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lundi 31 juillet 2023

La crainte d’Europe Écologie Les Verts

Je reproduits ci-après l’éditorial de la revue Paysans & société mai et juin 2023 (N° 399) de Pierre Pagesse, «La crainte d’Europe Écologie Les Verts».

L’obstination dogmatique des dirigeants Verts allemands les a conduits à décider la suppression des trois dernières centrales nucléaires présentes sur leur territoire. Cette décision prend sa source chez Greenpeace qui milite dans le monde contre l’atome. Cette organisation est très implantée outre-Rhin : l’ancienne patronne de Greenpeace International, Jennifer Morgan, intégrée au gouvernement, a désormais le titre d’Ambassadrice du climat. Le ministre allemand de l’Économie et du Climat, Robert Habeck (Grünen), rêve d’imposer son modèle à l’Europe et pourquoi pas au monde entier. Siemens, notre partenaire dans la centrale de Flamanville, s’est retiré du projet et s’est converti dans la production de turbines à gaz et d’éoliennes. Ces orientations vont à l’encontre des réductions des émissions de CO2, objectif pourtant affiché par le Giec, nécessaires à la transition énergétique.

La France, dont le budget de l’État ressemble au «tonneau des Danaïdes», saura-t-elle se redonner les moyens de réagir ? Notre pays, avec sa production électrique assurée à 70% par nos centrales nucléaires, est considéré comme vertueux. La totalité de ses émissions représente 0, 9% de celles de la planète. Si la France était à l’arrêt, nous effacerions un peu moins de six mois des augmentations de CO2 de la Chine et de l’Inde. L’influence des Verts est aussi européenne. Le numéro deux de la Commission Frans Timmermans, un Néerlandais, a pour chef de cabinet un ancien de Greenpeace…. Et ce n’est qu’une infime partie visible de l’iceberg. Dans ce contexte, pas de quoi s’étonner des fondements de la nouvelle Pac qui par ses nouvelles contraintes et sa limitation des ressources ne manquera pas, si elle est appliquée en l’état, de faire régresser la production au détriment de notre indépendance alimentaire.

Les violences des manifestations à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres procèdent de la même démarche. Personnellement cela me choque. Je voudrais saluer les efforts d’organisation des agriculteurs de ce secteur. Ils se sont constitués en coopérative et ont fait preuve d’une grande patience. Douze ans d’études et de démarches pour obtenir enfin une validation de leur projet, y compris par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement et par le Bureau de recherches géologiques et minières. Au fil du temps, leur prélèvement d’eau a diminué de moitié, passant de 24 à 12 millions de m3, notamment en raison de la disparition d’un certain nombre d’agriculteurs irrigants. Pour les douze millions de m3 restants, le projet consiste à faire des réserves appelées « bassines » ou « méga-bassines » afin de stocker la moitié de l’eau nécessaire lorsque la hauteur de la nappe phréatique, mesurée par des piézomètres, le permet. Ceci est fait pour diminuer de moitié les pompages pendant la période estivale. Un projet vertueux s’il en est, très peu souvent présenté comme tel.

Membre du Comité de Bassin Loire Bretagne, j’ai expliqué une fois de plus la nécessité de faire des retenues supplémentaires pendant la période d’abondance dans nos cours d’eau afin de pouvoir satisfaire l’ensemble des usages y compris pendant les périodes critiques de faible pluviométrie. Ce serait beaucoup plus efficace que la sobriété mise en avant pour l’économie de notre pays.

L’accès à l’énergie et à l’eau à un coût raisonnable est indispensable aux activités de toute nature, y compris agricoles et industrielles. Seulement 4,7% de l’eau disponible dans nos rivières sont stockées, barrages EDF compris. C’est 20% en Espagne et 50% au Maroc. Ne vous étonnez pas si 40% de nos légumes viennent de ces régions-là, pourtant plus pauvres en ressources que notre beau pays.

À ce même Comité de Bassin, et pour la première fois de ma vie, un des participants présents appartenant à la fonction publique m’a indiqué en aparté qu’il ne partageait pas mes préconisations parce qu’il était favorable à la décroissance ! Un comble pour quelqu’un qui vit de nos impôts…

Cette décroissance ne manquera pas d’appauvrir notre pays et de provoquer la révolte de nos concitoyens. Nous en percevons les premiers signes. La Française, Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au Commissariat énergie atomique et co-présidente de l’un des groupes du Giec, a soutenu publiquement le collectif «des Soulèvements de la terre», acteur principal des émeutes de Sainte-Soline, les mêmes zadistes de Sivens et de Notre-Dame-des-Landes.

Je voudrais réaffirmer qu’il y a un lien étroit entre le carbone du gaz carbonique de l’air et l’eau disponible dans le sol en ce qui concerne l’efficacité de la photosynthèse. Cette efficacité pourrait, à elle toute seule, neutraliser l’augmentation des émissions de CO2 à l’échelle de la planète. Cette augmentation représente aujourd’hui environ 9 gigatonnes par an (1 gigatonne = 1 milliard de tonnes) : cinq sont recyclées à travers les océans et les forêts, les quatre restantes pourraient être stockées dans nos sols par une simple évolution de nos pratiques culturales grâce à l’Agriculture de conservation des sols. Cette évolution doit, bien entendu, prendre en compte l’environnement agro-pédo-climatique de chacun de nos territoires. Ce fameux 4 pour 1000 de la COP 21, présidée par la France, pourrait nous permettre, à lui tout seul, d’atteindre a minima la stabilité carbone tant recherchée et les objectifs qui lui sont liés.

