La Cour des comptes publie le 5 février 2019 un volet de son rapport
public annuel 2019 sur le « Contrôle
de la sécurité sanitaire de l’alimentation : des progrès à
consolider ».
Le
titre est assez doux, on ne tire pas sur une ambulance, mais le
contenu est tout aussi précis et méthodique dans les reproches
formulés.
Tout
cela part d'« un premier contrôle, en 2013, de la politique
de sécurité sanitaire de l’alimentation, qui l’avait amenée à
formuler cinq recommandations à son rapport public annuel de 2014,
la Cour s’est penchée, en 2018, sur les suites qui leur ont été
données. »
Le
blog en avait parlé dans Le
ministère de l’agriculture remplit imparfaitement sa mission de
contrôle de la sécurité et de l’hygiène des aliments et
Sécurité
sanitaire des aliments : Le bilan globalement positif de Stéphane L
F …
L'année
2014 a été une mauvaise année pour les ministères chargées de la
sécurité sanitaire des aliments.
En
décembre 2014 est paru un autre rapport
remis
lundi 8 décembre 2014 au ministre en charge de l’alimentation,
Stéphane Le Foll, qui dresse un portrait très critique de la
politique française de sécurité sanitaire des aliments. Il pointe
notamment l’impressionnante baisse des contrôles au cours des
dernières années.
Entre
autres recommandations, les deux rapporteurs, Marion Guillou et
Christian Babusiaux, proposent, « par
une information accrue du public et des garanties de transparence, de
travailler à restaurer la confiance du public, aussi bien dans la
parole publique que dans les opérateurs ».
Source Journal
de l'environnement.
La
Cour relève que des progrès ont été réalisés dans la
programmation, le ciblage et les suites données aux inspections (I),
mais que des faiblesses persistent dans la chaîne de contrôle (II)
et que la gouvernance de cette politique publique doit être
clarifiée et son financement optimisé (III).
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Ci-dessus, les cinq recommandations du précédent rapport, vous lirez en fin d'article les cinq nouvelles recommandations ...
Ainsi, il est noté dans rapport 2019, « Des progrès dans la programmation, le
ciblage et les suites données aux inspections », c'est
maigre ...
De
même, il est indiqué,
Chaque année, les plans de contrôle et de surveillance élaborés et mis en œuvre par la DGAL comprennent ainsi un important volet consacré à la surveillance, qui permet d’obtenir une estimation de la contamination dans une production définie (comme par exemple de la contamination des fromages au lait cru par la bactérie Listeria monocytogenes) et, ce faisant, d’évaluer le niveau d’exposition potentielle du consommateur à ce danger.
Le
petit souci est que le dernier plan de surveillance et de contrôle
qui s'est intéressé à Listeria monocytogenes dans les
fromages au lait cru date de 2016.
Dans
un paragraphe, « Des contrôles globalement mieux ciblés »,
on découvre (on s'en doutait),
Les contrôles réalisés par la DGCCRF aux différents stades de la production et de la commercialisation des aliments relevant de ses attributions ont baissé sur l’ensemble de la période 2013-2017. La diminution la plus sensible du nombre d’inspections effectuées par cette administration concerne les établissements de distribution et de restauration (-20 % entre 2013 et 2017), ce qui porte le taux de couverture dans ce secteur à un niveau extrêmement bas (4 % en 2017). Dans le même temps, la proportion d’entreprises contrôlées présentant des anomalies a augmenté dans presque tous les secteurs inspectés par les services de la DGCCRF (le taux moyen d’anomalies est ainsi passé de 42 à 49 % entre 2013 et 2017).
Pour
la DGAL, il est noté, « cette administration a maintenu le
nombre de contrôles effectués par ses services depuis 2015 ainsi
que le taux d’anomalies constatées, qui atteint 41 % en 2016 et
2017. ».
Le
souci principal est que réside dans le fait que les inspection en
sécurité des aliments sont en baisse constante depuis 2012, selon
les chiffres mêmes de la DGAL, voir ici et ici.
Dans
« Une
politique de suites mieux encadrée »,
on apprend que la récréation est finie,
En 2015, la DGAL a révisé et renforcé sa politique de suites pour s’assurer de leur mise en œuvre harmonisée par l’ensemble des services. Ainsi, entre 2013 et 2017, le nombre de suites données aux contrôles réalisés par les services de la DGAL a augmenté, toutes catégories confondues. Les avertissements adressés aux opérateurs contrôlés ont crû (+67 %), en partie du fait d’un durcissement de la politique de suites de la DGAL. Désormais, un avertissement est systématiquement adressé aux entreprises ayant un niveau de maîtrise des risques seulement « acceptable » (noté B sur une échelle allant de A à D). De même, le nombre de suites contraignantes mises en œuvre depuis ce renforcement a augmenté de 37 %.
