Est-ce que l'avenir de la sécurité alimentaire qui souffle ou l'odeur des tragédies à venir? |
Le 21e Food
Safety Summit a lieu du 6 au 9 dans la banlieue de Chicago et l’intervention
dont il va question ci-après concerne l’intervention de Mike Taylor, commissaire adjoint
aux aliments et à la médecine vétérinaire à la FDA de 2010 à 2016. Mike Taylor
est coprésident du conseil d'administration du groupe de défense des
consommateurs à but non lucratif Stop
Foodborne Illness.
« L’optimisme est
de mise, mais de graves préoccupations demeurent », source article
de Coral Beach paru le 8 mai 2019 dans Food Safety News.
Le schéma est bien établi. De mauvaises choses arrivent, et
ensuite, de bonnes choses arrivent en conséquence.
Mais un homme qui est particulièrement bien placé pour
regarder l’avenir avec lucidité ne pense pas que l’industrie alimentaire ou le
gouvernement doive attendre la prochaine crise pour faire le prochain grand pas
en avant vers une alimentation plus sûre.
Mike Taylor, ancien représentant de la FDA et de l'USDA, a dit
dans son exposé liminaire ce matin au 21ème Food Safety Summit
annuel que la triade, consommateurs, gouvernement et industrie alimentaire, puisse
faire d'énormes progrès en matière de sécurité sanitaire des aliments en se
basant sur leurs connaissances actuelles. Et Taylor a l'expérience personnelle
et une connaissance de première main pour savoir ce que les gens savent.
Avec quatre points centrés sur les crises de sécurité des aliments,
Taylor a illustré comment des situations désespérées ont entraîné un changement
significatif au cours des 25 dernières années:
- Jack in the Box et une épidémie mortelle à E. coli ont conduit à la mise en place de plans HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Point) obligatoires ;
- L'ESB au Royaume-Uni a précédé le GFSI;
- Les épinards et une autre épidémie mortelle à E. coli ont incité l’industrie à conclure des Leafy Greens Marketing Agreements;
- Des produits, l’arachide et la mélamine ont poussé le Congrès à adopter la loi relative à la modernisation de la sécurité sanitaire des aliments ou Food Safety Modernization Act.
Un cinquième point - la laitue romaine - n'a pas encore
provoqué les changements radicaux d'attitude et de pratiques nécessaires pour
le prochain pas de géant. C'est un exemple de la façon dont un changement de
direction par certains peut aider à déplacer les autres vers une nouvelle
destination, a dit Taylor.
Les leaders de l'industrie des légumes-feuilles commencent à
prendre des mesures significatives à la suite de deux importantes épidémies à E. coli en 2018 associées à de la laitue
romaine. Taylor a dit qu'une mesure cruciale avait été prise pour augmenter la
distance entre les champs de production de cultures de légumes et les parcs
d'engraissement, ou les opérations d’engraissement d’animaux à forte
concentration (CAFOs pour concentrated animal feeding operations), comme on
les appelle parfois.
Auparavant, les Leafy Greens Marketing Agreements ou
LGMA (les accords de commercialisation de légumes-feuilles) pour les
producteurs de Californie et d'Arizona prévoyaient des zones tampons de 122
mètres entre les parcs d'engraissement et les champs de production. À la suite
des épidémies de romaine en 2018, cette distance a été quadruplée.
Les organisations, dont les membres produisent près de 90%
des légumes-feuilles cultivés aux États-Unis, ont également adopté de nouvelles
procédures d'analyse et de traitement de l'eau. Les membres doivent se
conformer aux procédures LGMA ou faire face à une expulsion, ce qui représente
un énorme potentiel de perte de revenus ; de nombreux acheteurs, sinon la
plupart, insistent déjà pour que leurs fournisseurs de légumes-feuilles soient
des membres en règle des LGMA.
« Les nouveaux
paramètres de mesure de l’eau des LGMA constituent une étape très importante.
Ils sont encore plus sévères que ceux de la FSMA Produce Rule », a dit Taylor, soulignant
que ce n’était pas seulement des règles de test et de traitement plus strictes
qui feraient une différence à long terme.
Les précautions relatives à l'eau touchent une menace plus
grande et plus envahissante pour la sécurité des aliments. Taylor a dit qu'il
espérait que cette nouvelle prise de conscience aurait un impact sur la
sécurité sanitaire de tous les aliments cultivés dans les champs, en
particulier les produits frais, qui sont généralement consommés sans passés par
une étape de destruction des micro-organismes dangereux.
