C’est toujours intéressant de lire les articles de Bill Maler,
l’avocat bien connu aux Etats-Unis en sécurité des aliments, car
il dit vrai et parle avec franchise de ce qui va mais aussi et
surtout de ce qui ne va pas bien. Voici ci-après son dernier article
paru dans le Marler blog, «Mes
5 minutes avec la FDA».
C'est un long vol depuis «l'autre Washington» (Bill Marler vit à
Seattle dans l’État de Washington -aa) pour mes 5 minutes de
témoignage devant la Fondation Reagan-Udall pour le groupe d'experts
indépendants de la FDA, mais voilà :
Depuis près de 30 ans que je viens à Washington D.C. (la capitale
des Etats-Unis -aa) pour des questions de sécurité des aliments,
il y a toujours eu une discussion sur la meilleure façon de faire
efficacement la réglementation et de la surveillance en sécurité
des aliments.
J'étais ici alors avec les parents de Brianne Kiner, un enfant qui a
survécu à l'épidémie à E. coli de Jack
in the Box de 1992/1993 après six mois à l'hôpital, des mois
de dialyse, l'ablation de son gros intestin et la laissant avec des
lésions cérébrales. et le diabète.
J'étais ici en 2006, 2007 et 2008 à l'approche de l'adoption de la
loi sur la modernisation de la sécurité des aliments (FSMA pour
Food Safety Modernization Act), amenant des dizaines de clients à
mettre un visage humain sur les épidémies à E. coli liées
aux légumes verts à feuilles et les épidémies à Salmonella
liées au beurre d’arachide.
Les administrations Clinton, Bush, Obama et Trump, et presque tous
les congrès au cours de ces trois décennies, et de multiples
rapports gouvernementaux, industriels et de consommateurs, le refrain
résonne toujours pour une seule agence de sécurité des aliments.
Comme l'a dit avec justesse une administration, il est plus que temps
de s'attaquer à la «division fragmentée et illogique de la
surveillance fédérale» de la sécurité des aliments.
Pendant des décennies, plusieurs experts ont cité la nécessité de
réorganiser la sécurité sanitaire et la qualité de
l'approvisionnement alimentaire américain, car il est désormais
«régi par un système très complexe résultant d'au moins 30 lois
fédérales administrées par 16 agences fédérales.»
Oui, je comprends que nous ne sommes pas ici pour revenir sur cette
discussion qui dure depuis des décennies. Je le signale uniquement
pour souligner que la discussion sur l'organisation, la
réorganisation et la culture des agences est antérieure à bon
nombre d'entre nous ici.
Au cours des dernières décennies, la discussion a porté sur la
manière de rendre parfaite la sécurité des aliments. Je suis ici
pour demander que nous ne fassions pas de la perfection l'ennemi du
bien. Cependant, il est plus que temps pour nous de faire le bien.
En pensant à la charge que le commissaire a confiée à la Fondation
Reagan-Udall et à cet auguste groupe d'experts, j'ai rappelé une
décision déterminante prise en 1994 par l'administrateur du Food
Safety and Inspection Service (FSIS) de l’USDA d'alors considérant
E. coli O157:H7 comme un contaminant dans la viande hachée
bovine.
Une décision parfaite, non. Tous les pathogènes présents dans
toutes les viandes doivent-ils être considérés comme des
adultérants ? Pour moi ce serait parfait. Mais cette décision de
1994 était suffisamment bonne pour que, lentement, au cours de la
décennie suivante, les cas à E. coli liés à la viande
bovine aient chuté, et ont tellement chuté que ce qui avait été
l'essentiel du travail de mon entreprise s'est presque complètement
évaporé. Le gouvernement et l'industrie m'ont essentiellement mis à
l'écart de E. coli dans le commerce de la viande bovine.
Je crois que la décision de 1994 a fonctionné pour deux raisons,
premièrement, la catastrophe du Jack in the Box était peut-être
trop importante pour être ignorée et deuxièmement, l'organisation
de l'USDA a placé une autorité claire sur la politique liée à la
sécurité des aliments et les inspections entre les mains de
l'administrateur de l'agence. . Cela a permis à la décision et à
la mise en œuvre de se produire rapidement, pas parfaitement, mais
suffisamment bien pour avoir un impact significatif sur la santé
publique.
Dans la décennie qui a suivi Jack in the Box, avant la décision de
considérer que des souches supplémentaires contaminantes de E.
coli se soient solidifiées, je pouvais compter presque comme sur
des roulettes les cas à E. coli survenant dans la viande
bovine au printemps et en été. Cela s'est arrêté en 2003, et
pendant un moment, j'ai volontiers concédé que j'avais choisi la
mauvaise profession.
Mais bon nombre de produits alimentaires réglementés par la FDA, en
particulier les légumes verts à feuilles, ont comblé ce vide.
L'épidémie d'épinards à E. coli de 2006, avec 205 malades,
des dizaines d'insuffisance rénale et 5 décès, l'industrie l'a
qualifiée de «son Jack in the Box». Cette épidémie, ainsi que
plusieurs autres épidémies à E. coli liées à la laitue
romaine et aux épidémies à Salmonella liées au beurre
d’arachide, ont fait avancer la FDA et le Congrès sur la FSMA.
L'idée derrière la FSMA était de rendre la FDA et les industries
qu'elle supervise, plus proactives et non réactives. Cependant, il
suffit de regarder l'épidémie à E. coli de 2018 liée à la
laitue romaine (encore) avec plus de 240 malades aux États-Unis et
au Canada, des dizaines d'insuffisance rénale et 5 décès, que
l'espoir de la FSMA n'est pas encore une réalité.
La FSMA est-elle parfaite, probablement pas. Sa mise en œuvre depuis
2010 a-t-elle été trop lente et inégale, oui. Cependant, je pense
que les échecs de la FSMA ne sont pas dus à la législation
elle-même, mais au manque de leadership soutenu, cohérent, efficace
et responsable à la FDA en raison de la culture et de la
fragmentation des fonctions essentielles de sécurité alimentaire
entre les quatre principaux centres, CFSAN, ORA, CVM et OFPR.
En terminant, mon conseil est de créer des commissaires distincts,
un pour les aliments et un pour les médicaments. Les deux doivent
être des subordonnés directs au secrétaire à la Santé. Le côté
alimentaire doit être dirigé par un expert reconnu en sécurité
alimentaire chargé de tous les aspects de l'alimentation et
l'ensemble de l'organisation doit être coordonné et responsable de
la sécurité sanitaire de 80% de l'approvisionnement alimentaire qui
relève de sa compétence.
Serait-ce parfait, probablement pas. Serait-ce assez bon? J'espère
que ce serait assez bon pour faire ce que le FSIS a fait pour E.
coli et la viande bovine. Il est temps de me mettre au pâturage.
Ce dont nous n'avons pas tous besoin, c'est d'un autre Lucas Parker,
âgé de 4 ans, qui, en raison de la consommation de laitue romaine
contaminée par E. coli en 2019, ne marchera jamais, ne
parlera jamais et ne se nourrira jamais.
Il est temps pour nous tous de faire le bien.
Commentaire
Petite paranthèse, on va avoir une police sanitaire chez nous en
France, c’est très bien, même si je crois que d’autres
administrations vont encore conserver certaines prérogatives, mais on n’a
toujours pas une seule agence chargée de la sécurité des aliments.