Si l’on cherche le terme ‘oxyde d’éthylène’ sur le site de
l’ANIA,
l’Association Nationale des Industries Alimentaires, il n’y a
rien à signler, et pourtant les consommateurs connissent tous depuis plus d’un et demi le nom de ce pesticide, étonnant, non ?
En effet, selon
la DGCCRF,
depuis
le 20 octobre 2020, il y a eu
16 566 rappels
(références et lots), mise à jour au
11 février 2022. On ne peut pas en vouloir à l'ANIA, il n'y a nulle part en France d'information fiable et scientifique, mis à part dans cet article, Aliments contaminés par l’oxyde d’éthylène : quelle est la réalité des risques ?
Heureusement, nos amis belges répondent présents !
Ainsi, la FEVIA,
la Fédération de l'industrie alimentaire belge, nous propose «Oxyde
d’éthylène : vers une approche réaliste de la sécurité
alimentaire».
À peine remises de la crise du coronavirus, de nombreuses
entreprises alimentaires ont été confrontées l'année dernière à
des rappels dus à la présence d'oxyde d'éthylène dans leurs
matières premières. Nous nous sommes entretenus avec Christophe
Keppens, Chief Officer of Plant Health Services, et Philippe Houdart,
Crisis Manager auprès de l'Agence fédérale pour la Sécurité de
la Chaîne alimentaire (AFSCA).
Tout a commencé en 2020 avec des graines de sésame provenant d’Inde
et plus tard, avec le curcuma, le gingembre et la gomme de caroube.
Malgré les teneurs extrêmement faibles, une approche européenne
très stricte a contraint des entreprises alimentaires à retirer de
nombreux produits des rayons avec, comme conséquence, des millions
d’euros de préjudices économiques et d'importantes pertes
alimentaires. Fevia
a donc remis en cause cette approche trop sévère. Heureusement,
une collaboration étroite avec le Ministre Clarinval et l'AFSCA a
permis d’affiner cette approche disproportionnée dans notre pays.
Un entretien avec l’AFSCA nous apprend que la Belgique en sortira
encore plus forte en matière de sécurité alimentaire.
Tout d'abord, qu'est-ce que l'oxyde d'éthylène et comment
s'est-il retrouvé dans nos aliments ?
Christophe Keppens : «L'oxyde d'éthylène ou ETO est un produit
phytopharmaceutique interdit en Europe depuis des décennies.
Toutefois, certains pays non européens l'autorisent, le tolèrent ou
ne disposent pas de cadre juridique en la matière. Au sein de
l’Union européenne, il est essentiellement utilisé comme
désinfectant, notamment pour les dispositifs médicaux. Cependant,
il n’est absolument pas normal de le retrouver dans notre chaîne
alimentaire.»
Comment s’est-il retrouvé chez nous ?
Christophe Keppens : «Via les importations en provenance de pays non
européens. Le secteur alimentaire européen utilise de nombreuses
matières premières provenant de pays tiers comme l’Inde, certains
pays africains, etc. Nous pensons qu'il est utilisé dans ces pays
comme désinfectant pour prévenir toute contamination
microbiologique. C’est en tout cas ce que nous pouvons déduire du
type de produits contaminés. Il s'agit généralement de produits en
poudre qui sont sensibles aux contaminations microbiologiques et pour
lesquels une stérilisation ou une désinfection par l’ETO peut
s’avérer utile d’un point de vue technique. Par exemple, nous
l’avons d’abord rencontré dans des graines de sésame, puis dans
des épices et des fibres et plus tard également dans de la gomme de
caroube.»
Dans quelle mesure l'oxyde d'éthylène est-il dangereux pour
l'être humain ?
Christophe Keppens : «Il existe un risque chronique potentiel mais
absolument aucun risque aigu. Par conséquent, une personne qui
consomme un produit contenant de l’ETO ne tombera pas malade
instantanément. Seule la consommation de grandes quantités, durant
plusieurs années, peut, à long terme, entraîner des effets
potentiellement délétères pour un être humain.
L'ETO est connu pour ses effets potentiels sur l'ADN. La législation
européenne impose des limites toxicologiques ou de sécurité aux
produits phytopharmaceutiques, tant à court qu'à long terme. Ces
limites n’existent pas pour l’ETO car nous ne disposons pas de
données suffisantes et ses effets ne sont donc pas observables, ce
qui, évidemment, représente un défi.»
Cette incertitude explique-t-elle l'approche harmonisée, mais très
stricte, adoptée par l'Europe cet été ?
Christophe Keppens : «Absolument. L'Europe a décidé de rappeler
des produits dès que nous avons détecté la présence d’ETO dans
une matière première, sans évaluation des risques, car le danger
potentiel théorique est toujours bien présent.»
Comment l’approche de l’Europe a-t-elle évolué ?
Christophe Keppens : «L'approche a évolué suivant trois étapes.
Lorsque tout a commencé en septembre de l’année dernière avec
des graines de sésame provenant d’Inde, il existait bel et bien un
cadre légal mais aucune approche harmonisée permettant de
l’appliquer dans la pratique. C’est donc une bonne chose que
l'Europe ait ensuite pris l'initiative d'harmoniser les mesures
pratiques. Et, naturellement, cette décision est bénéfique pour
les fabricants qui commercialisent des produits sur différents
marchés européens.
