Un précédent article avait rapporté l’« Impact des pratiques de production de bovins
« élevés antibiotique » sur l'occurrence de la résistance aux
antibiotiques ». On pourra aussi lire Etats-Unis : Des bactéries résistantes aux antibiotiques
retrouvées chez des poulets cachers, des poulets bio et des poulets élevés sans
antibiotiques !, Des pathogènes résistants aux antibiotiques persistent chez le
porc élevé sans antibiotiques et Le porc sans antibiotique, marketing ou sécurité des
aliments ?
Voici une autre étude qui rapporte des niveaux similaires de
résistance aux antibiotiques dans la viande hachée bovine, avec et sans l’allégation
« élevé sans antibiotique »
utilisée dans la restauration commerciale aux Etats-Unis.
« Une étude
révèle que les niveaux de résistance dans la viande de burger sans antibiotique
ne sont pas inférieurs », source article
de Chris Dall paru le 28 novembre 2018 dans CIDRAP News.
Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs du ministère
de l'agriculture des États-Unis a révélé des niveaux similaires de résistance
aux antibiotiques dans la viande hachée bovine d’animaux élevés avec et sans
antibiotique. Les résultats ont été publiés dans le Journal of Food Protection.
Les auteurs de l'étude affirment que les données, ainsi que
les recherches antérieures qu'ils ont effectuées sur les animaux élevés de
manière conventionnelle et « élevés
sans antibiotique », suggèrent que l'utilisation d'antibiotiques dans
la production de bétail américaine n'a « qu'un impact minime, voire nul, sur la résistance aux antibiotiques
chez les bactéries résidentes ».
Cette découverte intervient à un moment où de vives
inquiétudes sont souvevées quant à l'utilisation des antibiotiques chez les
animaux producteurs d'aliments, qui consomment entre 70% et 80% des
antibiotiques importants sur le plan médical vendus dans le monde, et les
effets de cette utilisation sur la santé humaine.
L’Organisation mondiale de la santé et d’autres groupes de
santé publique ont appelé à des limites quant à leur utilisation chez les
animaux d’élevage et la volaille, affirmant que l’utilisation généralisée de
ces médicaments comme promoteur de croissance et la prévention des maladies
chez des animaux en bonne santé contribuait à l’émergence d’agents pathogènes
transmis à l'homme par la viande.
Cette inquiétude a entraîné une demande croissante des
consommateurs pour de la viande sans avoir recours à des antibiotiques
médicalement importants. L’impact le plus important a été observé dans
l’industrie de la volaille, plusieurs grandes chaînes de restaurants et des producteurs
de volailles se sont engagés à enlever les antibiotiques d’importance médicale
de la chaîne de production. Les défenseurs de la viande sans antibiotique
poussent maintenant l’industrie du bœuf et du porc à opérer des changements
similaires.
Mais, les auteurs de l’étude affirment qu’il existe peu de
recherches examinées par des pairs à l’appui des allégations selon lesquelles
les produits de viande issus d’animaux « élevés sans antibiotique » contiennent moins de bactéries
résistantes aux antibiotiques, et la plupart d’entre elles concernent la volaille.
Ils disent que leurs conclusions suggèrent que ces allégations pourraient ne
pas être justifiées pour la viande hachée bovine.
« Nous avons
constaté que les viandes conventionnelles et les viandes issues d’animaux
« élevés sans antibiotique » présentaient des niveaux similaires de
résistance aux antibiotiques », a déclaré au CIDRAP News, l'auteur
principal, John Schmidt, microbiologiste à l’Agricultural Research Service
de l'USDA. « Donc, vous ne pouvez
pas soutenir avec des données la notion qu'il y a plus de résistance aux
antibiotiques dans le viande hachée bovine conventionnelle … du moins aux
États-Unis. »
Résistance dans la
viande des deux systèmes de production
Pour comparer les niveaux de résistance aux antibiotiques
dans la viande hachée bovine issue d’animaux élevés de façon conventionnelle et
élevés sans antibiotique, Schmidt et ses collègues ont recueilli des
échantillons de viande hachée bovine sur une période de 13 mois auprès de trois
sociétés de restauration commerciale ayant reçu de la viande conventionnelle et
de la viande issus d’animaux élevés sans antibiotique provenant de plusieurs abattoirs.
