Texte
paru le 9
novembre dans l’agri.
Et
si la manifestation organisée le 6 novembre dernier à Mauzé sur le
Mignon dans les Deux Sèvres était la goutte de trop ?
Non
pas celle qui fit déborder les «Bassines»
à l’origine de ce rassemblement, mais celle qui fait
définitivement basculer la Confédération paysanne du syndicalisme
agricole vers l’activisme sociétal. Très proche de certaines ONG
auprès desquelles la Conf’ s’affiche presque systématiquement
depuis des années dès qu’il s’agit de défendre les causes
humanitaires ou environnementales, ce mouvement vient de s’associer
avec les associations «Bassines, non merci» et «Les
soulèvements de la terre» afin de dénoncer la mise en place de
retenues collinaires désormais appelées “bassines”. Lesquelles,
destinées à être alimentées par les eaux pluviales, le seraient
également, toujours selon ces associations, par pompage dans la
nappe phréatique. Pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme
étant un accaparement de l’eau par certains agriculteurs soutenus
à quelques encablures de là par la FDSEA, les JA et la Coordination
Rurale, d’autres agriculteurs, ceux de la Conf’, ont donc, entre
deux altercations avec les forces de l’ordre, débranché la pompe
et retiré les bâches recouvrant la retenue.
À
l’heure où la France va devenir, pour la première fois de son
histoire agricole, dépendante des importations, n’y a-t-il pas
d’autres combats à mener que celui consistant à se tirer une
balle dans le pied ? À l’heure où les défis alimentaires sont au
cœur des enjeux démographiques, géopolitiques et planétaires,
pourquoi, si ce n’est pour répondre à certaines idéologies
politiciennes, entraver, comme ce fut le cas pour le lac de Caussade
dans le Lot et Garonne, l’irrigation des cultures et, de facto,
limiter le potentiel de production ?
À
l’instar de ce qui se passa dans l’Aude au printemps dernier,
quand des ONG se sont opposées au décollage de l’hélicoptère
destiné à traiter les vignes contre le mildiou là où, sols
détrempés obligent, les tracteurs ne pouvaient pas entrer, les
écologistes ont clairement choisi leur camp. Celui qui entend
réduire de façon drastique tout ce qui permet à notre agriculture
de demeurer compétitive que ce soit avec l’utilisation d’intrants,
l’apport de nouvelles technologies ou, en l’occurrence,
l’irrigation. À ce titre, la responsabilité de celles et ceux
qui, au-delà des discours inclusifs et démagogiques, encouragent
une limitation des productions est ici clairement engagée.
Que
les agriculteurs tenants du modèle conventionnel cessent de produire
et d’alimenter les marchés
Imaginons
du jour au lendemain une agriculture convertie en bio à 100 % avec,
ça et là, un peu de permaculture, un retour comme le prônent
certains à la traction animale, une irrigation limitée,
l’interdiction d’utiliser produits phytosanitaires et
fertilisants, un arrêt des productions dites agro-industrielles…
Pourquoi pas ? Il faudra alors en finir avec l’hypocrisie des
débats d’idées et confier, sans délai, l’agriculture française
aux écologistes qui devront, in petto, garnir sans trembler nos
garde-manger.
C’est
ce pari qu’il faut engager. Que les agriculteurs tenants du modèle
conventionnel cessent de produire et d’alimenter les marchés
pendant quatre ou cinq jours et nous verrons ce qu’il adviendra des
grandes intentions pseudos-environnementales. Quatre ou cinq jours
seulement, sans pâtes, sans pain, sans viande, sans vin, sans
fruits, sans légumes, sans aucun approvisionnement au cœur des
villes et dans les circuits de distribution… À défaut de pouvoir
s’avitailler en quantité suffisante auprès de ceux qui dénoncent
la malbouffe française, c’est d’une autre malbouffe, beaucoup
moins vertueuse et contrôlable, dont nous devrons nous contenter :
celle qui, inévitablement, envahira les étals avec de la
marchandise importée.
Oui,
allons-y, messieurs Benoît Biteau, député européen, Nicolas
Girod, porte-parole de la Conf’, Yannick Jadot, candidat au pouvoir
suprême qui prétend que les écologistes sont les défenseurs de
l’agriculture, Sandrine Rousseau qui dit qu’il faut «accepter
une baisse de rendement agricole»… Prenez les commandes,
produisez et nourrissez la population française, remplissez les
assiettes du pays sans tricher, en respectant vos engagements.
Nourrissez
à partir de maintenant 67 millions d’individus 3 fois par jour, du
premier janvier au 31 décembre ! Trouvez cette main d’œuvre,
devenue si rare dans nos champs, qui acceptera d’arracher l’herbe
sur des centaines de milliers d’hectares, qui acceptera de planter,
de semer, de tailler, de faucher, de traire, de récolter… Sans
rechigner, en tenant la cadence, en maintenant le rendement, malgré
les prédateurs (que vous protégez), la conjoncture, les normes, les
contraintes administratives, le caprice des éléments… Là, de
Perpignan à Lille, sur presque 27 millions d’hectares !
Sachant que l’agriculture bio représente 10 % des surfaces exploitées, comment ferez-vous pour vous occuper des 24,5 millions d’hectares restants, cultivés jusqu’ici par environ 425 000 agriculteurs stigmatisés ? Un défi de taille à relever qui vous fera peut-être oublier le temps où vous démontiez les pompes à eau de ceux que la société française au bout de cinq jours, cinq jours seulement, commencera à regretter.