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«Glyphosate : Le mensonge institutionnalisé» par Gérard
Kafadaroff, publié par Atlantico
le 3 février 2023
Mis sur le marché en 1974 sous la marque Roundup, le glyphosate a
été loué, plusieurs décennies durant, pour ses qualités
herbicides uniques et son bon profil toxicologique et écotoxique. Il
s’est vite imposé dans le monde comme un désherbant aux multiples
usages pour les agriculteurs et bien au-delà, des jardiniers
amateurs à la SNCF.
Surprise en mars 2015 : le CIRC (Centre international de recherche
sur le cancer) classe le glyphosate «cancérogène probable»,
classement aussitôt contesté par toutes les agences sanitaires
française, européennes et internationales y compris par l’OMS
(Organisation mondiale de la santé), maison-mère du CIRC. Mais pour
les organisations militantes écologistes opposées à l’utilisation
des produits phytopharmaceutiques c’est une opportunité inespérée
pour disqualifier le célèbre désherbant en s’appuyant
exclusivement sur le classement du CIRC.
La viande rouge est aussi classée «cancérogène probable» par le
CIRC mais écolos et responsables politiques feront semblant de
l’ignorer pour se focaliser sur le glyphosate aussitôt catalogué
cancérigène et jeté en pâture à l’opinion publique.
Le CIRC sera accusé de manque de neutralité et de conflits
d’intérêts patents de certains de ses membres, autant de graves
critiques jamais prises en compte par les opposants au glyphosate
ni, plus grave, par les responsables politiques et la plupart des
médias.
Plus grande surprise encore, le 27 novembre 2017, en découvrant le
tweet du Président Macron : «J’ai demandé au gouvernement de
prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du
glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront
été trouvées et au plus tard dans 3 ans».
Une décision irréfléchie et strictement politique prise sous la
pression des écologistes et du ministre d’État et de l’écologie
Nicolas Hulot, sans aucune base scientifique, sans consultation avec
les experts et les professionnels, sans le moindre bilan
risque/bénéfices, sans tenir compte des avis des agences sanitaires
compétentes ou de l’exceptionnel retour d’expérience du
glyphosate.
Pourquoi le Président Macron et ses ministres ont-ils suivi
aveuglément les écologistes anti-glyphosate sans prendre en compte
les avis des experts scientifiques des agences sanitaires créées
par les politiques eux-mêmes pour éclairer leurs décisions ?
Pourquoi n’ont-ils pas voulu voir le succès rencontré par le
glyphosate dans les grands pays agricoles de la planète ? Comment
peuvent-ils s’écarter de toute rationalité et de l’approche
scientifique alors qu’ils revendiquent régulièrement leur foi en
la science ?
Et quelle naïveté d’espérer trouver rapidement des alternatives
au glyphosate !
Cinq ans après l’annonce du Président, aucune alternative au
glyphosate n’a été trouvée, si ce n’est le retour au travail
du sol avec tous les inconvénients agronomiques, économiques et
écologiques bien connus et notamment l’absence de solutions pour
lutter contre les mauvaises herbes vivaces comme le chiendent.
Comment le Président, ses cinq ministres de l’agriculture
successifs et les nombreux conseillers n’ont-ils pas vu que
l’interdiction du glyphosate va à l’encontre de l’objectif
affiché de développer une agriculture à la fois performante et
respectueuse de l’environnement ?
Ainsi en est-il de la technique agronomique dite de « conservation
des sols », basée sur la suppression du travail du sol et sa
couverture végétale en interculture, développée dans plusieurs
pays mais aussi en France par des groupes d’agriculteurs pionniers.
Une technique qui réunit tous les atouts pour en faire la méthode
agroécologique de référence : réduction de charges pour
l’agriculteur, amélioration de la vie biologique et de la
fertilité du sol, réduction de l’érosion, séquestration du
carbone dans le sol, biodiversité stimulée, réduction des
émissions de CO2.
Nécessitant une faible dose de glyphosate pour détruire
l’enherbement avant semis, cette technique d’avenir risque d’être
sacrifiée malgré tout son intérêt agronomique, économique et
écologique ! Une nouvelle aberration politique, rarement dénoncée
y compris par l’INRAE (Institut national de recherche pour
l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).
