Affichage des articles dont le libellé est science. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est science. Afficher tous les articles

jeudi 15 juin 2023

Le microbiote intestinal impliqué dans les troubles dépressifs

«Le microbiote intestinal impliqué dans les troubles dépressifs, source Institut Pasteur.

«Un esprit sain… avec un microbiote sain». Ainsi pourrait être résumée une récente étude démontrant le lien étroit entre la composition du microbiote intestinal et les troubles dépressifs. Dans le même travail, les scientifiques ont également apporté la preuve que la communication directe entre le microbiote intestinal et le cerveau nécessite la présence du nerf vague, ouvrant la voie à des solutions thérapeutiques.

L’organisme humain, à l’âge adulte, est composé de 100 000 milliards de cellules. Il est également en étroite collaboration avec un nombre sensiblement équivalent de microbes -bactéries, virus ou champignons. Cette communauté microbienne, que l’on appelle microbiote, joue un rôle capital dans de nombreux processus biologiques essentiels comme l’immunité ou le métabolisme.

Depuis quelques années, les scientifiques se penchent plus spécifiquement sur le microbiote intestinal et sa composition. Son étude approfondie peut nous permettre de mieux comprendre ses implications sur la santé humaine. Récemment par exemple, un lien a été établi entre le microbiote intestinal et certaines réactions inflammatoires. Précédemment, un dialogue direct entre le microbiote intestinal et le cerveau, associé à des troubles métaboliques comme le diabète ou l’obésité, avait également été mis en évidence.

Dans une étude conjointe entre l’Institut Pasteur, le CNRS et l’Inserm, des scientifiques ont mis à jour, dans un modèle animal, un autre lien fort entre le cerveau et le microbiote intestinal. Les chercheurs et chercheuses ont observé que le transfert de microbiote de souris stressées à des souris saines entraînait chez ces dernières tous les symptômes caractéristiques d’un état dépressif : diminution de la motivation, perte du plaisir et apathie.

Le nerf vague permet une communication directe entre le microbiote intestinal et le cerveau

Les scientifiques ne se sont pas arrêtés à cette observation et ont poussé leur étude plus loin, esquissant une possible piste thérapeutique. Ils ont également effectué sur les souris venant de recevoir du microbiote de souris stressées une vagotomie, c’est-à-dire une section chirurgicale du nerf vague au niveau de l’abdomen. Résultat ? Ces souris au microbiote intestinal nouvellement déséquilibré ne présentent pas de symptômes du trouble dépressif. «Nous avons montré que le découplage de l’intestin et du cerveau par la vagotomie suffit à protéger le sujet d’un état dépressif que produit la dysbiose intestinale» explique Pierre-Marie Lledo, directeur de recherche CNRS et responsable de l’unité Perception et mémoire à l’Institut Pasteur.

En révélant le rôle protecteur de la vagotomie dans l’induction de certaines formes de dépression, cette étude conduite chez l’animal permet d’envisager des stratégies thérapeutiques alternatives pour soulager de la dépression 30% des personnes traitées par des antidépresseurs qui ne ressentent aucun effet bénéfique malgré ce traitement. Reste dorénavant à tester cette hypothèse et à valider les résultats de ces travaux chez l’être humain.

Ces travaux ont bénéficié du soutien financier de l’AG2R La Mondiale.

mercredi 14 juin 2023

Les microplastiques semblent se fixer dans les voies respiratoires humaines

Pollution microplastique et impacts sur la santé. Crédit : Islam et al.

«Les microplastiques se fixent dans les voies respiratoires humaines», source AIP News.

Une étude montre que les humains peuvent inhaler environ 16,2 morceaux de microplastique par heure, ce qui équivaut à une carte de crédit pendant une semaine entière. Et ces microplastiques, de minuscules débris dans l'environnement générés par la dégradation des produits en plastique, contiennent généralement des polluants et des produits chimiques toxiques.

Les microplastiques inhalés peuvent poser de graves risques pour la santé, il est donc essentiel de comprendre comment ils se déplacent dans le système respiratoire pour prévenir et traiter les maladies respiratoires. Dans Physics of Fluids, par American Institute of Physics (AIP) Publishing, des chercheurs de l'Université de technologie de Sydney, de l'Université de Western Sydney, de l'Université d'Urmia, de l'Université islamique d'Azad, de l'Université de Comilla et de l'Université de technologie du Queensland ont développé un modèle informatique de dynamique des fluides pour analyser le transport et le dépôt des microplastiques. dans les voies respiratoires supérieures.

