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mercredi 10 juillet 2019

Les maladies infectieuses d’origine alimentaire sont désormais sous le regard de Santé publique de France

Une note de service de la DGAL, DGAL/MUS/2019-87 du 01-02-2019, traite de la « Publication du bilan et des statistiques des toxi-infections alimentaires collectives et des cas humains pour l'année 2017 ».
Ce bilan annuel des TIAC et cas humains permet une description statistique relative aux déclarations, aux pathogènes, aux aliments suspectés et aux investigations réalisées au cours de l'année 2017.

Ce bilan annuel des TIAC est en fait « Un bilan épidémiologique concernant les TIAC est publié annuellement par Santé Publique France (SPF). Ce bilan est établi en compilant les données émanant des DD(CS)PP (transmission d’un tableau de bord extrait de SIGAL, portail d'authentification du ministère en charge de l'agriculture ) avec celles émanant des ARS (agences régionales de santé). Le bilan 2016 est consultable sur le site de SPF ».

Le blog avait publié un article sur le bilan 2017 des TIAC par SPF ici. On pourra sans doute se demander pourquoi il n'y a pas eu qu'un seul rapport ... Le seul fait de se poser la question, c'est avoir des nuits blanches, des migraines, des nervous breakdown, comme on dit de nos jours.

Qu'y a-t-il donc de nouveau car cette note de service signée par le directeur général de la DGAL est une curiosité car traditionnellement et rituellement, SPF diffuse le bilan avec plus ou moins de retard avec selon les années ...
En 2017, 1208 TIAC ont été déclarées (certaines TIAC peuvent correspondre à un repas pris en 2016). On note une légère diminution entre 2016 et 2017. Le nombre de malades, lui, a augmenté, passant de 13997 en 2016 à 14269 en 2017. Cette augmentation du nombre de malades est lié à l'augmentation du nombre de cas moyen par TIAC déclarée.
La principale origine des TIAC reste la restauration commerciale (39% en 2016, 40% en 2017), suivie par la restauration collective à caractère social (30% en 2016, 34% en 2017). La part de la restauration familiale est relativement stable: 25% en 2016, 21% en 2017.

On voit donc où doivent se situer les enjeux et le manque cruel de contrôles en restauration commerciale voir à ce sujet .le rapport 2019 de la Cour des comptes qui souligne qu'une entreprise de restauration est en moyenne contrôlé tous les15 ans par les services de l'Etat.

Que peut faire dans ces conditions le dispositif Alim'confiance, mal foutu dès le départ, et qui de plus ne fonctionne que sur un pied, la DGCCRF n'ayant pas encore adopté le dispositif. Les TIAC vont continuer à bien se porter contrairement à ce qui se passe à New York !

Une éclaircie tout de même car « La diminution observée du nombre global de TIAC est principalement expliquée par la diminution du nombre de TIAC déclarées en restauration commerciale (480 en 2017 contre 592 en 2016) et en milieu familial (258 en 2017 et 465 en 2016) ; par contre, le nombre est relativement stable en restauration collective (406 en 2017 contre 393 en 2016). »

On découvre aussi la difficulté de détecter un agent pathogène,
Un agent pathogène a pu être confirmé microbiologiquement dans l'aliment incriminé ou chez au moins une personne malade dans 229 TIAC alors qu'un agent a été suspecté dans 444 TIAC ; pour 364 TIAC, aucun agent n'a pu être identifié ou suspecté. Plus le délai de déclaration (délai entre la date de survenue des premiers symptômes et la déclaration) est court, plus on a de chance de retrouver l'aliment et l'agent en cause. Les délais de déclaration vont de 1 jour à plus de 2 semaines, le délai médian étant de 3 jours.

171 TIAC n'ont pas été retenues (?), étrange …
Dans 22 % des TIAC (c'est-à-dire dans 229 TIAC) où un agent pathogène a été suspecté ou confirmé, les aliments suspectés sont des aliments composés ou des plats cuisinés. Les viandes autres que volailles et les produits de charcuterie sont suspectés dans 16 % des cas puis viennent les poissons, les viandes de volailles et les végétaux. Aucun aliment n'a pu être suspecté dans 11,5 % des TIAC.
Par ailleurs,
Les TIAC à Salmonella ont été majoritairement associées à la consommation d’œufs ou de produits d’œufs et de viandes. Pour les TIAC à Staphylococcus aureus, Bacillus cereus et Clostridium perfringens, la consommation de plats cuisinés est le plus souvent suspectée. Enfin, les TIAC à virus entérique sont le plus souvent associées à la consommation de coquillages et de végétaux.