Loin de la réalité agricole et manquant d’arguments, les
politiques préféreront instaurer un étonnant crédit d’impôt
«sortie du glyphosate» de 2500 euros pour inciter les agriculteurs
à renoncer au glyphosate en 2021 et/ou 2022 !
L’homologation du glyphosate est arrivée à expiration le 15
décembre 2022, mais à la suite de la consultation organisée par
l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) et l’ECHA
(Agence européenne des produits chimiques) qui ont reçu «un nombre
sans précédent de commentaires», leur rapport final est repoussé
en juillet 2023.
Le glyphosate est l’un des produits chimiques qui a été le plus
étudié dans le monde depuis plus d’un demi-siècle. Mais sous la
pression constante des écolos et même de chercheurs militants
auteurs de travaux cherchant à discréditer le glyphosate, les
responsables politiques réclament toujours plus d’études ignorant
celles, très nombreuses, réalisées depuis un quart de siècle en
Europe et dans le monde.
Le 15 juin 2021, le Groupe d’évaluation du glyphosate constitué
par les quatre pays rapporteurs (France, Suède, Pays-Bas, Hongrie) a
remis aux agences d’évaluation européennes un document de 11000
pages, confirmant une nouvelle fois que la «classification du
glyphosate pour cancérogénicité est injustifiée».
Le 30 mai 2022, l’ECHA confirme à son tour que «la
classification en tant que substance cancérogène, mutagène ou
reprotoxique n’est pas justifiée» et rappelle cependant que le
glyphosate est toxique pour la vie aquatique et peut provoquer des
lésions oculaires.
En toute logique, le glyphosate devrait être réautorisé en juillet
2023 dans l’Union européenne, comme c’est le cas dans les grands
pays agricoles du monde, mais les choix politiques européens
prennent de grandes libertés par rapport à l’expertise
scientifique.
Il n’est par rare de voir des décisions qui vont à l’encontre
des objectifs défendus par ces mêmes responsables politiques.
On l’a déjà vu avec l’interdiction en France du maïs
génétiquement modifié résistant à la pyrale et à la sésamie
qui permet de supprimer des traitements insecticides et d’améliorer
la qualité du maïs, une technique couramment utilisée dans le
monde depuis 27 ans.
Dans un autre domaine, l’arrêt prématuré de la centrale
nucléaire de Fessenheim au moment où l’on manque d’électricité
et la relance de la centrale à charbon de Saint-Avold pour maintenir
la production est un autre exemple de l’incurie de nos gouvernants
!
Revenons au glyphosate : son interdiction injustifiée aurait dû
soulever des protestations tout au moins de la part des organisations
scientifiques et agricoles, voire des médias. Cette passivité a de
quoi surprendre. Aucune grande voix ne viendra secouer le
conditionnement de la population ou dénoncer le scandale d’État
qu’est l’interdiction du glyphosate par le chef de l’État !
Une interdiction qui jette un discrédit ou une suspicion sur toutes
les décisions du Président Macron !
Est-ce l’emprise de l’idéologie écologiste, le culte paralysant
du principe de précaution, l’abandon de l’esprit critique, la
paresse intellectuelle, la chimiophobie ambiante ou le regain de
relativisme laissant entendre que toutes les opinions se valent ?
La stupéfiante saga du glyphosate montre à l’évidence la
facilité avec laquelle l’opinion publique peut être manipulée.
Une fois de plus la France et l’Union européenne privent leur
agriculture de techniques et produits innovants la rendant moins
compétitive que celle de ses concurrents étrangers plus ouverts à
l’innovation et plus performants.
En décembre 2022, Marc Fesneau, ministre de l’agriculture
déclarait : «L’agriculture doit se raconter à la société. Mais
raconter une histoire ce n’est pas de décrire la réalité !»
Un aveu inquiétant pour la démocratie qui ne peut vivre que si la
décision publique obéit à l’exigence de vérité !
Gérard Kafadaroff, Ingénieur agronome, auteur de plusieurs
livres sur les biotechnologies, cofondateur de l’AFBV (Association
française des biotechnologies végétales) et du Collectif STA
(Science Technologies Actions).
Science-Technologies-Actions est un Collectif dont le but est de
défendre et promouvoir la Science dans le débat public.