mercredi 8 mai 2019

La sécurité sanitaire des aliments aux Etats-Unis, le point de vue lucide de Mike Taylor


Est-ce que l'avenir de la sécurité alimentaire qui souffle ou l'odeur des tragédies à venir?    
Le 21e Food Safety Summit a lieu du 6 au 9 dans la banlieue de Chicago et l’intervention dont il va question ci-après concerne l’intervention de Mike Taylor, commissaire adjoint aux aliments et à la médecine vétérinaire à la FDA de 2010 à 2016. Mike Taylor est coprésident du conseil d'administration du groupe de défense des consommateurs à but non lucratif Stop Foodborne Illness.

« L’optimisme est de mise, mais de graves préoccupations demeurent », source article de Coral Beach paru le 8 mai 2019 dans Food Safety News.

Le schéma est bien établi. De mauvaises choses arrivent, et ensuite, de bonnes choses arrivent en conséquence.

Mais un homme qui est particulièrement bien placé pour regarder l’avenir avec lucidité ne pense pas que l’industrie alimentaire ou le gouvernement doive attendre la prochaine crise pour faire le prochain grand pas en avant vers une alimentation plus sûre.

Mike Taylor, ancien représentant de la FDA et de l'USDA, a dit dans son exposé liminaire ce matin au 21ème Food Safety Summit annuel que la triade, consommateurs, gouvernement et industrie alimentaire, puisse faire d'énormes progrès en matière de sécurité sanitaire des aliments en se basant sur leurs connaissances actuelles. Et Taylor a l'expérience personnelle et une connaissance de première main pour savoir ce que les gens savent.

Avec quatre points centrés sur les crises de sécurité des aliments, Taylor a illustré comment des situations désespérées ont entraîné un changement significatif au cours des 25 dernières années:
  • Jack in the Box et une épidémie mortelle à E. coli ont conduit à la mise en place de plans HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Point) obligatoires ;
  • L'ESB au Royaume-Uni a précédé le GFSI;
  • Les épinards et une autre épidémie mortelle à E. coli ont incité l’industrie à conclure des Leafy Greens Marketing Agreements;
  • Des produits, l’arachide et la mélamine ont poussé le Congrès à adopter la loi relative à la modernisation de la sécurité sanitaire des aliments ou Food Safety Modernization Act.
Un cinquième point - la laitue romaine - n'a pas encore provoqué les changements radicaux d'attitude et de pratiques nécessaires pour le prochain pas de géant. C'est un exemple de la façon dont un changement de direction par certains peut aider à déplacer les autres vers une nouvelle destination, a dit Taylor.

Les leaders de l'industrie des légumes-feuilles commencent à prendre des mesures significatives à la suite de deux importantes épidémies à E. coli en 2018 associées à de la laitue romaine. Taylor a dit qu'une mesure cruciale avait été prise pour augmenter la distance entre les champs de production de cultures de légumes et les parcs d'engraissement, ou les opérations d’engraissement d’animaux à forte concentration (CAFOs pour concentrated animal feeding operations), comme on les appelle parfois.

Auparavant, les Leafy Greens Marketing Agreements ou LGMA (les accords de commercialisation de légumes-feuilles) pour les producteurs de Californie et d'Arizona prévoyaient des zones tampons de 122 mètres entre les parcs d'engraissement et les champs de production. À la suite des épidémies de romaine en 2018, cette distance a été quadruplée.

Les organisations, dont les membres produisent près de 90% des légumes-feuilles cultivés aux États-Unis, ont également adopté de nouvelles procédures d'analyse et de traitement de l'eau. Les membres doivent se conformer aux procédures LGMA ou faire face à une expulsion, ce qui représente un énorme potentiel de perte de revenus ; de nombreux acheteurs, sinon la plupart, insistent déjà pour que leurs fournisseurs de légumes-feuilles soient des membres en règle des LGMA.

« Les nouveaux paramètres de mesure de l’eau des LGMA constituent une étape très importante. Ils sont encore plus sévères que ceux de la FSMA Produce Rule », a dit Taylor, soulignant que ce n’était pas seulement des règles de test et de traitement plus strictes qui feraient une différence à long terme.

Les précautions relatives à l'eau touchent une menace plus grande et plus envahissante pour la sécurité des aliments. Taylor a dit qu'il espérait que cette nouvelle prise de conscience aurait un impact sur la sécurité sanitaire de tous les aliments cultivés dans les champs, en particulier les produits frais, qui sont généralement consommés sans passés par une étape de destruction des micro-organismes dangereux.

