Retour sur l’évaluation
de l'épidémie internationale à Salmonella
liée à la consommation de produits Kinder (Ferrero) avec un nouveau
brainstorming à partir du rapport du
18 mai 2022
de l’ECDC
et de l'EFSA afin
de tenter
de comprendre si la contamination est récente ou installée depuis
quelques temps …
Voici
trois
points de réflexion proposée
par une internaute amie que je relaie bien volontiers afin de les
partager avec vous chers
lecteurs
...
1. Vocabulaire
L’emploi inapproprié de
certains mots peut induire des confusions dans l’interprétation
des faits et hypothèses:
1. Ainsi
buttermilk (babeurre) en place de AMF (anhydrous
milk fat)/MGLA
(matière grasse de
lait anhydre). Ce
point a déjà été abordé dans un précédent article du blog,
Complément
au rapport sur l’évaluation de l'épidémie internationale à
Salmonella liée à la consommation de produits Kinder (Ferrero).
Cependant, notons que le standard
de composition de l’AMF varie selon le référentiel considéré.
Par exemple les teneurs en eau et matières grasses :
|
|
Humidité résiduelle
|
Matières grasses
|
Codex alimentarius CXS
280-1973
|
Anhydrous milk fat
|
0.1% max
|
99.8% min
|
Autre: un producteur
italien déclare produire un «AMF butter»
|
«AMF butter»
|
0.5% max
|
99.3% min
|
Sans faire forcément de lien entre ce producteur et celui cité par
l’EFSA et l’ECDC en tant que supplier A. La mesure de la teneur
en eau des livraisons permettrait de connaître la qualité livrée.
Source Codex
Alimentarius.
2. Tank / silo (= réservoir
de stockage en usines) est également employé dans le rapport pour
les citernes routières vrac, pour lesquelles le terme de road bulk
tankers (ou road bulk silo) serait plus exact.
2.
Présence
de l’eau dans les circuits de
l’AMF.
Dans cette matière anhydre, les nombreuses détections de Salmonella
et de deux clusters (cluster 1 au Royaume-Uni, une souche de S.
Typhimurium monophasique ST34 et un cluster 2 en Belgique avec une
souche identique) sont surprenants. Ceci pourrait laisser entendre,
en plus de la problématique de la survie de Salmonella
en milieu gras et une très faible aw, une phase de croissance à un
moment et ou dans une zone post CCP procédé.
- Les usines de production d’AMF sont en milieu de laiterie, avec
présence d’eau de process et élimination de l’eau du produit.
Et le process comprend des CCPs microbiologie. Cependant la pratique
de refonte des blocs d’AMF avant de charger des citernes vrac ne
comprend pas de CCP microbiologie. L’étape de dégazage permet
peut-être surtout d’éliminer les acides gras volatils et les
peroxydes qui se forment pendant un stockage prolongé de l’AMF.
- Les usines de chocolaterie sont des milieux plus secs.
Le rapport décrit la procédure de nettoyage des silos des stockage
d’AMF à Arlon, avec utilisation d’eau. Peut-être était-ce un
protocole d’exception, appliqué ponctuellement lors de la crise ?
La validation du séchage post lavage incluait-elle les zones
difficiles d’accès exemple les points morts du système de
ventilation ? (air et ou gaz d’inertage). La vérification
comprenait-elle ces points à risques ?
Malgré sa composition en matières grasses très élevée, l’AMF
contient des résidus d’humidité et de protéines. Au fil du temps
et des livraisons, ces résidus se concentrent et se sédimentent,
formant une petite masse d’aspect mucilagineux en bas des silos de
stockage, au niveau du filtre en amont du pompage. Cet
amas doit être éliminé régulièrement, systématiquement et testé
pour les indicateurs d’hygiène et
des
pathogènes.
Évidemment, plus la fréquence de purge est faible, avec des
fournisseurs d’AMF livrant une qualité à humidité résiduelle
haute, et plus cette masse sera volumineuse voire nauséabonde si
oxydée.
Le rapport mentionne une étape C de nettoyage des silos, «flushing
with oil over 75°C».
Le but étant de chasser les reliquats d’eau de lavage. Cependant,
une telle température risque aussi de thermo-coaguler des traces de
protéines qui n’auraient pas été éliminées et qui
deviendraient un point d’accroche au nouveau «mucilage» à venir
avec probablement la formation de biofilms et libération en
différents points (coup de bélier) selon l'état d'un biofilm
sous-jacent.
