«Encéphalite à tiques : remonter à l'origine des cas de
transmission via le fromage», source Anses
du 4 octobre.
Des cas de contaminations humaines par le virus de l'encéphalite à
tiques via l'alimentation ont été observés pour la première fois
en France en 2020. Plusieurs laboratoires de l'Anses se sont
mobilisés afin d'en comprendre les circonstances, d'améliorer la
détection du virus dans les produits au lait cru et de prévenir
ainsi les risques de contamination similaires. Les premiers résultats
de leurs travaux sont parus récemment.
Au
printemps 2020, 43 personnes habitant l’Ain ont souffert de
méningites, de méningo-encéphalites ou de symptômes grippaux
causés par une contamination par le virus de l’encéphalite à
tiques (TBEV). Elles avaient toutes consommé du fromage de chèvre
au lait cru.
Il s’agissait de la première
infection par voie alimentaire connue en France,
le TBEV se transmettant généralement par piqûres
de tiques. «En
avril 2020, le premier confinement a favorisé la consommation de
produits locaux, rappelle Gaëlle Gonzalez, chargée de projet à
l’unité de virologie du laboratoire de santé animale de l’Anses.
Le fait que les cas soient groupés a facilité l’identification de
l’origine de la contamination.».
Les laboratoires de santé animale,
de sécurité des aliments et de la rage et de la faune sauvage de
l’Anses ont participé
aux investigations menées
dans l’exploitation agricole où ont été produits les fromages
suspectés d’être à l’origine de la contamination. Les
résultats de ces travaux scientifiques, qui ont également impliqué
d’autres équipes françaises d’infectiologie, ont été publiés
dans la revue
Frontiers in microbiology.
Tracer le virus des fromages jusqu’aux tiques
Il est apparu que tous les fromages impliqués provenaient d’une
même exploitation. Suite à l’alerte sanitaire, les fromages ont
été retirés du marché afin d’éviter d’autres contaminations.
En parallèle, les chèvres ont été confinées à l’intérieur.
Un quart des chèvres
présentaient des anticorps contre le virus de
l’encéphalite à tiques, ce qui indique qu’elles avaient été
exposées au virus et que celui-ci était assez fortement présent
dans la zone. Le virus a été détecté dans le lait de trois
d’entre elles. Sachant que le TBEV peut être excrété dans le
lait jusqu’à 23 jours après l’infection, les chèvres avaient
été contaminées récemment. Des tiques porteuses du virus ont été
trouvées dans le sous-bois présent dans la pâture des chèvres,
elles sont probablement à l’origine de leur infection.
Ce premier cas d’infection par
voie alimentaire en France a souligné l’importance de disposer
de méthodes efficaces pour la détection du virus de
l’encéphalite à tiques dans les produits laitiers. Les
scientifiques de l’Anses ont donc participé à l’évaluation
de la méthode utilisée pour s’assurer qu’elle était
suffisamment sensible et spécifique au TBEV.
Des infections en dehors de l’aire géographique connue du virus
Ces contaminations ont pour la
première fois révélé la présence du virus de l’encéphalite à
tiques dans l’Ain, alors que sa présence en France était
jusque-là surtout connue en Alsace, en Lorraine, en Savoie et en
Haute-Savoie. Ce n’est cependant pas étonnant pour les
scientifiques, qui savent que l’aire de répartition du virus a
tendance à s’étendre depuis l’est de l’Europe et que sa
présence peut passer inaperçue. «L’encéphalite
à tiques ne cause pas de symptômes chez les animaux. Chez les
humains, seuls 10 à 30% des cas provoquent une méningite ou une
encéphalite. Le reste du temps, les symptômes sont de type
pseudo-grippal et passent donc inaperçus.»,
explique Gaëlle Gonzalez, première auteure de l’article publié
dans Frontiers in
microbiology.
Étudier les facteurs pouvant influencer le risque de
contamination
Depuis les premiers cas du printemps 2020, quelques autres cas de
contamination par voie alimentaire ont été signalés en France. Des
études sont actuellement en cours au sein des laboratoires de
l’Anses pour identifier les facteurs pouvant influencer ces risques
de contamination.
Une de ces études vise ainsi à
comprendre l’effet
du microbiote sur le risque de transmission.
Elle va prendre en considération l’ensemble des microorganismes
présents dans le système digestif des tiques, dans celui des
animaux domestiques et dans le lait.
Par ailleurs, on sait que la
pasteurisation du lait élimine le virus et que celui-ci ne survit
pas dans les fromages ayant un temps d’affinage de plusieurs mois.
Une thèse a débuté en 2021 pour déterminer
l’incidence des étapes de fabrication du fromage au lait cru sur
le virus : diminuent-elles la quantité de virus par rapport à celle
présente dans le lait ? Celle-ci est-elle homogène dans tout le
fromage ? Ces connaissances supplémentaires devraient permettre de
mettre en place des mesures
de surveillance et de prévention adaptées.