Oui l’agriculture, loin d’être un problème, fait partie des solutions. À condition de ne pas la conduire dans une impasse et de lui laisser jouer son rôle, y compris, bien sûr, alimentaire. Il est grand temps, comme l’a écrit Jean-Paul Oury dans Atlanticoque tous les grands courants politiques, et pas seulement les idéologues écologistes, s’occupent de politique scientifique pour réfléchir aux justes usages de la science et de la technologie, porteurs d’avenir. Lorsque l’idéologie veut, sous couvert de progressisme, ignorer les faits - la science, la technologie et les lois de la physique - ce sont toujours la technique et la physique qui l’emportent à la fin. Serons-nous dans le wagon ?

lundi 22 août 2022

Le monde paysan est un élément fondamental ... en Suisse

Très sincèrement, je ne sais ce qui se passerait en France, si un tel vote devait avoir lieu, mais il vous faut aussi savoir qu'on ne consulte plus les gens en France depuis bien trop longtemps ...  

On aurait pu croire la cause entendue, mais voici qu’un nouveau vote va intervenir en Suisse à propos de l’«Élevage intensif: un nouveau clivage villes-campagnes en vue», source Agence Télégraphique Suisse (ATS) via Agir info.

Pour la sixième fois depuis 2017, la Suisse vote le 25 septembre sur une question liée à l'agriculture. L'initiative «Non à l'élevage intensif» reflète un énième clivage entre urbains et ruraux, qui devrait à nouveau tourner à l'avantage de ces derniers.

L'an dernier, deux initiatives populaires issues de comités citoyens demandaient l'interdiction des produits phytosanitaires dans l'agriculture. Rejetés par un peu plus de six votantes et votants sur dix, la campagne avait été tendue, voire violente par moments, avec des menaces de mort et des incendies intentionnels.

Le monde agricole a, dans sa grande majorité, martelé que ces textes menaçaient leurs exploitations. Seules les grandes villes s'y sont montrées favorables. Guy Parmelin, alors président de la Confédération et ancien viticulteur, avait pointé la problématique: «un fossé semble s'installer de plus en plus entre les grandes villes et la campagne».

Sujets émotionnels
Une partie qui devrait se rejouer avec la votation sur l'élevage intensif, même si, période estivale oblige, la campagne de votation a été relativement calme pour l'instant. «Ces sujets sont toujours émotionnels», rappelle à Keystone-ATS le politologue Pascal Sciarini, de l'Université de Genève.

«Les milieux urbains ont une vision idéalisée du monde paysan et de ce qu'il devrait être.» Ils appellent de leurs voeux davantage de contraintes, afin de faire avancer des causes jugées progressistes. De l'autre côté, les paysans, qui se voient comme des entrepreneurs, «ont du mal avec l'idée que l'Etat vienne leur dire comment fonctionner et comment travailler.»

Pendant des décennies, les paysans étaient une sorte de «vache sacrée» en Suisse. Depuis les années 1990 et 2000, avec la libéralisation, les accords de l'OMC, le tournant vert et les subventions de la Confédération, ce statut a évolué. Ce qui ne va pas sans provoquer des tensions.

Vote «raisonnable»
Depuis 2017, le monde paysan a toujours vu les votants le soutenir. Le résultat ne devrait pas être sensiblement différent cette fois. «Il y a un effet 'vote raisonnable' sur toutes ces questions. Les gens veulent avant tout continuer à pouvoir choisir leur nourriture et ne pas la payer trop chère», poursuit Pascal Sciarini.

«Surtout dans un contexte peu favorable aux expérimentations progressistes, comme on le vit actuellement avec les pénuries, la guerre en Ukraine, la canicule et les sécheresses».

Enfin, les activistes issus de milieux urbains sont coutumiers d'actions très médiatisées. Mais au final, «la Suisse reste un pays à majorité conservatrice de droite.» Le monde paysan en est un élément fondamental.

Aux lecteurs du blog
La revue PROCESS Alimentaire censure pour une triste question d’argent les 10 052 articles initialement publiés gracieusement par mes soins de 2009 à 2017 sur le blog de la revue, alors que la revue a bénéficié de la manne de la publicité faite lors de la diffusion de ces articles. La revue PROCESS Alimentaire a fermé le blog et refuse tout assouplissement. Derrière cette revue, il faut que vous le sachiez, il y a une direction aux éditions du Boisbaudry, pleine de mépris, et un rédacteur en chef complice !

mercredi 10 août 2022

Pourquoi certains élus n’aiment pas les agriculteurs ? (Par Jean-Paul Pelras)

«Pourquoi certains élus n’aiment pas les agriculteurs ? (Par Jean-Paul Pelras)», source article de Jean-Pau Perlras paru dans l’agri du 10 août 2022.

Pour plusieurs raisons. La première est idéologique, lorsque le «propriétaire terrien» ou «l’exploitant agricole» est considéré comme étant un rentier, voire un employeur de main d’œuvre «bon marché» par des élus qui voient des capitalistes et des esclavagistes un peu partout.