«Des millions de tonnes de ces particules microplastiques ont été retrouvées dans l'eau, l'air et le sol. La production mondiale de microplastiques augmente et la densité de microplastiques dans l'air augmente de manière significative», a déclaré l'auteur Mohammad S. Islam. «Pour la première fois, en 2022, des études ont retrouvé des microplastiques profondément dans les voies respiratoires humaines, ce qui soulève l'inquiétude de graves risques pour la santé respiratoire.»

L'équipe a exploré le mouvement des microplastiques de différentes formes (sphériques, tétraédriques et cylindriques) et tailles (1,6, 2,56 et 5,56 microns) et dans des conditions de respiration lente et rapide.

Les microplastiques avaient tendance à s'accumuler dans les points chauds de la cavité nasale et de l'oropharynx, ou à l'arrière de la gorge.

«La forme anatomique compliquée et hautement asymétrique des voies respiratoires et le comportement complexe de l'écoulement dans la cavité nasale et l'oropharynx font dévier les microplastiques de la ligne d'écoulement et ils se déposent dans ces zones», a déclaré Islam. «La vitesse d'écoulement, l'inertie des particules et l'anatomie asymétrique influencent le dépôt global et augmentent la concentration de dépôt dans les cavités nasales et la région de l'oropharynx.»

Les conditions respiratoires et la taille des microplastiques ont influencé le taux global de dépôt de microplastiques dans les voies respiratoires. Un débit accru a entraîné moins de dépôt, et les plus gros microplastiques (5,56 microns) se sont déposés plus souvent dans les voies respiratoires que leurs homologues plus petits.

Les auteurs pensent que leur étude met en évidence la réelle préoccupation de l'exposition et de l'inhalation de microplastiques, en particulier dans les zones à haut niveau de pollution plastique ou d'activité industrielle. Ils espèrent que les résultats pourront aider à informer les dispositifs d'administration de médicaments ciblés et à améliorer l'évaluation des risques pour la santé.

«Cette étude souligne la nécessité d'une plus grande prise de conscience de la présence et des impacts potentiels sur la santé des microplastiques dans l'air que nous respirons», a déclaré l'auteur YuanTong Gu.

À l'avenir, les chercheurs prévoient d'analyser le transport des microplastiques dans un modèle pulmonaire entier à grande échelle et spécifique au patient qui inclut des paramètres environnementaux tels que l'humidité et la température.

vendredi 2 juin 2023

«Biodiversité : de la science au sociétal» par Marcel Kuntz

«Biodiversité : de la science au sociétal», source article de Marcel Kuntz paru le jeudi 1er juin 2023 dans Factuel.

Le terme « biodiversity » semble avoir été utilisé pour la première fois par Raymond F. Dasmann, un biologiste de la conservation, dans son livre A different kind of country paru en 1968. Il s’agit d’une contraction de diversité biologique. La vraie mise en avant de ce néologisme est due au botaniste Walter G. Rosen qui organisa un congrès sur ce thème, qui eut lieu en 1986 à Washington.

Le culte de la «biodiversité» se pratique même pour les plantes les plus communes (c’est-à-dire des espèces qui prolifèrent !) et dans les endroits les plus improbables, comme ici aux abords de la rocade sud de Grenoble. Il est significatif que le terme quasi religieux de «respect» soit utilisé, et non «protection» qui ferait davantage apparaitre ici l’inanité de la démarche.

Le terme fut propagé largement les années suivantes pour servir de slogan scientifique, à la fois pour sensibiliser à la perte de cette diversité biologique et pour … obtenir des financements pour la biologie de la conservation.


Quand un terme scientifique devient un concept sociétal et un enjeu politique
Le Sommet de la Terre de Rio en 1992 inaugura le succès planétaire du néologisme « biodiversité » et lui permis de faire une entrée fulgurante dans la sphère politique : il devint l’un des thèmes de la bataille culturelle menée par l’écologie politique, qui l’éleva au rang de concept sociétal. Pour le professeur de Droit David Takacs, certains y ont vu l'occasion de changer notre « carte mentale » par rapport à la nature en en faisant un « instrument pour une défense zélée d'une construction sociale particulière de la nature ».

