fabriquant ou conditionnant des poudres de lait infantile ».
On va donc voir ce que l’on va voir … même si
aujourd’hui, tout cela ne semble plus intéresser grand monde, mais est-ce bien d’un
« bilan du plan de contrôle renforcé »
dont il s’agit ?
Les mots ont quand même un sens, mais là, il n’y a que
quelques lignes, très décevant donc, … jugez plutôt …
Parmi les 110 établissements agréés pour
la déshydratation de lait, 41 établissements manipulaient des poudres
infantiles. Ces établissements ont été inspectés par les agents des directions
départementales en charge de la protection des populations, qui en plus de la
vérification des locaux et équipements, ont procédé à un examen documentaire
des résultats d’autocontrôle mis en œuvre par les professionnels.
Donc pas de prélèvements
réalisés
A l’issue de ces inspections, le niveau
de maîtrise des risques sanitaires de ces établissements a été évalué par les
inspecteurs et mis en transparence sur le site internet et l’application mobile
Alim'confiance. Parmi ces
établissements, 32 ont un niveau sanitaire satisfaisant ou très satisfaisant.
Un établissement a fait l’objet d’une suspension d’activité par les
services de l’État, car les manquements relevés y étaient importants. Cet
établissement ne pourra reprendre son activité que lorsque toutes les garanties
de maîtrise des risques seront apportées aux services de contrôle. Il est à
noter que cet établissement ne produisait pas de poudres infantiles lors de
l'inspection ayant conduit à sa fermeture administrative.
Enfin, huit établissements ont été mis en demeure de procéder à des
mesures correctives dans un délai imparti par les services d’inspection. Ces
mesures ont concerné par exemple des adaptations de locaux, le renforcement de
procédures de nettoyage-désinfection ou encore un plus grand niveau d’exigence
dans la réalisation des autocontrôles. Les entreprises concernées font l’objet
d’un suivi renforcé. De nouvelles inspections inopinées par les services de
l’État sont programmées pour vérifier d’une part, la mise en place des mesures
correctives exigées et, d’autre part, l’amélioration et le maintien d’un niveau
de maîtrise des risques satisfaisant.
Ce « bilan du plan renforcé » ne nous
dit pas si les « huit
établissements mis en demeure de procéder à des mesures correctives » avaient
des salmonelles dans leur environnement de fabrication … ce sera certainement
pour plus tard … si une commission d’enquête le demande …
La revue PROCESS Alimentaire du 5 février 2018
rapportait à propos de ce plan de
contrôle renforcé, « Le recueil
de ces paramètres technologiques contribuera à la préparation d’une saisine de
l’Anses (qui sera publiée ultérieurement). Les inspections devront être
finalisées au plus tard le 15 mai 2018. »
Les inspections ont peut-être étaient finalisées « au plus tard le 15 mai 2018 », mais
elles n’ont été publiées que le 16 novembre 2018 !
Comme il ne faut fâcher
personne, ce bilan demeure anonyme, aucune entreprise est citée … mais on sait
que ce n’est pas le cas ailleurs …
Récemment, le 16 novembre
et le 21 novembre
2018, la Food Standards Agency du
Royaume-Uni rapportait :
Un abattoir du Yorkshire a été condamné
à une amende pour manquement aux règles d'hygiène alimentaire. La société
Yorkshire Abattoir Services Limited a été condamnée à payer plus de 34 400 £
(36 675 euros) après avoir été reconnue coupable d'infractions en matière
d'hygiène alimentaire.
Une usine de découpe de viande de
Birmingham condamnée à une amende de plus de 43 000 £ (48 222 euros) pour
manquement à l'hygiène. Sandwell Foods Ltd, commercialisée sous le nom de Halal
World, a été reconnue coupable de quatre infractions en matière d’hygiène des
aliments.
Cela a le mérite d’être public,
simple et clair … on sait à qui on a à faire …
Maintenant venons-en à cette transparence
des résultats des inspections, dont on nous dit que « le niveau de maîtrise des risques sanitaires de ces établissements a
été mis en transparence sur le site internet Alim'confiance ».
Comment faire pour retrouver les
entreprises qui ont été inspectées sur le site Alim’confiance ?