Le constat peut choquer, mais il est souvent prégnant dans nos campagnes où l’agriculteur à fini par perdre la main au sein des conseils municipaux avec, pour lui succéder, ceux qui veulent remplacer le périmètre agricole dédié au travail par des terrains de loisir, des parcours emménagés «politiquement corrects» ou des espaces constructibles définitivement artificialisés. Il s’agit de la seconde raison qui répond aux besoins d’une urbanisation galopante et à l’arrivée de populations, sédentaires ou touristiques, appréciant moyennement le voisinage agricole. Lequel, et les nouveaux arrivants sont abondamment renseignés par certains médias sur ce point, est rarement écolo-compatible. D’où les plaintes qui affluent en mairie concernant la poussière des labours, le bruit des machines, la pulvérisation, l’épandage, les cloches, les mouches, les bouses et tout ce qui, depuis des millénaires, accompagne notre quotidien champêtre.

Dans de nombreuses communes, et nous abordons ici la troisième raison, le maire est submergé par les plaintes d’associations qui représentent un nombre de plus en plus conséquent de voix, alors que celui des paysans s’amenuise d’un suffrage à l’autre pour ne plus représenter qu’un pourcentage négligeable d’électeurs en voie de disparition. Quatrième raison : l’agriculteur se rend lui aussi en mairie pour signaler des vols sur les récoltes et, depuis quelques temps, des saccages sur son exploitation, des visites nocturnes, des actes malveillants commis par ceux qui s’opposent à certaines pratiques culturales ou aux modes d’élevage conventionnels. Là encore, l’élu est confronté à un dilemme sociétal avec, d’un côté, ceux qui, et c’est bien normal, veulent protéger leur outil de travail et, de l’autre, ceux qui ont décidé de sévir en toute impunité (avec la bénédiction de quelques parlementaires) car ils pensent détenir le monopole de l’éthique et de la moralité.

Ceux qui veulent priver d’eau les agriculteurs sont-ils prêts à sacrifier une année de salaire et leurs indemnités ?
Cinquième raison : l’eau. Cette eau dont certains responsables, élus au sein des collectivités territoriales, veulent priver les agriculteurs dans le cadre notamment des mesures dites de «crise» prises consécutivement aux périodes de sécheresse. Cette eau qui pourrait être collectée en hiver dans des retenues collinaires régulièrement saccagées par les environnementalistes et dont les constructions sont, hélas, si peu encouragées par les pouvoirs publics.

Priver un agriculteur d’eau en période estivale équivaut à laisser perdre les cultures et à abandonner les récoltes. Ceux qui prennent ou veulent prendre de telles décisions radicales sont-ils prêts, puisqu’il faut montrer l’exemple, à sacrifier une année de salaire, leurs indemnités, parfois meme une vie de labeur ? Voilà la question que les responsables agricoles doivent poser à ceux qui se cachent derrière leurs écharpes pour expier quelques frustrations, soigner leur électorat,  punir ceux qui osent encore générer une induction, fournir de l’emploi et, sacrilège suprême, obtenir des résultats.

Des paysans devenus persona non grata un peu partout en France. Sauf, bien sûr, lorsqu’il faut déneiger les routes, prêter main forte aux pompiers quand l’incendie menace la cité, nourrir les populations et, plus généralement, entretenir ces millions d’hectares qui font ce qu’est notre pays quand il s’agit d’attirer les touristes et vanter les mérites de nos spécialités. Ces touristes qui ne sont pas, ou si peu en définitive, concernés par les restrictions d’eau. Cette eau que certains élus veulent retirer au monde agricole pour privilégier le littoral et les stations balnéaires.

A l’heure où, pour un oui ou pour un non, l’agriculture est systématiquement désignée comme étant responsable de tous les maux, son avenir proche dépendra du respect des élus à son égard. Si d’aventure, sans discernement et avec des aprioris manifestes, ils décident de sacrifier celui qui nourrit, ils devront endosser ad vitam aeternam la gestion des risques naturels, la responsabilité des pénuries alimentaires, la déprise rurale, mais aussi le déclin économique, social et environnemental de tout un pays.

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mercredi 27 juillet 2022

Des paysans ou des Canadairs, il faudra choisir ! [par Jean-Paul Pelras]

«Des paysans ou des Canadairs, il faudra choisir ! par Jean-Paul Pelras», article paru dans l’agri le 26 juillet 2022

Et nous voilà, assis dans le vide, à respirer la chaleur sirupeuse qui descend des garrigues et vient mourir dans cette lumière pulvérulente, portée par le vent marin, qui inonde déjà la proue des jardins.

Au village, on charge les sacs de soufre à l’arrière des fourgonnettes, les hommes reviendront vers midi, ils passeront un peu de vinaigre sur leurs paupières pour atténuer le feu que laisse la poudre jaune au fond des yeux. Ils s’installeront ensuite dans la fraicheur de la cuisine qui donne sur la rue.

La suie tombe des cheminées, les mains de la grand-mère sentent l’ail, la tomate et le savon de Marseille, les légumes sont posés sur le marbre de l’évier. Nous sommes au cœur des années 70-80, quelque part dans le Midi de la France, en Roussillon, où le soleil tambourine.

