lundi 30 mai 2022

De la prévention des problèmes de sécurité des aliments: Le cas Ferrero

Photo d'illustration
Retour sur l’évaluation de l'épidémie internationale à Salmonella liée à la consommation de produits Kinder (Ferrero) avec un nouveau brainstorming à partir du rapport du 18 mai 2022 de l’ECDC et de l'EFSA afin de tenter de comprendre si la contamination est récente ou installée depuis quelques temps …

Voici trois points de réflexion proposée par une internaute amie que je relaie bien volontiers afin de les partager avec vous chers lecteurs ...

1. Vocabulaire
L’emploi inapproprié de certains mots peut induire des confusions dans l’interprétation des faits et hypothèses:

1. Ainsi buttermilk (babeurre) en place de AMF (anhydrous milk fat)/MGLA (matière grasse de lait anhydre). Ce point a déjà été abordé dans un précédent article du blog, Complément au rapport sur l’évaluation de l'épidémie internationale à Salmonella liée à la consommation de produits Kinder (Ferrero). Cependant, notons que le standard de composition de l’AMF varie selon le référentiel considéré. Par exemple les teneurs en eau et matières grasses :



Humidité résiduelle
Matières grasses
Codex alimentarius CXS 280-1973
Anhydrous milk fat
0.1% max
99.8% min
Autre: un producteur italien déclare produire un «AMF butter»
«AMF butter»
0.5% max
99.3% min

Sans faire forcément de lien entre ce producteur et celui cité par l’EFSA et l’ECDC en tant que supplier A. La mesure de la teneur en eau des livraisons permettrait de connaître la qualité livrée. Source Codex Alimentarius.

2. Tank / silo (= réservoir de stockage en usines) est également employé dans le rapport pour les citernes routières vrac, pour lesquelles le terme de road bulk tankers (ou road bulk silo) serait plus exact.

2. Présence de l’eau dans les circuits de l’AMF.
Dans cette matière anhydre, les nombreuses détections de Salmonella et de deux clusters (cluster 1 au Royaume-Uni, une souche de S. Typhimurium monophasique ST34 et un cluster 2 en Belgique avec une souche identique) sont surprenants. Ceci pourrait laisser entendre, en plus de la problématique de la survie de Salmonella en milieu gras et une très faible aw, une phase de croissance à un moment et ou dans une zone post CCP procédé.

- Les usines de production d’AMF sont en milieu de laiterie, avec présence d’eau de process et élimination de l’eau du produit. Et le process comprend des CCPs microbiologie. Cependant la pratique de refonte des blocs d’AMF avant de charger des citernes vrac ne comprend pas de CCP microbiologie. L’étape de dégazage permet peut-être surtout d’éliminer les acides gras volatils et les peroxydes qui se forment pendant un stockage prolongé de l’AMF.

- Les usines de chocolaterie sont des milieux plus secs.
Le rapport décrit la procédure de nettoyage des silos des stockage d’AMF à Arlon, avec utilisation d’eau. Peut-être était-ce un protocole d’exception, appliqué ponctuellement lors de la crise ?

La validation du séchage post lavage incluait-elle les zones difficiles d’accès exemple les points morts du système de ventilation ? (air et ou gaz d’inertage). La vérification comprenait-elle ces points à risques ?

Malgré sa composition en matières grasses très élevée, l’AMF contient des résidus d’humidité et de protéines. Au fil du temps et des livraisons, ces résidus se concentrent et se sédimentent, formant une petite masse d’aspect mucilagineux en bas des silos de stockage, au niveau du filtre en amont du pompage. Cet amas doit être éliminé régulièrement, systématiquement et testé pour les indicateurs d’hygiène et des pathogènes.

Évidemment, plus la fréquence de purge est faible, avec des fournisseurs d’AMF livrant une qualité à humidité résiduelle haute, et plus cette masse sera volumineuse voire nauséabonde si oxydée.

Le rapport mentionne une étape C de nettoyage des silos, «flushing with oil over 75°C».

Le but étant de chasser les reliquats d’eau de lavage. Cependant, une telle température risque aussi de thermo-coaguler des traces de protéines qui n’auraient pas été éliminées et qui deviendraient un point d’accroche au nouveau «mucilage» à venir avec probablement la formation de biofilms et libération en différents points (coup de bélier) selon l'état d'un biofilm sous-jacent.