Son vrai sens scientifique (diversité dans la nature, à différents niveaux, voir ci-dessous) est oublié dans l’utilisation médiatique du terme, devenu synonyme de Nature et un élément incontournable du culte panthéiste qui lui est rendu en notre ère postmoderne.


Parler de « la » biodiversité » n’a souvent aucun sens
Scientifiquement, l'important dans biodiversité, c'est la diversité ! La diversité des écosystèmes, donc de paysages. Dans les écosystèmes, la diversité d'espèces et de leurs interactions. Et à l'intérieur des espèces, la diversité du patrimoine génétique. Sans oublier « les services rendus » par la biodiversité (pollinisation, fixation de l’azote atmosphérique, du gaz carbonique, épuration des eaux, etc.) : en 1997, Robert Costanza et collègues (Université du Maryland) dans une publication dans Nature l’évaluait à 33 000 milliards de dollars par an.
Pour identifier si le terme « biodiversité » est utilisé dans un sens scientifique (ou pas…), un petit test est facile à réaliser : relire les phrases contenant le terme en omettant « bio », pour ne conserver que « diversité ». Si la phrase a encore du sens, il est raisonnablement utilisé dans son sens scientifique ; dans le cas contraire il s’agit de son sens sociétal.

Vouloir « restaurer la biodiversité » n’a aucun sens
Quelle serait la référence ? Il y a 10 ans, 100 ans, 1000 ans ? C’est tout simplement une construction idéologique (une vision fixiste de la nature, de type Jardin d’Eden). En revanche, on peut tenter d’éviter de nouvelles pertes, ce qui est important, que l’on considère la valeur écologique, patrimoniale, esthétique, ou économique de la nature.

Cependant, il faudra toujours faire des compromis entre les intérêts des humains et la biodiversité. Nous serions ainsi bien inspirés de ne pas dicter notre vision du monde aux pays pauvres, qui aspirent légitimement à l’être moins…

On peut en penser ce que l’on veut, mais il faut reconnaitre que c’est également un choix idéologique que de donner, chez nous, la priorité absolue aux « abeilles » par rapport à la production agricole. Notamment de betteraves sucrières, dont les champs menacent en réalité peu les pollinisateurs, même si le risque d’effet secondaire n’est jamais nul lorsque l’on cherche à protéger les récoltes contre les maladies ou les ravageurs, c’est-à-dire des effets nuisibles de la biodiversité...


La diversité des utilisations politiques de la « biodiversité ».
Mettre en avant « la biodiversité » vous situe confortablement dans le Camp du Bien. Ce qui n’incite pas à faire preuve de nuances. Quels que soient les progrès réalisés, notamment en Europe, la biodiversité ne peut être que « menacée », « effondrée », etc., dans la narration dominante. De même, le terme « écosystème » est généralement associé à « fragile » ou « sensible ». L’autoflagellation est aussi une caractéristique de notre ère postmoderne… Sont rarement mentionnés les progrès réalisés : les nombreuses espèces réintroduites, les milieux désormais protégés, la multiplication des normes environnementales (quelquefois idéologiques), etc.

Pour certains scientifiques aussi (nous aurons l’occasion d’y revenir…), les interprétations catastrophistes de leurs études leur fournissent des arguments pour revendiquer de nouveaux financements pour leurs recherches.

La biodiversité n’a cependant pas le même sens lorsqu’elle est vue par les pays riches ou par les pays pauvres. Pour ces derniers, elle est souvent source de maladies et de pertes de récoltes. Pour les premiers, il existe une « crise de la biodiversité », intimement associée dans le récit médiatique à la « crise climatique ». Il faudrait donc s’engager dans une trajectoire soutenable, ce qui n’est pas faux. Cependant, la démarche porte en elle les causes de son échec si elle n’est conçue que comme une nouvelle façon de remettre en cause le « capitalisme », ou dans une version moins radicale « le modèle économique fondé sur la croissance », qui de plus ne serait pas assez vertueux, égalitaire, etc. La première menace pour la biodiversité ne niche-t-elle pas dans les utopies politiques ?

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS, enseignant à l’Université Grenoble-Alpes, et  Médaille d’Or 2017 de l’Académie d’Agriculture de France. Son dernier ouvrage :  De la déconstruction au wokisme. La science menacée (VA Editions).  première menace pour la biodiversité ne niche-t-elle pas dans les utopies politiques ?

dimanche 28 mai 2023

La France et l'énergie nucléaire versus l'Allemagne et la Commission européenne

Décarbonation : « L’Europe va dans le mur », source Le Point.