Ici, la vigne pousse au milieu des vergers, les premières laitues sont parfois plantées entre les ceps et ils n’ont pas fini de récolter la sucrine d’un côté qu’ils sèment déjà les navets de l’autre. Pas un mètre carré ne se perd, le coup de rotavator gagne sur le chemin. À la nuit tombée, les tours d’eau en aval du canal se négocient parfois à coups de bêche ou à coups de poings. Les camions, les remorques, les fourgons qui partent au marché à 4 heures du matin sont chargés, jusqu’au sommet des ridelles, de pèches, d’abricots, de tomates, de melons, d’aubergines, de haricots… Les villages comptent des dizaines de commerçants, les ouvriers logent où ils peuvent, il y a du travail pour tout le monde et les saisonniers reviennent d’une année sur l’autre.

C’était il y a 40 ans, ce n’est rien 40 ans. Les chemins étaient entretenus, les fossés étaient curés, les ruisseaux et les rivières débarrassés des embâcles, les agriculteurs, les artisans, les commerçants étaient pompiers volontaires et laissaient leurs récoltes, leurs chantiers, leurs affaires quand, au clocher de l’église, le tocsin retentissait.

La friche n’existait pas car la terre faisait vivre les gens d’ici, tous les gens d’ici. Les écologistes non plus n’existaient pas, à part dans le discours de quelques “hippies” qui repartaient avant les premiers froids.

Et puis, le rouleau compresseur des importations déloyales a traversé les Pyrénées, a usurpé nos marchés, a bénéficié de la bénédiction des politiciens et, en moins de deux décennies, a vidé nos vignes, nos vergers, nos jardins.

Le fenouil sauvage, l’ambroisie, le chénopode, le lierre, l’ortie, le séneçon, l’herbe des pampas, le coquelicot, le pourpier, le roseau, le genêt, et, entre autres plantes invasives, l’acacia ont colonisé les terres arables, les chemins se sont refermés, les agriculteurs sont devenus employés municipaux ou ont trouvé du travail en ville, les commerçants ont plié boutique, les artisans ont fermé leurs ateliers, les vieux ne sortent plus leurs chaises le soir venu pour prendre le frais.

Et partout, partout la friche avance, qui entoure les lotissements, héberge le gibier, le rat, le serpent, le frigo abandonné, le petit trafic de drogue à la nuit tombée, l’allumette qui finira par tout emporter.

40 ans, ce n’est pas grand-chose 40 ans. Mais cela suffit pour sacrifier un territoire avec, de surcroît, des environnementalistes qui, pour le préserver, prônent son ensauvagement, la protection de quelques orchidées et l’interdiction, sur plusieurs hectares, de travailler les terres où l’une d’elle a été repérée.

Parce qu’ils sont venus un matin avec leurs voitures, leurs longues vues, leurs herbiers, leurs éprouvettes, leurs carnets, traquer le scarabée disparu et le lézard ocellé, l’économie doit désormais s’incliner face au dogme de ceux qui préfèrent aux parcelles cultivées les étendues enherbées.

40 ans, ce n’est pas grand-chose 40 ans, avec la quasi disparition des produits phytosanitaires qui protégeaient les cultures des maladies et des ravageurs, l’interdiction de nettoyer les rivières, celle de désherber avec des produits qui laissaient les chemins propres et, de facto, nous gardaient des incendies, celle de recueillir l’eau dans des retenues pour irriguer les productions et combattre le feu.
40 ans et nous en sommes là à redouter chaque jour ce désastre qui défigure les campagnes et chasse les populations. Oui, nous en sommes là à compter sur des avions pour contenir les flammes et à faire prendre tous les risques aux pompiers pour éteindre les brasiers.

En Gironde comme ailleurs, spontanément, les agriculteurs sont venus prêter main forte, avec leurs tracteurs, leurs citernes, leur bon sens, leur énergie, leur volonté. Alors, évidemment, il ne faudrait pas poser cette question qui va encore soulever le tollé et l’indignation. Mais, parce que je peux vous parler, sans que les coutures ne se voient, de ce qu’étaient nos campagnes voilà encore 40 ans, je me demande aujourd’hui où étaient, ces derniers temps, les responsables écologistes au moment de combattre les incendies. Ces responsables qui, depuis Paris ou Bruxelles, depuis leurs bureaux climatisés et quelques plateaux télévisés, décident, sans savoir ce qu’il en coûte de sauver un pays quand les hommes sont partis et qu’il se met à brûler !

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vendredi 23 avril 2021

Si les écologistes veulent aider les paysans, qu’ils leur fichent la paix !» Par Jean-Paul Pelras

«Si les écologistes veulent aider les paysans, qu’ils leur fichent la paix !» Par Jean-Paul Pelras. Tribune libre parue dans L'Opinion du 23 avril 2021.

«Les agriculteurs, dans leur grande majorité, ne supportent plus les leçons qui leur sont assénées par les mouvements environnementalistes», souligne l’auteur, spécialiste du monde agricole

Quarante-six associations, syndicats ou ONG viennent de signer une nouvelle tribune «Politique agricole commune : à quand un virage agroécologique ?» dans Libération. Quarante-six signataires qualifiés pour sauver la planète qui se retrouvent régulièrement afin de phosphorer sur un nouveau modèle agricole… la plupart du temps inadapté aux impératifs techniques et économiques de la profession.

