Avis
01-2023. Résidus d’acide salicylique
dans les denrées d’origine animale
(SciCom 2022/12). Avis
scientifique approuvé par le Comité scientifique de l’AFSCA de
Belgique le 30 janvier 2023.
Contexte et Termes de référence
La présence de résidus d'acide salicylique a été détectée à
plusieurs reprises dans des échantillons de lait prélevés par
l'AFSCA et les secteurs MelkBe, FEBEV et l'Algemeen Boerensyndicaat.
Dans la plupart des cas, les enquêtes des unités locales de
contrôle (ULC) de l'AFSCA n'ont pas permis d'identifier un
traitement médical ou l'utilisation d'un biocide pouvant être lié
à la présence de ces résidus. Les secteurs s'interrogent donc sur
la possibilité d'une origine autre que le traitement médicamenteux
des animaux ou l'utilisation de biocides, notamment une origine
végétale par le biais des végétaux consommés par les animaux en
pâture ou des aliments complémentaires pour animaux.
Pour ces raisons, il est demandé au Comité scientifique de remettre
un avis sur la présence de résidus d'acide salicylique dans les
denrées d'origine animale. Son objectif est plus particulièrement
de répondre aux questions suivantes :
- Quelles sont les sources naturelles possibles de résidus d'acide
salicylique dans les denrées d'origine animale, et principalement
dans le lait et les muscles ?
- Est-il possible de faire la distinction entre les sources
naturelles possibles et l'administration exogène d'acide salicylique
?
- Quels sont les risques pour la santé animale et la sécurité
alimentaire associés à la présence de résidus d'acide salicylique
dans les denrées d'origine animale, et peut-on recommander des
options de gestion pour réduire le risque de présence de ces
résidus ?
Conclusions
L’acide salicylique est une substance pharmacologiquement active
autorisée en tant que médicament vétérinaire mais également
présente dans des biocides autorisés en Belgique. Les dépassements
des limites maximale de résidus (LMRs) dus à l'administration de
médicaments vétérinaires ou à l’application de biocides ne
peuvent être exclus, mais seraient plutôt liés à une utilisation
incorrecte des médicaments vétérinaires (dose administrée
incorrecte, non-respect du délai d’attente ou des espèces cibles,
etc.) ou des biocides (absence de rinçage ou rinçage incomplet,
utilisation de biocides non autorisés pour les installations de
traite, accumulation de résidus suite à une utilisation simultanée
de plusieurs biocides contenant de l'acide salicylique au cours de la
même période, etc.).
Il faut toutefois souligner ici que la LMR définie pour le lait est
extrêmement basse et que cette valeur est le sujet de discussions au
sein du réseau des Laboratoires de Référence européens.
L'acide salicylique est également un composé naturellement présent
dans les végétaux. Parmi les cultures à destination fourragère,
le foin de luzerne (485 mg/kg), le foin de trèfle (32 mg/kg) et le
maïs (jusque 12,8 mg/kg) ont été identifiés comme des sources
potentiellement importantes d’acide salicylique chez les animaux de
rente. Parmi les espèces sauvages, l'écorce de saule (jusqu'à 3000
mg/kg) constitue une source également importante. Ces concentrations
en acide salicylique listées dans ces sources végétales doivent
cependant être interprétées avec prudence car elles peuvent varier
fortement d'une variété à l'autre, suivant la partie de la plante
concernée (feuilles, fleurs, graines), du stress ou encore de
l’origine géographique et des conditions de culture.
Sur base d’une ration journalière dans le respect de bonnes
pratiques agronomique, il a été estimé qu’un bovin adulte
pourrait consommer environ 2 g d’acide salicylique par jour par le
biais de son alimentation. Compte tenu des informations disponibles,
ces quantités ne devraient pas mener à des dépassements de LMR.
Lorsqu’ingéré à haute dose (> 700 mg/litre de plasma), les
salicylates peuvent être la cause de toxicité sévère pour la
santé humaine. Les concentrations retrouvées dans les végétaux et
dans les denrées animales ne représentent cependant aucun risque ni
pour la santé humaine, ni pour la santé animale.
Pour le Comité scientifique et dans l’état actuel des
connaissances, la présence de résidus d’acide salicylique dans le
lait suite à la consommation de végétaux qui en contiendraient une
forte teneur est peu probable, même dans des cas de consommation de
matières végétales très riches en acide salicylique.
Les salicylates s’hydrolysent in vivo en acide salicylique. De ce
fait, il est impossible de déterminer si l'acide salicylique détecté
dans un échantillon était à l'origine de l'acide salicylique, de
l'acide acétylsalicylique, de l'acide méthylsalicylique ou un autre
salicylate. Pour la même raison, il est actuellement impossible de
pouvoir faire la distinction chez les ruminants entre de l’acide
salicylique provenant de l’alimentation animale (naturelle) ou
d’origine non alimentaire (traitement médicamenteux ou résidus de
biocides). Pour le Comité scientifique, il est cependant cohérent
de tout d’abord investiguer sur une origine autre que
l’alimentation animale au vu des concentrations qui peuvent être
atteintes dans certains biocides (0,1 à 0,5%) ou médicaments (660
mg/g de salicylate de méthyle) en comparaison avec les
concentrations présentes dans l’alimentation animale.
Recommandations pour les autorités
En cas de non-conformité et à côté des enquêtes sur une mauvaise
utilisation médicamenteuse ou de biocides, le Comité scientifique
recommande de vérifier si une alimentation animale riche en luzerne
a été donnée aux animaux ou si des compléments alimentaires pour
animaux à base de saule ont été utilisés. En plus, en raison du
nombre limité d'études retrouvées sur la teneur en acide
salicylique dans la luzerne et en raison de l'importance de la
luzerne dans l'alimentation animale, il peut être recommandé de
mener des études supplémentaires sur la teneur en acide salicylique
de cette source végétale.
D’autre part, des vérifications devraient également été faites
quant à l’utilisation de biocides et au respect de leurs
conditions d’utilisation. L’idéal serait d'inclure des
avertissements sur l'utilisation de l'acide salicylique dans les
fiches techniques ou les documents d'autorisation des produits
biocides, en soulignant la possibilité qu'on les retrouve dans le
lait ou la viande.
Afin d’établir les taux de transfert possible de l’alimentation
animale vers les produits animaux, il serait souhaitable de réaliser
des études supplémentaires et plus particulièrement chez les
ruminants.