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mercredi 8 février 2023

Une explication des effets du microbiote intestinal sur notre organisme

Il y a quelque temps je vous avais proposé, «Communication du microbiome intestinal : l'axe intestin-organe», voici, «Une explication des effets du microbiote intestinal sur notre organisme», source communication de l’Institut Pasteur. 

Les interactions entre le microbiote intestinal et son hôte régulent de nombreux processus métaboliques. Des chercheurs ont réussi à préciser ces interactions, ouvrant la voie vers de nouvelles pistes thérapeutiques.

Notre intestin contient des centaines de milliards de bactéries : c’est le microbiote intestinal. Elie Metchnikoff avait proposé qu’un déséquilibre entre les différentes populations bactériennes qui composent ce microbiote pouvait entraîner des conséquences sur notre santé, au point d’influer sur notre espérance de vie. Les liens entre microbiote et santé humaine ont été confirmés ces 15 dernières années grâce au séquençage à haut débit et l’analyse du microbiote humain. Toutefois, les interactions moléculaires entre les bactéries et leur hôte sont encore mal comprises.

La paroi des bactéries contient une molécule nommée peptidoglycane. Chez les animaux tels que l’humain, cette molécule peut être reconnue par deux récepteurs nommés Nod1 et Nod2. «Ces interactions ont un rôle central dans le dialogue avec le système immunitaire de l’hôte, et participent notamment à la maturation de ce dernier. Des mutations dans ces protéines sont d’ailleurs associées à des maladies inflammatoires chroniques comme l’asthme ou la maladie de Crohn» explique Gérard Eberl, directeur de l’unité Microenvironnement et immunité de l’Institut Pasteur. Plus récemment, de telles mutations ont été associées à des pathologies neurologiques telles que la bipolarité, ce qui suggère que les peptidoglycanes exerceraient une influence au-delà du système digestif.

En 2022, les équipes de Gérard Eberl, de Ivo Gomperts Boneca et de Pierre-Marie Lledo, ont montré que des fragments de peptidoglycanes en provenance de l’intestin arrivent jusqu’au cerveau et agissent au niveau de l’hypothalamus. Dans une nouvelle étude publiée le 20 janvier 2023 dans la revue PNAS, les équipes de Ivo Gomperts Boneca et Marc Lecuit précisent ce phénomène : «Lors de son absorption au niveau de l’intestin, le peptidoglycane est enfermé dans une vésicule membranaire. De la sorte, il peut arriver jusqu’à des organes cibles comme le cerveau sans être dégradé entre temps» explique Ivo Gomperts Boneca, directeur de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne de l’Institut Pasteur et co-auteur de l’étude.

Cette découverte ouvre de nouvelles pistes de recherche sur les capacités du microbiote intestinal à réguler des fonctions au-delà du système digestif. «Une augmentation de la quantité de peptidoglycane en circulation peut permettre de réduire l’appétit, tandis que sa diminution peut permettre de réduire l’inflammation à l’origine de l’arthrite. Mais ce ne sont que des exemples» affirme Pierre-Marie Ledo, directeur de l’unité Perception et mémoire de l’Institut Pasteur.

Référence
Microbiota-induced active translocation of peptidoglycan across the intestinal barrier dictates its within-host dissemination. PNAS, January 20, 2023.

dimanche 29 janvier 2023

Communication du microbiome intestinal : l'axe intestin-organe

«Communication du microbiome intestinal : l'axe intestin-organe», source article de Edina Fredell dans ASM News.

Il existe de plus en plus de preuves à l'appui de la relation entre le microbiome intestinal humain et la fonction des organes en dehors de l'intestin. Des chercheurs ont inventé le terme «axe» pour décrire les voies bidirectionnelles ou multidirectionnelles par lesquelles une partie du corps communique biochimiquement avec une autre partie du corps. Des axes spécifiques entre l'intestin et les systèmes d'organes non gastro-intestinaux ont été identifiés. Les axes peuvent parcourir les voies nerveuses, à travers la veine porte ou directement à travers la barrière épithéliale intestinale dans la circulation sanguine.

Les milliers de milliards de microbes qui habitent l'intestin sont connus sous le nom de microbiome intestinal humain. Le microbiome intestinal remplit de nombreuses fonctions, notamment la protection de l'intégrité de la barrière de l'intestin, la production de vitamines telles que la vitamine B12 et la vitamine K et la régulation du système immunitaire. Le microbiome intestinal métabolise les substrats disponibles et libère divers métabolites, tels que des acides gras à chaîne courte (AGCC) et des composés neuroactifs, qui deviennent des signaux biochimiques qui traversent les différents axes et modulent les fonctions dans les tissus distants. Ce système de communication inné démontre l'impact du microbiome intestinal sur la physiologie humaine.