Concernant
le volet des autocontrôles,
« la transmission obligatoire à l’administration de résultats d’analyses non conformes, révélés par des autocontrôles, revêt une importance capitale. Elle permet en effet aux services de l’État de contrôler rapidement les mesures prises par l’entreprise pour remédier aux anomalies détectées. »
Rien
n'a bougé depuis 2014 selon la Cour des comptes, « Quatre
ans plus tard, aucune des mesures nécessaires à la mise en œuvre
de cette obligation n’avait été prise. »
Pour
revenir aux contrôles dont la Cour des comptes estimait qu'ils
étaient « globalement
mieux ciblés »,
Ces moyens humains ne permettent pas de couvrir, par un contrôle de premier niveau, une part significative des établissements de certains secteurs. Tel est le cas de la remise directe au consommateur, secteur où les établissements sont nombreux et dispersés. En 2017, le taux de couverture de ce secteur d’activité atteint par les services de contrôle atteignait 9 % pour la DGAL et 4 % pour la DGCCRF. Au titre de la sécurité sanitaire de l’alimentation, un établissement de restauration est donc contrôlé en moyenne tous les quinze ans par les services de l’État.
Le
volet bouteille à l'encre des « Des mesures
de retrait et de rappel dont l’effectivité doit être assurée »
il est noté qu'« Il est donc indispensable d’améliorer
l’exécution des mesures de retrait et de rappel de produits
alimentaires dangereux. ».
D'accord
mais comment fait-on ?
La
Cour des compte estime que le dispositif Alim'confiance
est un dispositif fournissant « Une publicité
à donner à l’ensemble des résultats des contrôles ».
Comme
la DGAL est la seule administration à y participer, cela ne
fonctionne pas, d'où la colère de la Cour des comptes,
Quelle qu’en soit la justification, cette situation est anormale : le décret vise tous les contrôles rendus obligatoires par la réglementation européenne, sans distinction entre les administrations chargées d’effectuer les vérifications, qui sont donc toutes tenues de l’appliquer.
De
la critique du modèle sanitaire français,
Le modèle français, qui sépare, au stade de la mise sur le marché, le pilotage de la sécurité sanitaire des aliments d’origine animale (DGAL) de celle des aliments d’origine végétale (DGCCRF), tout en confiant la qualité des eaux à une troisième administration (DGS), constitue une originalité en Europe.
Devant
la complexité du sujet, la Cour des comptes préfère botter en
touche,
À ce stade, il est pour le moins indispensable de clarifier la gouvernance, en désignant un chef de file de l’ensemble du dispositif.
Sur
la rationalisation des réseaux de laboratoires, la Cour des comptes
rappelle qu'une mutualisation est indispensable entre les différentes
administrations … oui quand cela aura-t-il lieu ?
Sur
la question du budget, trois administrations y concourent, le
ministère de l'agriculture, la DGGCRF et la mission Santé dont la
Cour des comptes indique que « la Direction
générale de la santé n’étant pas en mesure d’en chiffrer le
montant, en tout état de cause limité. »
De
même, selon un rapport
du Sénat, « : il n’existe pas à l’heure actuelle
de document de politique transversale permettant de regrouper et de
suivre globalement les masses budgétaires qui concourent, en
dépenses et en recettes, à la sécurité sanitaire de
l’alimentation. »
De
même que le modèle français de sécurité sanitaire constitue
une originalité en Europe, « La faible participation des
professionnels au financement des contrôles sanitaires de
l’alimentation : une exception française. »
L'ensemble
de ces constats conduisent à nouveau la Cour à formuler les cinq
recommandations suivantes :
1. (DGAL, DGCCRF) assurer l’effectivité des mesures de retrait et de rappel de denrées alimentaires dangereuses, en ayant en particulier recours au blocage en caisse de celles-ci dans les cas les plus graves ;
2. (DGAL, DGCCRF) publier toutes les mesures de retrait et de rappel de denrées alimentaires dangereuses sur un site internet unique ;
3. (DGAL) établir une analyse de risques spécifique aux établissements bénéficiant d’une dérogation à l’obligation d’agrément prévue par le règlement européen n° 853/2004, et organiser en conséquence la programmation de leur contrôle ;
4. (Pouvoirs publics) désigner un chef de file de l’ensemble du dispositif de contrôle de la sécurité sanitaire de l’alimentation ;
5. (DGAL, DGFiP) faire participer davantage les professionnels au financement des contrôles sanitaires en augmentant le rendement des redevances sanitaires prévues par le code général des impôts.
A
noter que le mot « consommateur » n'est utilisé
dans rapport 2019 de la Cour des comptes que huit fois contre zéro à
transparence et opacité ..., la Cour semble bien bonne ...
On
lira aussi comme exemple patenté de langue de bois les réponses de
la ministre des solidarités et de la santé, du ministre de
l’économie et des finances et du ministre de l’agriculture et de
l’alimentation. Nous en reparlerons dans un prochain article ...
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