A bien y regarder, nous avons affaire ici à un club plutôt orienté à gauche, qui bénéficie de l’appui de certains médias peu réputés pour héberger des idées de droite. D’où cette question : l’écologie est-elle devenue un parti politique ? Lequel, avec des scores atteignant difficilement 2 % lors des élections présidentielles (et sans candidat en 2017), s’est progressivement installé dans la sphère politique en s’imposant lors des seconds tours par le jeu d’alliance parfois contre nature, en intégrant les gouvernements successifs, en monopolisant le prisme des médias, en utilisant le relais de personnalités issues de la culture ou des milieux intellectuels. Loin du sol…

«Mal-être». Cette nouvelle tribune réclame, entre autres doléances, un virage agroécologique concernant la future Politique agricole commune, avec une réorientation des soutiens. Ce qui, de facto, va susciter la mise en place de nouvelles contraintes, de nouveaux contrôles, de nouvelles normes coercitives et si peu compétitives dans un contexte où les pays concurrents se frottent les mains en observant nos tribulations agro-environnementales franco-françaises.

Etrange prise de position pour des signataires qui évoquent dans leur tribune «le mal-être paysan». Ce mal-être paysan, multifactoriel bien entendu, résulte également depuis quelques années d’une stigmatisation largement précipitée par la campagne de dénigrement que les écologistes instillent, de reportages calibrés en émissions à charge. D’où ces promeneurs qui se bouchent ostensiblement le nez quand ils voient sortir un pulvérisateur, ces riverains qui portent plainte dès qu’ils croisent une tonne à lisier, ce paysan qui se fait tabasser parce qu’il sulfate pour protéger ses cultures, cet autre qui se fait insulter ou condamner parce qu’il ose viser le loup qui vient de décimer le troupeau, parce qu’il fait trop de poussière quand il laboure, parce qu’il allume des feux pour lutter contre le gel, parce qu’il ne peut plus descendre enlever les embâcles dans les rivières pour éviter l’inondation, parce qu’il ne peut plus curer les ruisseaux sans que la police de l’eau brandisse sa verbalisation, parce qu’il n’a pas laissé de haies pour abriter les oiseaux, parce qu’il ose, infraction suprême, élever des animaux pour produire de la viande et, selon ses détracteurs, accentuer les pollutions.

Et patati et patata… Avec des exemples à n’en plus finir sur l’ensemble du territoire et une exaspération qui va crescendo dans les rangs d’une paysannerie française réduite à sa portion congrue.

La question, puisqu’elle est politique, n’est pas de savoir pourquoi les écologistes veulent imposer leurs dogmes aux agriculteurs, mais plutôt pourquoi les agriculteurs, dans leur grande majorité, ne supportent plus les leçons qui leur sont assénées par les mouvements environnementalistes.

Plutôt que de rédiger des tribunes matinées de compassion en prenant à témoin le contribuable-électeur et en réclamant plus de contraintes, que les écologistes laissent travailler les paysans. Ou bien, d’ici quelques années, le criquet importé, le nugget de fourmi lyophilisé et la tartine de tofu congelé auront remplacé ces productions agricoles locales traditionnelles qui, jour après jour, garantissent sur le plan quantitatif et qualitatif une autonomie alimentaire à 67 millions de Français.

Un challenge que l’écologie politicienne, beaucoup moins rompue au maniement des outils qu’à celui des idées, aura certainement beaucoup de mal à remporter.

Jean-Paul Pelras est écrivain, journaliste, ancien arboriculteur et maraîcher.

mercredi 15 avril 2020

Pendant l'épidémie de COVID-10, attention, ils préparent l’agribashing!


Vous avez aimé, « Pendant l'épidémie de COVID-19, au secours, les marchands de peurs reviennent ! » et « Pendant l'épidémie de COVID-19, au secours, l'agribashing revient ! », vous aimerez aussi,

« Attention, ils préparent l’agribashing de l’après crise ! » (Par Jean-Paul Pelras)

Il s’agit d’un éditorial de Jean-Paul Pelras de l’Agri du 14 avril 2020 que je reproduis bien volontiers ...

Changer le monde ! Peut être, mais pas forcément en jetant le bébé avec l’eau du bain. Car c’est, d’une certaine façon ce que préconisent 18 responsables d’organisations syndicales, associatives et environnementales dans un texte intitulé «  Plus jamais ça, préparons le jour d’après » Selon ces signataires parmi lesquels Aurélie Trouvé pour Attac, Philippe Martinez pour la CGT, Cécile Duflot pour Oxfam, Nicolas Girod pour la Confédération paysanne, Jean François Julliard pour Greenpeace : « la crise du coronavirus qui touche toute la planète révèle les profondes carences des politiques néolibérales »

Le néolibéralisme : un pécher, dont « les impurs » sont coutumiers et contre lequel « les purs » luttent sans relâche pour alimenter le fonds de commerce des grandes pensées. Avec, tant qu’a faire, une grosse louche d’écologie omniprésente dans la quasi-totalité des tribunes qui circulent ces temps ci. « La crise sanitaire impose l’urgence de la transition écologique »déclare dans Libé un autre collectif où nous retrouvons Benoît Biteau, paysan bio et député européen, mais également les indispensables François Dufour, José Bové et Brigitte Allain estampillés « paysans bio, ancien députés européens ». Comme dans ce domaine nous n’en sommes plus à une expertise prés, en attendant l’intervention plus que probable de Cohn Bendit, ces incontournables du débat public se sont penchés sur la question de la santé  : « La vulnérabilité au Covid-19 est en effet accrue par les cancers, maladies respiratoires ou encore cardio-vasculaires, liés en partie à la pollution atmosphérique par les pesticides, par les particules fines d’origine agricole et par la malbouffe… » Et ces paysans politiciens de préconiser un modèle agricole allant sans surprise de la vente directe, sans doute très efficace actuellement intra-muros dans les grandes villes …, à la permaculture avec laquelle nous pourrons, à n’en point douter, nourrir sans problème 7 milliards d’individus d’ici quelques années…