Sur les 370 échantillons recueillis, 191 provenaient de bovins élevés de façon
conventionnelle et 179 portaient un étiquetage : viande issue d’animaux élevés
sans antibiotique.
Pour déterminer les niveaux de résistance aux antibiotiques,
les chercheurs ont cultivé plusieurs types de bactéries à partir des
échantillons, en se concentrant principalement sur les principales bactéries
d’origine alimentaire (Escherichia coli,
Salmonella enterica et Enterococcus spp.) qui sont courantes
dans la viande et dans lesquelles la résistance aux antibiotiques pourrait
avoir un impact sur la santé humaine. Ils ont également cultivé Staphylococcus aureus, car il est à
craindre que l'utilisation d'antibiotiques chez les bovins puisse contribuer à
la propagation de S. aureus résistant
à la méthicilline (SARM). En outre, l'équipe a isolé l'ADN de toutes ces bactéries
qui correspond au métagénome de chaque échantillon et évalué l'abondance de
gènes de résistance aux antibiotiques en utilisant une PCR quantitative.
Dans l'ensemble, les résultats ont montré que les niveaux de
bactéries résistantes aux antibiotiques dans tous les échantillons de viande
hachée bovine ne constituaient qu'une petite partie de la flore bactérienne
globale. Les micro-organismes résistants aux antibiotiques les plus
remarquables étaient E. coli
résistant à la tetracycline, qui était plus fréquemment détecté parmi les
échantillons conventionnels que dans les échantillons de viandes issues
d’animaux élevés sans antibiotique (54,2% contre 35,2%, p < 0,01), et les entérocoques
résistants à la tétracycline, qui ont été retrouvés dans 94,8% des échantillons
conventionnels et 91,1% des échantillons de viandes issues d’animaux élevés
sans antibiotique. Dans les deux cas, la détection des bactéries résistantes
était très différente selon les fournisseurs.
Salmonella
résistant à la tétracycline, E. coli
résistants aux céphalosporines de troisième génération, des entérocoques
résistants à l'érythromycine et des SARM ont été décelés en plus petites
quantités parmi les échantillons de viande bovine hachée issue d’animaux élevés
de façon conventionnelle et d’animaux élevés sans antibiotique, les chercheurs
ont conclu que le fournisseur avait un impact plus important que le système de
production.
Lorsque les chercheurs ont évalué l'abondance des gènes de
la résistance aux antibiotiques, ils ont constaté que deux des gènes de
résistance à la tétracycline les plus courants, tetA et tetB, étaient
significativement plus abondants dans la viande bovine hachée issue d’animaux
élevés sans antibiotique.
« J'appelle ça,
globalement, un match nul », a déclaré Schmidt. « En fin de compte, nous avons trouvé des
niveaux de résistance similaires dans la viande provenant des deux systèmes de
production. »
Alors, comment des bactéries résistantes aux antibiotiques
et les gènes de résistances aux antibiotiques se sont-ils retrouvés dans de la
viande hachée bovine issue d’animaux élevés sans antibiotique ?
Schmidt a dit que bien qu'il soit impossible d'identifier la
source exacte, il n'est pas étonnant qu'ils en aient trouvées dans de la viande
hachée bovine n'ayant pas été exposé aux antibiotiques.