Ce que l’on sait :
. 32 ont un niveau sanitaire satisfaisant ou très satisfaisant, soit 78% des établissements,
. huit établissements ont été mis en demeure de procéder à des mesures correctives dans un délai imparti par les services d’inspection et,
. un établissement a fait l’objet d’une suspension d’activité par les services de l’État
Pas facile d’avoir
une liste …
Une première
recherche des établissements concernés m’a amené à une « Liste
des établissements agréés CE conformément au règlement (CE) n°853/2004 ». Ce règlement fixe des règles spécifiques d’hygiène applicables aux
denrées alimentaires d’origine animale.
Malheureusement
l’accès aux différentes listes des entreprises, dont on nous assure qu’il y a
une mise à jour quotidienne, est refusé, souci de sécurité, me dit mon
navigateur, même souci avec deux autres micro-ordinateurs essayés. La liste qui m’intéressait était : « Section IX.
Lait cru, colostrum, produits laitiers et produits à base de
colostrum ».
Je me rabats donc sur l’Instruction
technique (DGAL/SDSSA/2018-71) du 29/01/2018, « Plan
d'inspection des établissements fabriquant, mélangeant ou conditionnant des
poudres de produits laitiers destinées à l'élaboration de denrées alimentaires
pour bébés. »
Surprise, il n’y a pas « 110 établissements
agréés pour la déshydratation de lait », comme indiqué dans le communiqué du ministère de l’agriculture précité, mais
98 figurant dans l’« Annexe : liste
des établissements agréés au titre de leur activité de déshydratation du lait
(Resytal, janvier 2018). » Pour en savoir un peu sur Resytal, on lira
ce lien.
Une fois arrivé sur cette liste, il semble difficile de lister les « 41 établissements qui manipulaient de la
poudre infantile », car cette information stricto sensu ne figure pas sur la liste … et quelques établissements
pris au hasard faisant de la « poudre
de lait » ne donnent aucun résultat après consultation du site d’Alim’confiance (recherche des établissements
agroalimentaires) …
Ou bien, il me faut passer systématiquement tous les 98 établissements
listés au crible du site Alim’confiance pour peut-être retrouver la liste des
44 établissements ayant fait l’objet du plan de contrôle renforcé, c’est dire
si cela est simple et surtout transparent …
En conclusion, retour à la case
départ, dans attente d’une transparence qui ne ressemblera pas à la chasse audahu (attrape-nigauds) … à moins qu’une
bonne âme (ça existe) me fournisse la marche à suivre …
Emission de télé ou téléfilm ou télé réalité ?
Dans le cadre de cet article sur le Bilan du plan de contrôle renforcé des établissements fabriquant ou conditionnant des poudres de lait infantile, il faut dire un mot de l'émission sur France 2, Cellule de crise, on pourrait croire par certains moments à un téléfilm, « Lait contaminé : au cœur de l'affaire Lactalis » a été diffusée le 27 novembre 2018 :
Dans le cadre de cet article sur le Bilan du plan de contrôle renforcé des établissements fabriquant ou conditionnant des poudres de lait infantile, il faut dire un mot de l'émission sur France 2, Cellule de crise, on pourrait croire par certains moments à un téléfilm, « Lait contaminé : au cœur de l'affaire Lactalis » a été diffusée le 27 novembre 2018 :
Alors que les Français sont de plus en plus méfiants face au contenu de
leurs assiettes, l'enquête de « Cellule de crise » sur le lait
infantile contaminé illustre comment l'agroalimentaire n'est toujours pas une
industrie sous contrôle. Tout juste un an après la découverte de l'épidémie,
les principaux acteurs de l'affaire Lactalis racontent les coulisses de la
crise. Le 30 novembre 2017, les biologistes de l'Institut Pasteur identifient
une épidémie de salmonellose. Les victimes sont des bébés, tous ont consommé
des poudres de lait produites par le géant mondial Lactalis. C'est le début
d'une crise alimentaire marquée par une spectaculaire et inquiétante série de
dysfonctionnements : retards pour informer les parents, tergiversations pour
identifier les lots potentiellement contaminés.
Se basant régulièrement sur des témoignages de parents, l’émotion
est omniprésente et n’apporte rien à la gestion de crise de l’affaire Lactalis.
A aucun moment, il n’est expliqué ce qu’est une analyse
microbiologique, c’est la base et c’est bien dommage, car l’analyse
microbiologique ne donne pas toujours un résultat comme on aimerait que cela
soit, ce n’est une analyse parfaite et elle comporte des biais inhérents à ce
type d’analyses : la contamination sur un milieu sec pour les poudres de
lait est hétérogène et il faut donc des volumes de prélèvements pour tenter de
retrouver une contamination.