« Ils (les règles sur l'eau des LGMA) établissent la présomption que l'eau de surface est dangereuse », a dit Taylor, « particulièrement si elle est utilisée dans les 21 jours après récolte. … Vous devez tester et traiter. Vous devez. Pas de question. »

Taylor a dit que les épidémies à E. coli de 2018 liées à la laitue romaine sont de mauvaises choses qui conduisent à de bons changements, mais que certains acteurs de l'industrie alimentaire ne sont toujours pas disposés à agir.

Ils veulent davantage d'exemples de la nécessité de changer les pratiques remontant à un siècle.

« Les éleveurs ne seront probablement pas très heureux avec moi aujourd’hui », a dit Taylor, évoquant les problèmes de sécurité des aliments créés lorsque les éleveurs mettent des œillères sur leurs yeux et encouragent les autres à faire de même.

« Les éleveurs de bovins ne laisseront pas des gens entrer et collecter des échantillons. Nous avons besoin d’une carte microbienne, sinon vous faites simplement semblant (pour aborder la question de la sécurité des aliments) », a dit Taylor.

Les représentants de l’industrie de la viande ont longtemps scandé la réplique « montre-moi les données » (show me the data), mais ils ne permettent pas la collecte des données, encore moins l’analyse.

Par exemple, les propriétaires du parc d'engraissement McElhaney Five Rivers dans la région de Yuma, en Arizona, ont seulement permis aux enquêteurs sur les épidémies un accès très limité aux opérations de plus de 100 000 têtes. Il est adjacent aux champs de laitue et aux canaux en plein air qui leur fournissent de l'eau d'irrigation. Le refus d'accès est particulièrement troublant, étant donné que les deux épidémies à E. coli à l'échelle nationale survenues en 2018 étaient associées à une culture de laitue romaine cultivée dans la région, a dit Taylor.

Les autres opérateurs de CAFOs dans les autres régions ne sont pas ouverts d’esprit, gardant leurs portes fermées lorsque des chercheurs universitaires et gouvernementaux ont demandé l’autorisation de tester la saleté, la poussière et les eaux de ruissellement.

Les scientifiques, l’industrie, les consommateurs et les pouvoirs publics n’ont pratiquement aucun doute sur le fait que la bactérie E. coli retrouvée dans les eaux du canal de l’Arizona est liée à de la poussière contaminée et/ou aux eaux de ruissellement provenant du vaste parc d’engraissement. Cependant, le secteur de l'élevage animal est toujours aussi déconnecté.

« Les vecteurs de transmission des agents pathogènes à partir de parcs d'engraissement sont incroyables », a dit Taylor. « Regardez la photo d’un parc d'engraissement. Regardez le canal dans le parc. Vous avez un risque criant. »

Taylor a cependant dit qu'il était confiant et que le vent changeait. Les consommateurs sont plus conscients et exigent des réponses et des actions de la part de l'industrie et du gouvernement. Certains dans l'industrie cherchent des solutions innovantes au statu quo.

Le gouvernement aborde avec de nouvelles normes et la surveillance du point de vue de la prévention.

L’alignement des objectifs et des stratégies est essentiel, a dit Taylor, en cochant quatre autres points:
  • Les maladies d'origine alimentaire sont mauvaises pour tout le monde.
  • Les stratégies complètes de prévention sont ce qui fonctionne;
  • Une amélioration continue est nécessaire à mesure que les défis évoluent; et,
  • Des cultures fortes en matière de sécurité des aliments sont la base d'une bonne performance durable. 
Taylor a dit qu'il pensait que le moteur du changement en sécurité des aliments aux États-Unis était la communauté d'individus et d'entités qui constituent « les acheteurs ». Qu'il s'agisse de consommateurs individuels, de chaînes d'épicerie régionales ou de méga-distributeurs, quand les acheteurs n’achèteront que s’ils disposent de mesures efficaces en matière de sécurité des aliments, les producteurs n’ont pas d’autre choix que de passer au XXIe siècle.

Il reste optimiste quant à la situation actuelle.

« Au moins, nous avons constaté un changement d'orientation significatif chez certains », a dit Taylor. « Espérons que cela puisse amener les acteurs clés à s'engager dans une meilleure voie. »

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