3. L’analyse par l’EFSA des risques sanitaires à Arlon pointe sur l’AMF, et semble-t-il sur l’AMF livrée en vrac par le fournisseur italien A au site d’Arlon
La gestion de l’hygiène (nettoyage-désinfection) des citernes alimentaires nécessite des attentions très spécifiques pour couvrir les points vulnérables selon
- le modèle de la citerne et des auxiliaires de charge et de décharge,
- les infrastructures des stations de lavage utilisées entre les chargements,
- le protocole de nettoyage en place (validation?)
- ...

Le document de lavage fourni par la station de lavage ne correspond pas souvent à un engagement de résultats tels qu’attendus par l’industrie alimentaire. On sait qu’il existe des certificats de lavage de complaisance ...

L’inspection sanitaire de la filière vrac alimentaire demande une formation appropriée.

Actuellement, peu d’inspecteurs/auditeurs sont formés à l’hygiène des procédés de fabrication des aliments ET au transport en citernes vrac alimentaires.

Cependant, d’autres sites Ferrero semblent être livrés en AMF vrac par le fournisseur italien A, et sans détection de Salmonella.

Arlon est-il livré par un transporteur vrac dédié? Livraison avec un type de citerne particulier (si en multi-compartiments, les systèmes de déchargement fixes et flexibles sont-ils respectifs ou avec des parties en commun ?), citerne lavée par une seule station et selon un protocole spécifique ?

Documents de lavage
Concernant les documents de lavage remis par les stations de lavage, aux chauffeurs de citernes vrac alimentaires (ou non alimentaires), sans même évoquer les documents de complaisance, toujours possibles:

Dans la grande majorité des cas, par exemple pour les stations de lavage membres de l’EFTCO , il s’agit d’un document de lavage et non d’un certificat de lavage car il ne présente d’autre garantie qu’une propreté visuelle obtenue au moyen d’étapes et de produits plus ou moins définis et variables selon les stations, bien qu’utilisant des codes similaires notés sur le document de lavage. D’ailleurs l’EFTCO a changé le titre de ses documents il y a 3 ans environ, passant de Certificat de lavage à Document de lavage.

Pour la majorité des stations de lavage, membres ou non de l’EFTCO, il reste un gros travail à effectuer pour se mettre au niveau des attentes et des pratiques des industries agroalimentaires. En particulier au sujet de la validation et de la vérification, via des paramètres clés correctement sensor-appliqués, positionnés, mesurés, enregistrés, contrôlés etc.

Cette attente a été prise en compte dans le guide FSSC 22000 Transport Tank Cleaning Guidance, décembre 2020, voir le point 2, Auditing a transport tank cleaning organization, page 4/9, qui fournit dans le détail tout ce qui doit être entrepris.

L’étape «gestion et lavage de la citerne alimentaire vrac »
Gardons en mémoire que le lavage des citernes vrac n’est pas un business très lucratif et qu’un service Qualité n’est pas toujours présent sur les stations, surtout si elles n’appartiennent pas à un grand groupe logistique ou agroalimentaire ...

L’étape «gestion et lavage de la citerne alimentaire vrac» n’est en général pas intégrée dans les documents HACCP et les certifications GFSI (Global Food Safety Initiative) des industries agroalimentaires, en particulier pour les aspects fonctionnels. Les points documentaires le sont davantage, du moins dans les grandes lignes.

Le point reste à progresser aussi bien par les sociétés qui chargent la citerne ou qui la déchargent. Le plus souvent, cette étape n’est pas directement gérée par les industries agroalimentaires mais contractée auprès de sociétés de logistique, qui elles-mêmes peuvent utiliser des stations de lavage tierces, etc.

Aux lecteurs du blog
Je suis en conflit depuis plusieurs années avec la revue PROCESS Alimentaire pour une triste question d’argent qui permettrait de récupérer et de diffuser correctement les 10 052 articles initialement publiés gracieusement par mes soins de 2009 à 2017 sur le blog de la revue, alors qu’elle a bénéficié de la manne de la publicité faite lors de la diffusion de ces articles. La revue PROCESS Alimentaire s’est comportée et continue de se comporter en censeur et refuse tout assouplissement pour la modique somme de 500 euros. N’ayant pas les moyens d’aller devant la justice, je leur fait ici de la publicité gratuite. Derrière cette revue, il y a des aimables censeurs, les journalistes complices de la direction !

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