Ensuite, durant l’été, de nouvelles matières premières
contenant de l'ETO sont apparues et l'attention s'est portée sur
d'autres produits alimentaires. Il s'agissait notamment de produits à
base de gomme de caroube, comme les glaces. Par conséquent,
davantage de produits étaient impliqués, entraînant d'autres
rappels.
Ensuite, en concertation avec Fevia et avec l'approbation du Ministre
Clarinval, nous avons œuvré en faveur d’une approche plus affinée
des produits finis composés dans lesquels un produit non conforme a
été dilué.»
Comment se présente cette approche «affinée» et quel est son
avantage ?
Christophe Keppens : «La Belgique suit l'approche harmonisée de
l'Union européenne, à ceci près que dans certaines situations,
nous continuons à analyser les produits composés avant de les
retirer du marché. Auparavant, si nous savions qu'une matière
première était contaminée à l'ETO, nous rappelions tous les
produits finis fabriqués avec cette matière, quelle que soit la
teneur en ETO du produit fini.
Aujourd’hui, nous prélevons des échantillons sur un lot, par
exemple, de crèmes glacées. Nous analysons chaque lot de produits
similaires, qui peut aller de dix conserves à plus de cinq mille
repas, par exemple. Nous développons ainsi une garantie
supplémentaire pour le produit composé. Nous sommes l’un des
rares états membres à appliquer une telle approche, avec la
sécurité renforcée de l’analyse pour les produits composés.»
Quel est l'avantage de cette approche ?
Philippe Houdart : «Le gros avantage est que nous évitons les
rappels inutiles. Les rappels qui ont lieu aujourd'hui sont plus
‘ciblés’ et nous ne retirons plus des rayons des produits dans
lesquels la matière première de base est tellement diluée que vous
la retrouvez à peine dans le produit.
Nous devons viser une approche réaliste de la sécurité
alimentaire. Évidemment, vous ne connaissez généralement pas à
l’avance l'effet d'une approche que vous allez adopter à un moment
précis. Il importe que vous disposiez ensuite de la flexibilité
requise, comme aujourd’hui afin, le cas échéant, de procéder à
des ajustements par la suite. Et nous espérons que l’Europe
adoptera cette vision en la matière.»
Quels autres enseignements l'AFSCA en tire-t-elle ?
Philippe Houdart : «Nous devons tenter d'arrêter ces contaminations
plus tôt, et réaliser davantage de tests à nos frontières
extérieures afin de retenir ces matières premières contaminées à
la source. L'Europe y travaille d’arrache-pied et nous attendons,
dès 2022, davantage de contrôles sur un nombre accru de produits
provenant d'un plus grand nombre de pays d'origine. Plus
concrètement, les conditions d'exportation pour les pays tiers vers
l'UE seront plus strictes et assorties d’une certification par les
autorités locales. Nous allons également renforcer les contrôles à
nos frontières extérieures ainsi que les analyses requises. En
outre, nous devons continuer à miser sur l’harmonisation en vue
d’avoir des conditions de concurrence équitables et des exigences
égales pour nos entreprises dans toute l'Europe.»
Christophe Keppens : «Ce sont les détails qui posent problème.
Nous sommes ravis de voir que la Commission européenne s’efforce
de fournir de plus en plus de directives pratiques. Nous observons
davantage de défis en Europe qu’il est préférable de relever
ensemble. De plus, chacun est conscient de l’importance de convenir
de façon plus détaillée des actions que nous allons mettre en
œuvre.»
Enfin et surtout, quel est le message de l’AFSCA aux entreprises
alimentaires belges ?
Christophe Keppens : «Nous sommes déjà des précurseurs pour de
nombreux aspects de la sécurité alimentaire et nous figurons dans
le top européen en ce qui concerne les contrôles des pesticides.
C'est parce que la Belgique impose la notification obligatoire
spécifique que la présence d’ETO a pu être détectée. Bien sûr,
certaines choses peuvent encore passer à travers les mailles du
filet. Les entreprises alimentaires belges effectuent déjà
systématiquement des contrôles stricts et elles devront les
intensifier. En d'autres termes, « connaissez votre produit»,
en accumulant davantage de connaissances sur vos produits et vos
fournisseurs et sur la façon dont ils traitent les matières
premières.»
Sur
le site de l'AFSCA, vous trouverez tout ce que vous devez savoir sur
l'oxyde d'éthylène et l'approche actuelle: cliquez ici.
Aux lecteurs du blog
Comme le montre cette notice
de la BNF,
le blog Albert Amgar a été indexé sur le site de la revue PROCESS
Alimentaire.
10
052 articles initialement publiés par mes soins de 2009 à 2017 sur
le blog de la revue sont aujourd’hui inacessibles. Disons le
franchement, la revue ne veut pas payer 500 euros pour remettre le
site à flots, alors qu’elle a bénéficié de la manne de la
publicité faite lors de la diffusion de ces articles.
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