Axe intestin-cerveau
La communication entre l'intestin et le cerveau se déroule le long des voies afférentes du nerf spinal et du nerf vagal efférent et via des signaux neuro-immuns et neuroendocriniens. Les sites récepteurs des neurotransmetteurs sur les microbes intestinaux permettent une communication efficace entre le cerveau et l'intestin.

Des composés neurologiquement actifs produits par le microbiome intestinal affectent la fonction cérébrale en régulant la production, le métabolisme et la transmission des neurotransmetteurs. Les microbes dans l'intestin métabolisent l'acide aminé tryptophane en sérotonine et d'autres métabolites, régulant les niveaux de sérotonine dans le cerveau. La libération de cortisol pendant les réactions de peur et de stress ralentit les complexes moteurs migrateurs, qui contrôlent le péristaltisme gastro-intestinal et la production de chyme dans l'estomac et l'intestin grêle. La composition microbienne perturbée dans l'intestin est un résultat observé. De plus, des études démontrent que les patients anxieux ont des niveaux élevés de cytokines pro-inflammatoires et une diminution du microbiome anti-inflammatoire producteur d’AGCC.

Les autres sujets abordés dans cet article sont :
- Axe Intestin-Peau
- Axe Intestin-Pancréas-Foie
- La dysbiose est liée aux maladies du corps et de l'esprit
- L'interaction entre le microbiome intestinal, l'axe intestin-organe et la dysbiose

NB : Photo illustrant l’axe intestin-cerveau. Source: iStock

mercredi 26 mai 2021

Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis et son lien avec la maladie de Crohn

Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis et son lien avec la maladie de Crohn, Rapport du Comité scientifique de la Food Safety Authority of Ireland.

Résumé

Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis (Map) est l'agent causal de la paratuberculose ou Maladie de Johne chez les bovins (JD). Les similitudes entre la JD chez les bovins et la maladie de Crohn (MC), un type de maladies inflammatoires de l'intestin (MII), chez les humains ont suscité des spéculations sur un rôle possible pour Map dans la pathogenèse de la MC.

En 2000, le sous-comité de microbiologie de la Food Safety Authority of Ireland (FSAI) a examiné la preuve de la causalité entre Map et la MC. La principale conclusion de ce rapport était que les données disponibles n'étaient pas concluantes et qu'un lien direct entre Map et l MC pourrait ne pas être établi. Cependant, le rapport recommandait au Comité de maintenir la question à revoir. En 2008, le comité scientifique de la FSAI a procédé à un examen plus formel de la recherche et a publié un avis sur le sujet. Cinquante-six publications clés ont été identifiées entre 2000 et 2008. Sur la base d'un examen de ces documents, le Comité a conclu que le solde des preuves ne soutiennent pas une relation causale entre Map et l'incidence de la MC.

En 2020, un sous-comité ad hoc du comité scientifique de la FSAI a examiné les articles primaires examinés par des pairs publiés dans la littérature scientifique entre 2009 et 2019 qui font référence au lien putatif entre Map et la MC. De nombreuses études publiées au cours de cette période fournissent une preuve d'une association entre la présence de Map ou l'exposition humaine à Map et l'apparition de la MC. Cependant, aucune nouvelle preuve n'a été publiée pour étayer la suggestion que cette association est causale.

Le sous-comité a également examiné des articles récemment publiés (2009-2019) sur l'efficacité de la pasteurisation à l'inactivation de Map. Cet examen suggère que Map viable est peu susceptible d'être retrouvé dans du lait pasteurisé à une combinaison temps-température d'au moins 75°C pendant 20 secondes.