« Ils (les règles
sur l'eau des LGMA) établissent la présomption que l'eau de surface est
dangereuse », a dit Taylor, « particulièrement
si elle est utilisée dans les 21 jours après récolte. … Vous devez tester et
traiter. Vous devez. Pas de question. »
Taylor a dit que les épidémies à E. coli de 2018 liées à la laitue romaine sont de mauvaises choses
qui conduisent à de bons changements, mais que certains acteurs de l'industrie
alimentaire ne sont toujours pas disposés à agir.
Ils veulent davantage d'exemples de la nécessité de changer
les pratiques remontant à un siècle.
« Les éleveurs ne
seront probablement pas très heureux avec moi aujourd’hui », a dit
Taylor, évoquant les problèmes de sécurité des aliments créés lorsque les
éleveurs mettent des œillères sur leurs yeux et encouragent les autres à faire
de même.
« Les éleveurs de
bovins ne laisseront pas des gens entrer et collecter des échantillons. Nous
avons besoin d’une carte microbienne, sinon vous faites simplement semblant
(pour aborder la question de la sécurité des aliments) », a dit
Taylor.
Les représentants de l’industrie de la viande ont longtemps
scandé la réplique « montre-moi les données » (show
me the data), mais ils ne permettent pas la collecte des données, encore
moins l’analyse.
Par exemple, les propriétaires du parc d'engraissement
McElhaney Five Rivers dans la région de Yuma, en Arizona, ont seulement permis
aux enquêteurs sur les épidémies un accès très limité aux opérations de plus de
100 000 têtes. Il est adjacent aux champs de laitue et aux canaux en plein air
qui leur fournissent de l'eau d'irrigation. Le refus d'accès est
particulièrement troublant, étant donné que les deux épidémies à E. coli à l'échelle nationale survenues
en 2018 étaient associées à une culture de laitue romaine cultivée dans la
région, a dit Taylor.
Les autres opérateurs de CAFOs dans les autres régions ne sont
pas ouverts d’esprit, gardant leurs portes fermées lorsque des chercheurs
universitaires et gouvernementaux ont demandé l’autorisation de tester la
saleté, la poussière et les eaux de ruissellement.
Les scientifiques, l’industrie, les consommateurs et les
pouvoirs publics n’ont pratiquement aucun doute sur le fait que la bactérie E. coli retrouvée dans les eaux du canal
de l’Arizona est liée à de la poussière contaminée et/ou aux eaux de
ruissellement provenant du vaste parc d’engraissement. Cependant, le secteur de
l'élevage animal est toujours aussi déconnecté.
« Les vecteurs de
transmission des agents pathogènes à partir de parcs d'engraissement sont
incroyables », a dit Taylor. « Regardez la photo d’un parc d'engraissement. Regardez le canal dans le
parc. Vous avez un risque criant. »
Taylor a cependant dit qu'il était confiant et que le vent
changeait. Les consommateurs sont plus conscients et exigent des réponses et
des actions de la part de l'industrie et du gouvernement. Certains dans
l'industrie cherchent des solutions innovantes au statu quo.
Le gouvernement aborde avec de nouvelles normes et la
surveillance du point de vue de la prévention.
L’alignement des objectifs et des stratégies est essentiel,
a dit Taylor, en cochant quatre autres points:
- Les maladies d'origine alimentaire sont mauvaises pour tout le monde.
- Les stratégies complètes de prévention sont ce qui fonctionne;
- Une amélioration continue est nécessaire à mesure que les défis évoluent; et,
- Des cultures fortes en matière de sécurité des aliments sont la base d'une bonne performance durable.
Taylor a dit qu'il pensait que le moteur du changement en
sécurité des aliments aux États-Unis était la communauté d'individus et
d'entités qui constituent « les
acheteurs ». Qu'il s'agisse de consommateurs individuels, de chaînes
d'épicerie régionales ou de méga-distributeurs, quand les acheteurs
n’achèteront que s’ils disposent de mesures efficaces en matière de sécurité
des aliments, les producteurs n’ont pas d’autre choix que de passer au XXIe siècle.
Il reste optimiste quant à la situation actuelle.
« Au moins, nous avons constaté un changement
d'orientation significatif chez certains », a dit Taylor. « Espérons que cela puisse amener les acteurs
clés à s'engager dans une meilleure voie. »