La note de service revient sur des dossiers marquants de l'année 2017 :

1- Intoxications alimentaires liées à la consommation de thon
Pas d'information du consommateur à ce sujet de la part du ministère de l'agriculture, pourtant « Entre avril et juillet 2017, 26 toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) liées à la présence d'histamine dans du thon ont été déclarées en France et ont concerné 189 malades. Ces chiffres ont dépassé en quelques mois ceux de toute l'année 2016 (25 TIAC, 100 malades). Une enquête complexe a été conduite pour expliquer d'où provenait cette contamination. »

2- Augmentation anormale du nombre de malades liés à Salmonella Eastbourne
Là aussi, pas d'information du consommateur à ce sujet de la part du ministère de l'agriculture, pourtant « Entre août et décembre 2017, 36 cas humains de salmonellose impliquant le sérotype Eastbourne ont été identifiés par le CNR. »
L'interrogation des cartes de fidélité (des patients) a permis d'identifier que la plupart des malades avaient consommé du camembert. Plusieurs établissements producteurs étaient cités, l'un d'entre eux plus fréquemment.

Le lecteur intéressé lira les détails de ces enquêtes.

En conclusion, il est rappelé que « Ce bilan n'est toutefois pas exhaustif, dans la mesure où les TIAC restent encore sous-déclarées. »
Le nombre élevé de TIAC familiales (21% des TIAC, et probablement la catégorie la plus sous-déclarée) rappelle l'importance de l'information du consommateur sur les règles d'hygiène de base ainsi que sur les risques de certains aliments vis-à-vis de populations sensibles.

Enfin un aveu d'impuissance,
Salmonella reste un agent particulièrement préoccupant, suspecté dans plus de 10% des TIAC. Ce chiffre est à rapprocher des plus de 200 alertes « produits » pour présence de Salmonella enregistrées par la Mission des Urgences Saniataires en 2017. Les efforts sont donc à poursuivre sur ce pathogène, et ce sur l'ensemble de la chaîne alimentaire.

Bref, comme indiqué précédemment, y'a encore beaucoup de boulot !

jeudi 27 juin 2019

Investigation d’une épidémie de gastro-entérites aiguës d’origine hydrique en mars 2016 en Isère


Je reproduis ci-après la conclusion de la remarquable et passionnante investigation qui relate un certain nombre d’actions correctives à la suite d’une importante épidémie localisée de gastro-entérites aiguës virales d’origine hydrique. C'est à lire ... et bravo l'InVS!
Cette épidémie dont l’alerte à l’ARS a été tardive a fortement marqué les habitants des deux communes du fait de son ampleur, de sa sévérité et de la situation de crise qu’elle a générée.


Cet événement pourra permettre d’appuyer les actions de sensibilisation des parties prenantes (exploitants, professionnels de santé, gestionnaires de collectivité) au signalement telles que préconisées dans le guide d’investigation des épidémies liées à l’ingestion d’eau de distribution. 
Les résultats des enquêtes épidémiologiques, microbiologiques et environnementales viennent confirmer l’origine hydrique de l’épidémie de gastro-entérites aiguës survenue en mars 2016 à Vif et Le Gua. L’étude épidémiologique complétée par l'enquête auprès des données de l'assurance maladie a permis d’apprécier son ampleur et son impact sanitaire sur la population de Vif et Le Gua. 


Au total, il est estimé que 26% de la population de Vif et Le Gua ont été touchés soit environ 2600 cas de GEA dont 35% d’enfants. 


L'épidémie d'ampleur de mars 2016 a donc été causée par l'ingestion d'une eau non désinfectée contenant des virus entériques pathogènes d'origine humaine. L’enquête a montré un défaut de surveillance des installations de traitement et de la teneur en désinfectant dans l'eau distribuée associés à une ressource en eau très vulnérable et dont le bassin d’alimentation était insuffisamment connu. En particulier, le rejet de la station d’épuration des eaux usées d’un hameau participait à alimenter la ressource en eau. Ce point de rejet a été depuis déplacé. 


Une inspection menée par l’ARS a montré que depuis l'épisode épidémique, l'exploitant des installations a considérablement amélioré son système de surveillance et de gestion des installations de production et de distribution d'eau, permettant de garantir la distribution d'une eau de qualité microbiologique conforme. 