Sans vergogne, ni scrupules …

Toujours dans Libé, d’autres écologues lancent leur cri d’alarme « Rompons avec le déni de crise écologique », tandis que Yannick Jadot déclare dans Boursorama que la FNSEA est « en train de sacrifier toutes les mesures de protection des habitations avec les épandages » Un sujet évoqué par de nombreux médias du Parisien à Médiapart qui écrit : « À Listrac-Médoc, (…) des tracteurs munis d’une rangée de buses ont parcouru plusieurs parcelles, les pulvérisant de produits de synthèse. (…) Problème : ils s’attaquent aussi aux voies respiratoires des populations locales, en pleine épidémie de coronavirus. »

Résultat des courses, celles et ceux qui pensaient que la pandémie et le rôle joué par l’agriculture en ces temps de crise allaient calmer les ardeurs de l’agribasching et des détracteurs de l’agriculture conventionnelle, peuvent sans délai remiser leurs illusions. Car, bien au contraire, ceux qui savent forcement ce qui est bien pour nous, utilisent la situation actuelle pour établir, sans vergogne ni scrupules, un parallèle entre Covid et pratiques agricoles. En embuscade, ils affûtent leurs arguments, activent leurs lobbies, consultent les dirigeants qui, empêtrés dans une gestion de crise empirique auront bien besoin d’ici quelques semaines ou quelques mois de l’appui des environnementalistes pour essayer de revenir vers un quota à peu prés acceptable de soutiens et de voix.

L’alliance des altermondialistes, des anti libéraux et des écologistes pourfendeurs du productivisme agricole va incontestablement influencer le débat du « jour d’après ». Et ce, dans un contexte où nous n’aurons besoin ni de décroissance, ni de dogmes visant à freiner la relance économique. Ce qui susciterait des pertes d’emplois et provoquerait des mouvements sociaux motivés, non plus par des idéaux, mais par des besoins vitaux. Car il faut, même si certains considèrent qu’il s’agit d’un gros mot, « produire » pour gagner sa vie, éduquer ses enfants, s’abriter, se vêtir, se nourrir, se soigner. Ici, sur cette planète où, mis à part quelques enfants gâtés, la plupart n’auront ni les moyens de tout arrêter, ni le temps de culpabiliser.

NB : L'image est de mon fait -aa.

vendredi 3 avril 2020

Pendant l'épidémie de COVID-19, au secours, les marchands de peurs reviennent !


Dans un article récent, j’avais indiqué « Pendant l'épidémie de COVID-19, au secours, l'agribashing revient ! », mais voici aussi, via deux tribunes publiées dans Libération, que les ‘marchands de peurs’ sont aussi présents ...
L’après-confinement doit s’opérer intelligemment en tenant compte de la résilience des territoires: fertilité des sols, respect de la biodiversité, exclusion des intrants chimiques... à l’exemple de l’agriculture biologique.

On a oublié le sulfate de cuivre comme pesticides, comme intrant chimique, dans le bio, mais, ça alors, comment vont-ils faire dans le bio ?

On apprendra par cette tribune que des signataires de cette tribune sont des 'paysans bio', moi qui pensait, sans doute à tort, qu’être paysan tout cours était à lui tout seul un beau métier ...
Historiquement, les grandes tragédies telles que la pandémie actuelle ont souvent apporté des changements importants. Alors des scientifiques cherchent à comprendre, la consommation d’animaux semble bien être en cause.

Vous lirez cela tranquillement, mais, là on rentre dans une tribune ‘matraquage’ avec un amalgame pseudo-scientifique ayant comme corollaire la consommation d’animaux.

Mais les signataires qui osent tout, se comparent à Semmelweis et vous incitent à changer de « trajectoire », parce que comme Semmelweis, ils sont persuadés d'avoir raison, mais finiront-ils comme Semmelweis, l'article ne le dit pas, dommage ...

Le meilleur vient sans doute de cette aimable invitation à changer d’alimentation, « Devant les innovations alimentaires, laits végétaux et autres steaks végétaux, qui nous permettraient de conserver nos habitudes culinaires et gustatives, nous faisons la fine bouche et imaginons toutes sortes de raisons de poursuivre sur notre lancée sans rien changer. »

Ben oui, pourquoi bouder, mais sans faire la fine bouche, je préfère une bonne entrecôte à un steak végétarien aux multiples composés ...

Complément du 4 avril 2020. Le blog Alerte Environnement rapporte cette image ci-dessous que je partage sans modération ...