Enfin, le Comité a examiné les lacunes actuelles dans les connaissances qui ont une incidence sur la capacité à évaluer le risque que Map pose pour la santé humaine et le risque que les humains soient exposés à Map dans les aliments; d'autres études pour combler ces lacunes dans les connaissances sont suggérées.

lundi 18 janvier 2021

Les liens entre élevage intensif et épidémies sont exceptionnels

Dans l’air du temps COVID, un reportage en Suisse (RTS) du 18 mai 2020 rapporte qu’il faut «Lutter contre l'élevage intensif pour prévenir de nouveaux virus»

A rebours de ce reportage, un article du journal La Croix du 16 janvier fait le point sur le Covid-19  et «Les liens entre élevage intensif et épidémies sont exceptionnels»

Entretien 

Avec 40 actions prévues dans plusieurs villes de France samedi 16 janvier, l’association L214 entend alerter sur le lien entre élevage intensif et risque épidémique pour les humains. Ce lien est-il avéré ? L’analyse de Daniel Marc, vétérinaire et chercheur en infectiologie/virologie moléculaire à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement)

La Croix : Dans quelle mesure les activités d’élevage sont-elles une cause de transmission des virus ?

Daniel Marc : Un agent infectieux ne naît jamais à partir de rien. Que ce soit, Ebola, le VIH  au XXe siècle ou la rougeole il y a probablement quelques siècles, les virus nous viennent toujours des animaux. Il peut venir d’un contact direct avec l’hôte premier, c’est par exemple le cas du sida avec les chimpanzés. Il y a les contaminations qui se font par un hôte intermédiaire, à travers lequel le virus s’adapte à l’homme, ce qui est le cas, par exemple, des coronavirus (le SARS de 2003 s’était ainsi adapté chez la civette). Enfin, on peut être contaminé par la piqûre d’un vecteur, c’est-à-dire d’un insecte piquant, à l’image du virus Zika ou de la fièvre jaune transmis par les moustiques.

Dès lors, il est logique que certaines zoonoses – les maladies transmissibles entre les animaux et l’être humain – nous soient arrivées à travers l’élevage mais c’est loin d’être la norme.

Peut-on quantifier le nombre d’épidémies dans l’histoire récente qui nous viennent de l’élevage intensif ?

D. M. : Aujourd’hui, le discours à la mode, qui parle beaucoup aux jeunes générations, vise à remettre en question l’élevage intensif. On veut faire croire que c’est la cause de tout, y compris des épidémies.

Il y a des précédents, certes, mais ce sont des exceptions. J’en vois essentiellement deux. La pandémie grippale à virus influenza A(H1N1) de 2009, par exemple, a été le fruit d’un assemblage viral de plus de dix ans entre des souches virales d’origine aviaire, des souches porcines et une souche humaine qui s’est constitué chez le porc. C’est au sein des élevages porcins qu’il a pu trouver une forme qui s’adapte à nous et qu’il s’est répandu dans la population.

L’autre, c’est le virus Nipah qui a fait une centaine de morts en Malaisie en 1998. Il s’est aussi transmis de la chauve-souris à l’homme à travers des élevages de porcs. Dans ce cas-là, les élevages porcins avaient été construits sur des zones déforestées qui empiétaient sur le milieu naturel des chauves-souris.

Changer notre modèle agricole n’aurait donc pas d’impact sur le risque épidémique ?

D. M. : À mon sens, élevage intensif ou extensif, cela ne change rien. Dans les deux cas, c’est le fait d’être en contact avec les animaux qui explique la transmission, pas leur nombre ou leurs conditions d’élevage. On a même un paradoxe en ce moment avec l’épidémie de grippe aviaire. Elle touche essentiellement le Sud-Ouest parce qu’on y pratique l’élevage de canards en plein air et que le virus vient du monde sauvage. En revanche, les élevages intensifs de volailles, très nombreux dans toute l’Europe, en sont protégés car ils sont confinés.

L’une des explications, c’est que nous sommes sept milliards d’êtres humains contre deux milliards au début du XXe siècle. Nous avons une densité de population beaucoup plus forte et l’augmentation des flux de biens et de personnes permet aux agents infectieux de se répandre en quelques jours sur tous les continents, notamment par les transports aériens.

Ceci étant dit, une épidémie restera un fait exceptionnel et difficile à prévoir, à l’image d’un volcan qui entre en éruption ou d’un séisme. Si on en croit les sources historiques écrites datant d’avant le XXe siècle, on remarque qu’il y a trois à quatre épidémies grippales par siècle environ, et ce, bien avant la naissance de notre modèle agricole.

Je pense qu’il faut vivre avec ce risque et répondre sur le plan scientifique. On a déjà réussi à éradiquer des virus, comme la variole (c’était en 1978). C’est un fait exceptionnel, qui n’a été permis que par une volonté de tous les acteurs concernés et une confiance absolue dans la science et dans la vaccination.

NB : L’image est issue d’un article intitulé, Une histoire de cochon : miracle contre l'élevage intensif au XIIIe siècle.