Compte-tenu de la vulnérabilité importante des captages de l’Echaillon et de la forte attente de la population, la communauté d’agglomération de Grenoble a décidé de rechercher une autre ressource en eau malgré les coûts importants associés. Un forage a été créé dans la nappe alluviale du Drac au niveau de la réserve naturelle régionale des Îsles sur la commune de Vif. Sa mise en service progressive en 2018 a permis de remplacer totalement les captages de l’Echaillon qui sont toutefois conservés comme ressource de secours. 
Concernant les virus entériques, il est noté
Le typage des virus effectué après séquençage par le CNR a montré que les souches de rotavirus étaient de type G1P(8) et celles de norovirus étaient de type GII-17. Les souches étaient par ailleurs toutes identiques, confirmant une source d'exposition commune.


Ces analyses ont montré pour un certain nombre de patients une co-contamination par deux virus entériques (rotavirus, norovirus) voire une contamination par 3 virus pour une coproculture (rotavirus, norovirus et sapovirus). 
Le réservoir de ces souches de norovirus et de rotavirus est strictement humain excluant l’hypothèse d’une contamination d’origine animale.
Référence.
Yvon JM, Vincent N, Bourrin S. Investigation d’une épidémie de gastro-entérites aiguës d’origine hydrique à Vif-Le Gua, Isère, mars 2016. Saint-Maurice : Santé publique France, 2019. 59 p.

NB : La photo est issu de ce site d'information.

mardi 11 juin 2019

Quand une épidémie de gastro-entérite virale devient une épidémie d'intoxication alimentaire à Cryptosporidium parvum


Voici une affaire de sécurité sanitaire intéressante …

Si parmi les titres de certains sites publiés à l'époque, on ne devait en retenir qu'un ce serait celui de France bleu du 30 novembre 2017 :
Saint-Philbert-de-Grand-Lieu : c'est une gastro et pas la cantine qui a rendu malades les collégiens.
C'est une gastro-entérite qui a causé 166 absences la semaine dernière au collège de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu près de Nantes. L'enquête menée par l'Agence régionale de santé écarte l'intoxication alimentaire

On lira, si l'envie vous en prend, d'autres faits similaires rapportés ici et ici.

La réalité des faits est désormais connue avec la publication au BEH de juin 2019*, il ya bien eu une épidémie d'intoxication alimentaire et plus précisément une épidémie de cryptosporidiose dans un collège de l’ouest de la France, en novembre 2017 …

Résumé.
Introduction. Le jeudi 23 novembre 2017, une épidémie de gastro-entérite était signalée dans un collège de Loire-Atlantique, avec plus de 150 malades. Diverses investigations épidémiologiques, microbiologiques et environnementales ont été conduites.

Méthode. Une étude de cohorte rétrospective des élèves et adultes du collège a été réalisée par un questionnaire mis en ligne le lendemain sur le site internet du collège. Des prélèvements de selles ont fait l’objet de recherches successives de bactéries, virus et parasites. Des échantillons environnementaux ont été prélevés pour analyses.

Résultats. Le taux d’attaque était de 61% (180/293), avec un gradient d’âge allant de 75% chez les 6e à 45% chez les adultes. Un pic de 75 cas a été enregistré le 22 novembre. Les consommations d’eau du réseau de distribution n’étaient pas associées à la survenue de la maladie ; le fait d’être demi-pensionnaire y était associé (risque relatif, RR=1,6 [1,1-2,3]). Suite aux analyses bactériologiques et virologiques négatives (15 prélèvements), l’utilisation d’une méthode de détection par PCR de 22 agents pathogènes révélait la présence du parasite Cryptosporidium parvum IIaA15G2R1.

Parmi les aliments servis six jours avant (durée d’incubation) à tous les demi-pensionnaires, figurait du fromage blanc biologique au lait non pasteurisé. Le génotype hypertransmissible C. parvum IIaA15G2R1, considéré comme zoonotique, a été retrouvé dans des échantillons de fèces de veaux à proximité du laboratoire de fabrication de fromages.