La première étape consiste à réaliser qu’au-delà du phénomène d’agribashing, désormais reconnu de façon presque unanime, l’agriculture subit une véritable guerre de sape, qui vise à détruire notre modèle agricole. Et s’il est indispensable de construire un dialogue avec les consommateurs, il reste tout aussi nécessaire de neutraliser ces attaques répétées.
Ensuite, comme le révèle la crise du coronavirus, qui touche désormais le monde entier, le rôle incontournable de notre production alimentaire doit être pris au sérieux. Le président Emmanuel Macron a eu parfaitement raison de marteler, lors de son discours à la nation du 12 mars, que « déléguer notre alimentation est une folie ! ». L’indépendance de la France et de l’Europe exige que l’agriculture soit à nouveau considérée comme un secteur hautement stratégique, dont l’objectif est de nourrir tous les Français, et tous les Européens. Il s’agit donc, pour l’État comme pour les acteurs du monde agricole, de définir une véritable stratégie pour remettre du dynamisme dans nos filières, et pour laisser s’exprimer leurs potentiels. Dans le but, d’abord, de reconquérir les marchés français abandonnés au profit des importations, faute de compétitivité. Mais aussi pour consolider et promouvoir nos filières qui exportent.

jeudi 2 janvier 2020

Choses lues : Les vœux 2020 de L’agri aux "politiques"

Je relaie bien volontiers cet édito de Jean-Paul Pelras sur l'agri, le journal qui le dit, tous les jeudis. Actu agricole & rurale de l'Aude et des Pyrénées-Orientales ...
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mardi 31 décembre 2019

Aux racines du malaise paysan


Bien évidemment, il ne sera pas question du malaise paysan ou d’agribashing au menu des vœux du Président de la République ce soir à la télévision, ce n’est pas un scoop de vous le dire, mais raison de plus pour en parler encore et encore … car je ne vois de sujet plus important pour l'identité de notre pays !

Voici donc « Aux racines du malaise paysan », un article paru sur le site agri-mutuel du 31 décembre 2019 et je suis très heureux de le diffuser en intégralité en cette fin d’année.


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Bousculés sur les marchés mondiaux, questionnés dans leurs pratiques par la société, les agriculteurs français vivent un malaise grandissant, qu'ils ont exprimé à plusieurs reprises cette année et dont l'« agribashing » n'est que la partie émergée.

Deux chiffres traduisent le recul du monde paysan : alors que les agriculteurs représentaient quelque 30 % de la population active au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la ferme France, fragilisée par les crises successives, pèse aujourd’hui moins de 3 % des actifs.

L’agriculteur « a été pendant très longtemps célébré, il a été reconnu, à un moment donné, un peu comme le symbole de la nation française en train de se moderniser. La France était avant tout un pays de paysans. Les agriculteurs ont en mémoire cette histoire-là », souligne François Purseigle, sociologue du monde agricole.

90 % des ruraux ne sont pas paysans
Plus cuisant encore, les paysans, longtemps fiers de nourrir un pays qui se targue de gastronomie, sont devenus une minorité jusque dans les campagnes : « l’essentiel des gens habitent autour des métropoles voire assez loin, donc 90 % des ruraux ne sont pas paysans. Du coup, il y a des problèmes de cohabitation entre des personnes qui n’ont pas du tout le même imaginaire. Il y a une concurrence d’usage du territoire », explique Jean Viard, directeur de recherche associé Sciences Po-CNRS.

« On a toujours été un peu en décalage, avec un rythme de vie différent (…) mais depuis quelques années, on vit un isolement, on vit cette frustration à côté des gens avec qui on habite, avec qui on va à l’école. On est devenu des gens limite fréquentables, des empoisonneurs », témoigne Olivier Coupery, agriculteur en polyculture élevage, et éleveur de chevaux, à Montfort-L’Amaury (Yvelines).

Alors que les associations antispécistes n’ont de cesse de dénoncer les mauvais traitements sur les animaux d’élevage, Olivier Coupery qui est visé par une pétition de riverains, aimerait, dans une forme de boutade, « qu’on prenne en compte le bien-être de l’agriculteur, le bien-être de l’éleveur ». Conséquences d’une arrivée des néo-ruraux : les demandes de faire taire Maurice le coq sur l’île d’Oléron, ou de déplacer les vaches et leur fumier trop odorant dans le Cantal.

Dénigrement systématique
Ces injonctions, qui se sont multipliées devant les tribunaux, ne sont cependant que les manifestations les plus folkloriques d’un phénomène dénoncé par la FNSEA : l’« agribashing » ou le dénigrement systématique des pratiques agricoles. La révolte du monde paysan contre cette mise à l’index a mené des centaines d’agriculteurs à manifester en tracteur sur les routes ces derniers mois, jusqu’au blocage du périphérique parisien le 27 novembre. Sont qualifiés d’agribashing autant les intrusions de militants anti-viande dans les élevages (« 71 actes délictueux » depuis le début de l’année selon le gouvernement) que la remise en question de l’utilisation des produits phytosanitaires.

Pour lutter contre les intrusions, la gendarmerie a créé fin 2019 la cellule spécialisée Demeter. Mais face à la demande d’une meilleure régulation des produits phytosanitaires, le gouvernement a lancé une concertation sur les zones de non traitement (ZNT) où toute pulvérisation est interdite, et a finalement annoncé fin décembre sa décision sur la distance d’épandage des pesticides par rapport aux habitations.