3. L’analyse par l’EFSA des risques sanitaires à Arlon pointe
sur l’AMF, et semble-t-il sur l’AMF livrée en vrac par le
fournisseur italien A au site d’Arlon
La gestion de l’hygiène (nettoyage-désinfection) des citernes
alimentaires nécessite des attentions très spécifiques pour
couvrir les points vulnérables selon
- le modèle de la citerne et des auxiliaires de charge et de
décharge,
- les infrastructures des stations de lavage utilisées entre les
chargements,
- le protocole de nettoyage en place (validation?)
- ...
Le document de lavage fourni par la station de lavage ne correspond
pas souvent à un engagement de résultats tels qu’attendus par
l’industrie alimentaire. On sait qu’il existe des certificats de
lavage de complaisance ...
L’inspection sanitaire de la filière vrac alimentaire demande une
formation appropriée.
Actuellement, peu d’inspecteurs/auditeurs sont formés à l’hygiène
des procédés de fabrication des aliments ET au transport en
citernes vrac alimentaires.
Cependant, d’autres sites Ferrero semblent être livrés en AMF
vrac par le fournisseur italien A, et sans détection de Salmonella.
Arlon est-il livré par un transporteur vrac dédié? Livraison avec
un type de citerne particulier (si en multi-compartiments, les
systèmes de déchargement fixes et flexibles sont-ils respectifs ou
avec des parties en commun ?), citerne lavée par une seule station
et selon un protocole spécifique ?
Documents de lavage
Concernant les documents de lavage remis par les stations de lavage,
aux chauffeurs de citernes vrac alimentaires (ou non alimentaires),
sans même évoquer les documents de complaisance, toujours
possibles:
Dans la grande majorité des cas, par exemple pour les stations de
lavage membres de l’EFTCO
, il s’agit d’un document de lavage et non d’un certificat de
lavage car il ne présente d’autre garantie qu’une propreté
visuelle obtenue au moyen d’étapes et de produits plus ou moins
définis et variables selon les stations, bien qu’utilisant des
codes similaires notés sur le document de lavage. D’ailleurs
l’EFTCO a changé le titre de ses documents il y a 3 ans environ,
passant de Certificat de lavage à Document de lavage.
Pour la majorité des stations de lavage, membres ou non de l’EFTCO,
il reste un gros travail à effectuer pour se mettre au niveau des
attentes et des pratiques des industries agroalimentaires. En
particulier au sujet de la validation et de la vérification, via des
paramètres clés correctement sensor-appliqués, positionnés,
mesurés, enregistrés, contrôlés etc.
Cette attente a été prise en compte dans le guide
FSSC 22000 Transport Tank Cleaning Guidance, décembre 2020, voir
le point 2, Auditing a transport tank cleaning organization, page
4/9, qui fournit dans le détail tout ce qui doit être entrepris.
L’étape «gestion et lavage de la citerne alimentaire vrac »
Gardons en mémoire que le lavage des citernes vrac n’est pas un
business très lucratif et qu’un service Qualité n’est pas
toujours présent sur les stations, surtout si elles n’appartiennent
pas à un grand groupe logistique ou agroalimentaire ...
L’étape «gestion et lavage de la citerne alimentaire vrac» n’est
en général pas intégrée dans les documents HACCP et les
certifications GFSI (Global Food Safety Initiative) des industries
agroalimentaires, en particulier pour les aspects fonctionnels. Les
points documentaires le sont davantage, du moins dans les grandes
lignes.
Le point reste à progresser aussi bien par les sociétés qui
chargent la citerne ou qui la déchargent. Le plus souvent, cette
étape n’est pas directement gérée par les industries
agroalimentaires mais contractée auprès de sociétés de
logistique, qui elles-mêmes peuvent utiliser des stations de lavage
tierces, etc.
Aux lecteurs du blog
Je suis en conflit depuis
plusieurs années avec la revue PROCESS
Alimentaire
pour une triste question d’argent qui permettrait de récupérer et
de diffuser correctement les 10 052 articles initialement publiés
gracieusement par mes soins de 2009 à 2017 sur le blog de la revue,
alors qu’elle a bénéficié de la manne de la publicité faite
lors de la diffusion de ces articles. La revue PROCESS
Alimentaire
s’est comportée et continue de se comporter en censeur et refuse
tout assouplissement pour la modique somme de 500 euros. N’ayant
pas les moyens d’aller devant la justice, je leur fait ici de la
publicité gratuite. Derrière cette revue, il y a des aimables
censeurs, les journalistes complices de la direction !