Dans un avis corrosif, l’Académie des technologies dénonce des politiques qui ne permettront pas d’atteindre les objectifs de décarbonation, et appelle la France à leur résister.
Dans un article intitulé, «Pour une nouvelle politique européenne de l’énergie», l’Académie des technologies y exprime ses préoccupations sur la politique énergétique européenne. Elle propose des recommandations pour que l’Europe et la France puissent pleinement inscrire les pays membres dans des trajectoires de décarbonation, responsables, lucides et ambitieuses.

Elle invite l’Union européenne à :
1. Respecter les traités et donc le principe de subsidiarité en laissant effectivement le libre choix de leur mix énergétique aux Etats membres
2. Assigner aux États des objectifs de décarbonation, et non des objectifs de production d’énergies renouvelables
3. Ajuster les objectifs de décarbonation à l’effort déjà fait
4. Assigner aux États des objectifs d’indépendance énergétique et les exprimer en valeur 

samedi 20 mai 2023

Comment les caractéristiques des températures microbiennes créent une rétroaction entre le cycle du carbone du sol et le réchauffement climatique ?

Les relations microbiennes avec la température varient avec les températures environnementales le long d'un gradient climatique. Ces informations peuvent être utilisées pour prévoir comment les caractéristiques de
s températures microbiennes créent une rétroaction entre le cycle du carbone du sol et le réchauffement climatique.

Ainsi dans Applied and Environmental Microbiology, des chercheurs rapporte que la variation des dépendances à la température à travers l'Europe révèle la sensibilité au climat des décomposeurs microbiens du sol.

Résumé
La température est un déterminant majeur des taux de processus biologiques, et les micro-organismes sont des régulateurs clés de la dynamique du carbone de l'écosystème. La température contrôle les taux de décomposition microbienne, et le réchauffement peut donc stimuler la perte de carbone, créant une rétroaction positive sur le changement climatique. Si les distributions des caractéristiques qui définissent les relations des températures des communautés microbiennes peuvent s'adapter aux températures modifiées, elles pourraient moduler la force de cette rétroaction, mais si cela se produit, cela reste incertain. Dans cette étude, nous avons prélevé des sols d'un gradient climatique latitudinal à travers l'Europe.

Nous avons établi les relations de températures entre la croissance microbienne et les taux de respiration et les avons utilisées pour déterminer si et avec quelle force les distributions des caractéristiques communautaires pour la température étaient adaptées à leur environnement local. De plus, nous avons séquencé des amplicons bactériens et fongiques pour lier la variance de la composition de la communauté aux changements des caractéristiques des températures. Nous avons constaté que les distributions des caractéristiques des températures microbiennes variaient systématiquement avec le climat, ce qui suggère qu'une augmentation de la température annuelle moyenne de 1°C entraînera des distributions de traits de température microbienne décalées vers le chaud équivalentes à une augmentation de la température minimale de 0,20°C. C pour la croissance bactérienne, 0,07°C pour la croissance fongique et 0,10°C pour la respiration. Les caractéristiques des températures pour la croissance bactérienne étaient donc plus sensibles au réchauffement que ceux pour la respiration et la croissance fongique. La composition de la communauté microbienne variait également avec la température, permettant l'interconnexion des informations taxonomiques avec les caractéristiques des températures microbiennes.

Notre travail montre que l'adaptation des distributions des caractéristiques des températures microbiennes à un réchauffement climatique affectera la rétroaction climatique du cycle du carbone, soulignant la nécessité de la représenter pour capturer la rétroaction microbienne au changement climatique.
Importance
L'une des plus grandes incertitudes du réchauffement climatique est de savoir si la rétroaction des décomposeurs microbiens renforcera ou affaiblira la rétroaction du cycle du carbone-climat du sol. Malgré des décennies d'efforts de recherche, la force de cette rétroaction sur le réchauffement reste inconnue. Nous présentons ici des preuves que les relations des températures microbiennes varient systématiquement avec les températures environnementales le long d'un gradient climatique et utilisons ces informations pour prévoir comment les caractéristiques des températures microbiennes créeront une rétroaction entre le cycle du carbone du sol et le réchauffement climatique. Nous montrons que l'utilisation actuelle d'une sensibilité universelle à la température est insuffisante pour représenter la rétroaction microbienne au changement climatique et fournissons de nouvelles estimations pour remplacer cette hypothèse erronée dans les modèles du système terrestre. Nous démontrons également que les relations de température pour les taux de croissance microbienne et de respiration sont différemment affectées par le réchauffement, avec des réponses plus fortes au réchauffement pour la croissance microbienne (formation de carbone du sol) que pour la respiration (perte de carbone du sol vers l'atmosphère), ce qui affectera l’équilibre carbone de l'atmosphère et de la terre.