La montée en puissance des question environnementales dans la société n’est pas circonscrite à la France : en Allemagne, des milliers d’agriculteurs ont manifesté le 22 octobre contre les réglementations du gouvernement en matière de climat et de réforme agricole, qui menacent selon eux l’existence de leur activité. Trois semaines plus tôt, les paysans néerlandais avaient provoqué 1 000 kilomètres d’embouteillages, estimant être devenus les boucs émissaires de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les normes toujours plus drastiques, des produits d’importation toujours plus nombreux
« Les néo-ruraux sont venus dans les conseils municipaux et ont amené un regard plus critique que constructif », témoigne Jérôme Régnault, co-fondateur du numéro vert « Ici la terre », ligne ouverte pour retisser des liens en répondant aux questions du grand public.

Mais, « ce serait un tort de réduire les symptômes de la crise agricole à la question de l’agribashing. Ce qui est sûr, c’est qu’un certain nombre de controverses portées notamment par des groupes sociaux ou une partie de la société peut venir renforcer des crises à la fois économiques et morales », souligne François Purseigle. « On a des agriculteurs qui doivent s’adapter à la concurrence mondiale et donc être super-productifs, ce qui est moins bien accepté par la société ; ça a créé une première zone de tension. Ce qui rajoute une touche de tension, c’est le changement climatique : la société française et une partie des citoyens sont de plus en plus conscients qu’il y a des enjeux de changements climatiques majeurs et que l’agriculture a une part de responsabilité », souligne Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie des entreprises à l’Université de Clermont-Ferrand.

Sommés de monter en gamme et de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires lors des états généraux de l’alimentation, les agriculteurs ont très mal vécu ce qu’ils considèrent comme un double discours du gouvernement, qui dans le même temps invite des pays moins regardants en termes sanitaires et environnementaux à inonder de leurs produits moins chers les étals français, y compris en bio.

Si l’accord de libre-échange UE-Mercosur semble pour l’heure enterré en France, le Ceta, accord de libre-échange avec le Canada, d’ores et déjà expérimenté et en discussion au Parlement, a également été un motif de grogne ces derniers mois, d’autant que les produits français sont déjà malmenés sur des marchés mondialisés.

Comme le rappelait en juin l’économiste Philippe Chalmin, depuis la fin des quotas européens qui garantissaient un prix stable aux producteurs, « nous sommes dans un monde agricole de plus en plus marqué au coin de l’instabilité des prix et des marchés. Les prix agricoles dépendent peu, presque pas du tout, des prix payés par le consommateur », mais plutôt des cours non seulement nationaux et européens, « mais de plus en plus internationaux ». En d’autres termes, c’est la coopérative néo-zélandaise Fonterra qui fait la pluie et le beau temps sur les prix mondiaux du lait, et l’influence des achats de porcs des Chinois se fait sentir jusqu’au marché de Plérin en Bretagne.

22,1 % des agriculteurs  sous le seuil de pauvreté en 2016
Cette volatilité des cours, alliée aux aléas climatiques, a laissé sur le carreau plus d’un exploitant agricole, malgré une tentative de rééquilibrage des prix sur le marché intérieur avec la loi Alimentation qui n’a eu guère d’effet pour l’instant sur le revenu des agriculteurs.

Selon une étude de l’Insee, 22,1 % d’agriculteurs se trouvaient sous le seuil de pauvreté en 2016, ce qui en fait la profession la plus exposée. L’institut note également que 19,5 % des agriculteurs n’ont eu aucun revenu, voire ont été déficitaires, en 2017. « Les agriculteurs sont encore en phase de mutation avec un double mouvement à l’intérieur : vous avez le développement d’une agriculture bio et de proximité, qui représente déjà au moins 20 % des exploitations, et celui des grosses exploitations qui peuvent investir dans les terres et la technologie ». Et il reste les agriculteurs « formés à la chimie et à la mécanique » qui ont 35 à 60 ans et « ont des problèmes pour investir dans la transformation de leur modèle », détaille Jean Viard.

Dans ce contexte, « un regard accusateur, qui peut devenir agressif, ça peut être la goutte d’eau qui fait qu’on commet l’irréparable. Le fait que ça puisse amener un collègue au suicide, on le vit très, très mal », déclare à l’AFP Jérôme Régnault, céréalier et apiculteur dans les Yvelines.

Il y a eu 372 suicides de paysans en 2015 contre 150 cas en moyenne par an entre 2007 et 2011, selon les statistiques les plus récentes de la sécurité sociale agricole, la MSA.

Ce climat mortifère a été porté sur la place publique par le film « Au nom de la terre » où Guillaume Canet incarne un agriculteur poussé au suicide. Le film a été un succès public et tutoyait début décembre les 2 millions d’entrées après 11 semaines d’exploitation.

Le documentaire, plus confidentiel, de Sophie Loridon « Lucie après moi le déluge », témoignant de la rude existence dans une petite exploitation ardéchoise au long du XXe siècle, a pour sa part engrangé 15 000 entrées en 2019. Après le multi-césarisé « Petit paysan », ces succès montrent que les Français se sentent encore concernés par la question agricole. « Il y a quand même derrière la question des controverses qui entourent l’agriculture un intérêt profond pour la question agricole (…). Aujourd’hui encore, peut-être même plus qu’hier, bon nombre de Français se pressent dans des salons agricoles et sont attentifs et attachés à cette profession », selon François Purseigle.

Complément du 11 janvier 2020. On lira sur Alerte Environnement, Notre agriculture est vertueuse mais elle va mourir ...