Ce que le consommateur aurait pu apprendre :
La sécurité des aliments est
principalement assurée par une approche préventive (bonnes pratiques d’hygiène
et application des principes de l’HACCP). Les critères microbiologiques donnent
des références concernant l’acceptabilité des denrées et des procédés de
fabrication mais pour des raisons liées par exemple à l’échantillonnage et la
faible prévalence de certains dangers, les analyses microbiologiques ne peuvent
jamais garantir la sécurité d’un produit analysé. Source Note
de service de la DGAL (DGAL/SDSSA/N2006-8048) de février 2006 à
propos des critères microbiologiques applicables aux aliments.
Pas un mot sur le « Bilan du plan de contrôle renforcé des établissements
fabriquant ou conditionnant des poudres de lait infantile » publié par le ministère de l’agriculture
et qui montre que l’absence de transparence prévaut toujours …
Le seul point vraiment utile et qui aurait pu être creusé,
ce sont les contradictions flagrantes des deux ministres, ministre de l’agriculture
et ministre des finances, lors des auditions de la Commission
d’enquête chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis et d’étudier
à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d’information, de
la production à la distribution, et l’effectivité des décisions publiques, Tome
II :
Ministre de l’agriculture :
Or ces analyses, très nombreuses, comme vous pouvez le constater, ne
comprennent pas le lait infantile, dont le contrôle relève de la DGCCRF. Vous
me permettrez par conséquent de ne pas répondre à la place du ministère de
l’économie et des finances, tutelle de la DGCCRF, puisque vous aurez tout
loisir d’interroger mon collègue Bruno Le Maire sur le sujet.
Ministre de l’économie
et des finances :
Les compétences sur la salmonelle sont du ressort de la DGAL et des
services vétérinaires et pas de la DGCCRF.
Notons que cette intervention du ministre de l’économie et
des finances ne se trouve pas dans le compte-rendu des auditions, mais uniquement dans les
vidéos des auditions !
Notons aussi que comme dans une série américaine, tout un chacun s'est félicité des propositions du rapport de la commission d'enquête, sans se poser la question de savoir quelle mesure précise sera effectivement être mise en place dans la réalité, personnellement j'ai des doutes sur son effectivité.
Notons aussi que comme dans une série américaine, tout un chacun s'est félicité des propositions du rapport de la commission d'enquête, sans se poser la question de savoir quelle mesure précise sera effectivement être mise en place dans la réalité, personnellement j'ai des doutes sur son effectivité.
Des exemples après l’affaire Lactalis auraient pu être pris
pour montrer que malgré le rapport « poudre aux yeux » de la Commission
d’enquête, rien n’a changé, as usual …
Enfin, le dernier intervenant de l’émission est une personne
de Food Watch, ONG qui ne représente qu’elle-même, et qui a surtout servi de
caisse de résonance médiatique (faire le buzz correspond plus à la réalité) sur la
souffrance des parents, mais aussi en tapant sur les autorités, les distributeurs,
les pharmacies, Lactalis, etc., dans le but de se faire connaître du public français
…
France 2 a donc ainsi servi de caution et de tremplin à cette ONG, dont j’avais déjà dit en mai 2014, « foodwatch arrive en France : Non, merci ! », je n’ai pas changé d’avis …
France 2 a donc ainsi servi de caution et de tremplin à cette ONG, dont j’avais déjà dit en mai 2014, « foodwatch arrive en France : Non, merci ! », je n’ai pas changé d’avis …
Pour information :
Il y a eu en France à la fin de la semaine 47 de 2018, 304
avis de rappel de produits alimentaires versus 192 avis de rappel pour toute
l’année 2017, soit 36,9 % de plus … là aussi la transparence serait de mise,
mais quand …
Sur ce sujet, on lira aussi La
folie des rappels de produits, « 2018,
l'année de tous les records ? », ce n’est pas, l’année de tous les
records, c’est une explosion …
Au niveau du RASFF de l’UE, à la fin de la semaine 47 de
2018, pour les produits alimentaires d’origine France, il y a eu 202 avis de
rappel de produits alimentaires versus 133 notifications pour toute l’année
2017, soit 34,2 % de plus… un peu moins que le chiffre des produits
alimentaires rappelés en France…
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