Discussion. La cryptosporidiose humaine apparaît largement sous-diagnostiquée en France. Les prescriptions de routine pour le diagnostic biologique de diarrhées persistantes devraient être améliorées en spécifiant une recherche parasitologique (dont cryptosporidies).
Les auteurs indiquent que « L’enquête a été réalisée sous l’hypothèse initiale d’une contamination à norovirus (durée d’incubation de 1 à 2 jours) et a recherché une exposition autour des deux jours d’école des lundi 20 et mardi 21 novembre 2017. »
Quinze prélèvements de selles ont fait l’objet de recherches biologiques de 1re puis de 2e intention : aucun agent bactérien ou viral n’a été identifié. Les recherches d’autres agents pathogènes sur deux prélèvements pris au hasard ont révélé la présence du parasite Cryptosporidium sp. L’ensemble des prélèvements a alors été soumis à une recherche spécifique de Cryptosporidium sp.: 12 étaient positifs à l’espèce C. parvum.
L’identification de C. parvum a été tardive du fait de l’absence de recherche en routine de parasites face à un cas de gastro-entérite. De plus, lorsqu’un examen parasitologique est spécifiquement prescrit, les recherches en routine par les laboratoires d’analyse de biologie médicale ne couvrent pas Cryptosporidium. L’utilisation d’une méthode moléculaire de détection de 22 agents pathogènes gastro-intestinaux a permis de détecter C. parvum et de réorienter les investigations vers la recherche d’une exposition à risque 6-7 jours avant le pic épidémique.
Parmi les aliments servis au cours de la période ciblée, figurait du fromage blanc au lait cru servi six jours avant le pic épidémique brutal, denrée représentant un risque potentiel pour les cryptosporidioses. Des oocystes de C. parvum ont été retrouvés dans des fèces de veaux en élevage à proximité du laboratoire de production (échantillons prélevés deux mois après l’épisode). Comme ceux retrouvés chez les malades, ils étaient de génotype IIaA15G2R1, qualifié d’hypertransmissible. La charge parasitaire était modérée pour des veaux, mais suffisante pour une contamination durable de l’environnement, les oocystes survivant plusieurs mois en conditions fraîches et humides.
Cet épisode soulève plusieurs pistes d’améliorations :
  • la cryptosporidiose apparait largement sous-diagnostiquée en population générale en France. Les prescriptions de routine pour le diagnostic biologique de diarrhées persistantes doivent être améliorées en spécifiant une recherche parasitologique incluant Cryptosporidium; 
  • l’investigation des toxi-infections alimentaires collectives repose sur la formulation d’hypothèses à vérifier s’appuyant sur les signes cliniques et une période plausible d’exposition à un aliment contaminé. Dans l’algorithme utilisé, la combinaison d’une prédominance de diarrhées sans fièvre avec étalement des débuts des signes sur plus de quatre jours devrait être ajoutée pour suggérer l’hypothèse d’une infection à Cryptosporidium et adapter la recherche d’expositions; 
  • la mise au pré précoce des veaux après leur naissance est une mesure visant à réduire les problèmes récurrents de diarrhée des veaux, mais elle ne supprime pas totalement le risque de contamination de l’environnement par excrétion d’oocystes. L’épisode rappelle que la fabrication de produits laitiers doit faire l’objet d’attentions d’hygiène particulières, notamment en milieu agricole.

On savait que les TIAC était sous-estimées, on sait désormais qu'il en est de même pour les cas d'infection à Cryptosporidium ...

samedi 13 avril 2019

L'ECDC propose de nouvelles lignes directrices à propos de la transmission du virus Zika



« L'ECDC propose de nouvelles lignes directrices à propos de la transmission du virus Zika », source CIDRAP News du 11 avril 2019.
Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a publié une nouvelle évaluation des risques liés au virus Zika, concluant que, bien que la transmission ait ralenti dans les Amériques, le virus est répandu en Asie.


L’évaluation visait en partie à mettre à jour les directives de voyage des Européens se rendant dans un pays où le Zika est endémique ou où une épidémie s’est déclarée.


Selon l’ECDC, tous les voyageurs devraient prendre des précautions et, lors de leur retour en Europe, « ils devraient s'abstenir d’avoir des relations sexuelles ou utiliser correctement et systématiquement des préservatifs et d'autres méthodes barrières pour les relations sexuelles vaginales, anales ou orales pendant trois mois, si le voyageur qui rentre est un homme, pendant une durée de deux mois, si le voyageur qui revient est une femme et pour toute la durée de la grossesse, si la partenaire de l'Union européenne/EEE [Union européenne/Espace économique européen] est enceinte. »


Depuis 2015, les autorités ont signalé 2 398 cas de Zika associés à un voyage dans l'UE, dont 48% en France. Deux de ces cas ont entraîné la naissance d'un nourrisson avec une microcéphalie, la complication la plus grave associée à l'infection à Zika. La grande majorité des cas associés aux voyages ont été enregistrés en 2016 (2 059), contre 3 à ce jour en 2019. 
NB : On lira aussi « Points sur les connaissances » et plus généralement le dossier Zika sur le site de l’InVS.