«Lettre à ceux qui nous nourrissent et à ceux qui les pourrissent», par Jean-Paul Pelras publié le 10 avril 2023 dans l’agri.
Parce que je manque de temps et peut être de correction, je réponds assez rarement à ceux qui m’écrivent à propos de ce que je publie, ici ou ailleurs, semaine après semaine. Certains, une petite minorité, ne méritent pas que l’on souscrive à cet exercice chronophage. Tout simplement car, de toute évidence qualifiés pour s’occuper du métier des autres, ils le sont certainement beaucoup moins pour se servir de l’outil qui permet de gagner et de cuire son pain.
Il en est en revanche qui méritent toute mon attention et parfois même mon respect tel ce message qui me fut adressé, ces jours derniers, par un agriculteur Nivernais. Lequel s’étonne de voir « tant de haine et de mépris à l’égard de ceux qui nous nourrissent ». « Souvenez-vous, me dit-il, comme les agriculteurs étaient bien vus à l’époque du Covid. Et puis plus rien. La société ne les remercie plus, elle les méprise, elle les oublie ! »
Et oui, elle les oublie sans s’indigner quand, parce qu’ils ne peuvent plus protéger leurs cultures contre le puceron vecteur de la jaunisse sur betteraves, les cultivateurs doivent abdiquer. La France, jusqu’ici premier pays producteur de sucre européen, risquant de perdre ce marché au profit des Allemands, des Russes, des Etasuniens, des Ukrainiens qui, eux peuvent continuer à traiter.
Idem pour les céréales qui, consécutivement à une décision de l’Anses ne pourront plus été exportées par bateau vers le Maghreb, l’Asie, le Moyen Orient, l’Afrique subsaharienne. La moitié des volumes étant concernés par cette décision qui consiste à ne plus pouvoir traiter les cales.
Autre aberration, l’augmentation du débit réservé en rivière dans les Pyrénées-Orientales. Quand une association environnementale est parvenue à faire retoquer un décret préfectoral pour que les canaux et leur maillage multiséculaire laissent repartir en mer cette eau pourtant si nécessaire sur terre. Résultat des courses, arboriculteurs et maraîchers roussillonnais vont voir leurs productions sacrifiées, car ils ne pourront plus arroser leurs jardins, récolter leurs vergers. Alors, bien sûr, nous mangerons des fruits et des légumes importés !
Et que dire de ces troupeaux décimés, de jour en jour, dans nos montagnes car l’ours et le loup sont désormais plus considérés que les éleveurs et les bergers. A moins que, comme le 5 avril dans le Trentin italien, d’autres promeneurs se fassent massacrer en Auvergne, en Provence ou dans les Pyrénées par un ours, comme le fut un jeune homme de 26 ans travaillant dans la vallée du Val di Sole. Ces ours qui avaient déjà attaqué l’homme et blessé Alessandro Ciccolini à Val di Rabbi ou encore Fabio et Christian Misseroni, sur le plateau de Paganella.
Et que dire de ces viticulteurs qui, en 2020 dans l’Aude, n’ont pas pu vendanger car des écologistes se sont opposés au décollage de l’hélicoptère devant traiter les vignes contre le mildiou, les sols étant détrempés et les tracteurs ne pouvant pas être utilisés.
Et ainsi de suite, tout a l’avenant, avec les éleveurs qui ne peuvent plus drainer ou creuser les «rases» sans risquer d’être traduits devant les tribunaux, avec ceux qui ne peuvent plus couper les haies entre mars et fin mai car il faut privilégier la nidification des oiseaux, avec ces gens qui ne supportent plus les épandages, les mouches, le bruit des cloches, le chant du coq, les retenues d’eau et le bruit du tracteur que l’agriculteur ose démarrer un peu trop tôt.
Ces gens à qui il faudrait justement laisser les clés du tracteur pendant une semaine. Une semaine seulement. Et nous verrions, comme à l’époque du confinement, réapparaître les gentils sentiments de ceux qui, l’estomac vide devant les étals désertés, se mettent à regretter le bon vieux temps des paysans qui leur fournissaient, 365 jours par an, de quoi manger.
… nous nous intéressons à nos rapports aux produits d'origine animale, de la viande aux chaussures en cuir. Le bien-être animal est-il compatible avec l'élevage ? La société de demain sera-t-elle végétarienne, voire végan ? L'avenir de la viande est-il dans l'artificiel ?
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