« Vous n'avez pas
besoin d'antibiotiques pour contracter une résistance aux antibiotiques »
a expliqué Schmidt, citant une étude publiée en 2011 dans Nature dans laquelle on avait découvert des gènes de résistance
aux antibiotiques dans le permafrost congelé
depuis plus de 30 000 ans. « Dans
tout environnement où il y a des bactéries, il y aura de la résistance, et
comme la viande hachée bovine issue d’animaux élevés sans antibiotique, comme
toute viande, n'est pas stérile, il y aura donc des bactéries et il y aura de
la résistance. »
Il est également possible que les bactéries résistantes aux
antibiotiques et les gènes de résistance présents dans les échantillons de
viande hachée bovine issue d’animaux élevés sans antibiotique aient été acquis
au cours de la transformation. L'analyse phylogénétique a montré que les
microbiomes de la viande hachée bovine issues d’animaux élevés sans antibiotique
et d’animaux élevés de façon conventionnelle chez un fournisseur étaient
similaires, mais variaient d'un fournisseur à l'autre. « Cela signifie que quelque chose chez ce
fournisseur contribue à la flore finale que vous voyez », a déclaré
Schmidt, bien qu'il ait souligné qu'aucune conclusion sur l'hygiène ne pouvait
être tirée de l'étude.
Aucune conclusion ne peut non plus être tirée sur les
conséquences pour la santé humaine à propos des bactéries résistantes aux
antibiotiques et des gènes de résistance aux antibiotiques qu'ils ont trouvés. « L'impact réel sur la santé humaine ... n'est
pas clair », a déclaré Schmidt. « Il y a tellement d'étapes entre la résistance que nous avons trouvée jusqu’à
l'échec hypothétique du traitement que nous avons constaté. »
Schmidt a également ajouté que les résultats ne devraient
pas être interprétés comme une autorisation d'utiliser des antibiotiques chez
des animaux producteurs d'aliments sans réglementation.
Définir le 'sans
antibiotique'
Gail Hansen, consultante en santé publique et en médecine
vétérinaire qui n'a pas participé à la recherche, a déclaré que les résultats
témoignaient de l'efficacité avec laquelle l'industrie du bœuf avait réagi à l'épidémie
de E. coli O157:H7 en 1993, liée à
des galettes de bœuf contaminées chez Jack in the Box, une épidémie qui a
rendu malade plus de 700 personnes et entraîné la mort de quatre enfants.
« L'industrie a
réagi en modifiant certaines de ses pratiques. Parmi celles-ci, il y a des
procédures et des processus sanitaires visant à minimiser la contamination
microbienne de la viande hachée bovine », a déclaré Hansen à CIDRAP
News. « Ce que l'étude a montré,
c'est que lorsque vous agissez de la sorte, vous réduisez les bactéries
présentes dans la viande hachée bovine, à la fois les bactéries résistantes aux
antibiotiques et les bactéries sensibles aux antibiotiques. »
Mais cela montre aussi que l’étiquetage ‘sans antibiotiques’
sur la viande hachée bovine et les autres produits de viande doivent être
prises avec beaucoup de précaution. « Tous
les animaux ‘élevés sans antibiotiques’ ne sont pas gardés dans des endroits
qui ont toujours été exempts d'antibiotiques et, comme les bactéries
résistantes aux antibiotiques et les gènes de résistance ne sont pas statiques,
ils peuvent entrer dans l'approvisionnement alimentaire », a dit
Hansen. « Ce n’est pas parce que les
animaux sont élevés sans antibiotiques qu’ils seront complètement exempt de
bactéries et que ce ne sera pas non plus des bactéries résistantes aux
antibiotiques. »
Hansen note également que l'étude examine uniquement une
voie par laquelle l'utilisation d'antibiotiques dans le bétail et la volaille peut
affecter la santé humaine. « Les
gènes de résistance aux antibiotiques peuvent pénétrer le fumier, le sol, l'eau,
l'air », a-t-elle dit. « Je
pense que nous devons regarder au-delà de ce qui se passe de la viande à notre
bouche ; nous devons examiner la résistance aux antibiotiques dans un contexte
beaucoup plus large, One
Health (Une seule santé). »