NB ; On lira aussi dans Microcosm, le journal de l’ASM, «Des experts du changement climatique exploitent les microbes pour protéger la planète».

jeudi 18 mai 2023

Les mycobactériophages pourraient utiles pour développer de nouvelles molécules antimicrobiennes

Nouveauté dans Microbiology Spectrum
Une approche de dépistage basée sur le séquençage de nouvelle génération (SGN) pour identifier les protéines codées par les mycobactériophages qui sont toxiques pour les mycobactéries. Les résultats de l’étude, Identification de protéines toxiques codées par le mycobactériophage TM4 à l'aide d'une méthode basée sur le séquençage de nouvelle génération, pourraient être utiles pour développer de nouvelles molécules antimicrobiennes.

Résumé
Les mycobactériophages sont des virus qui infectent spécifiquement les mycobactéries et qui, du fait de leur diversité, représentent un pool génétique important. La caractérisation de la fonction de ces gènes devrait fournir des informations utiles sur les interactions hôte-phage. Nous décrivons ici une approche de dépistage à haut débit basée sur le SGN pour l'identification des protéines codées par les mycobactériophages qui sont toxiques pour les mycobactéries. Une bibliothèque dérivée des plasmides représentant le génome du mycobactériophage TM4 a été construite et transformée en Mycobacterium smegmatis . Les tests de SGN et de croissance ont montré que l'expression de TM4 était toxique pour M. smegmatis. Bien que les gènes associés à la toxicité bactérienne aient été exprimés lors de l'infection par le phage, ils n'étaient pas nécessaires à la réplication lytique du mycobactériophage TM4. En conclusion, nous décrivons ici une approche basée sur le NGS qui a nécessité beaucoup moins de temps et de ressources que les méthodes traditionnelles et a permis l'identification de nouveaux produits géniques de mycobactériophages qui sont toxiques pour les mycobactéries.

Importance
La large propagation de Mycobacterium tuberculosis résistant aux antibiotiques a entraîné un besoin urgent de développement de nouveaux médicaments.

Les mycobactériophages sont des tueurs naturels de M. tuberculosis, et leurs produits géniques toxiques pourraient fournir des candidats anti-Mycobacterium vis-à-vis de la tuberculose.

Cependant, l'énorme diversité génétique des mycobactériophages pose des défis pour l'identification de ces gènes. Ici, nous avons utilisé une méthode de dépistage simple et pratique, basée sur le SGN, pour identifier les gènes de mycobactériophages codant pour les produits toxiques pour les mycobactéries. Grâce à cette approche, nous avons ciblé et validé plusieurs produits toxiques codés par le mycobactériophage TM4. De plus, nous avons également découvert que les gènes codant pour ces produits toxiques ne sont pas essentiels à la réplication lytique de TM4. Notre travail décrit une méthode prometteuse pour l'identification de gènes de phage qui codent pour des protéines toxiques pour les mycobactéries et qui pourrait faciliter l'identification de nouvelles molécules antimicrobiennes.

mercredi 17 mai 2023

Des bactéries marines thermophiles peuvent aider à détoxifier l'amiante

«Des bactéries marines thermophiles peuvent aider à détoxifier l'amiante», source ASM News du 15 mai 2023.

Les matériaux à base d'amiante étaient autrefois largement utilisés dans les maisons, les bâtiments, les freins automobiles et de nombreux autres matériaux de construction en raison de leur solidité et de leur résistance à la chaleur et au feu, ainsi que de leur faible conductivité électrique. Malheureusement, l'exposition à l'amiante par inhalation de petites particules de fibres s'est avérée hautement cancérigène. 

Désormais, pour la première fois, des chercheurs de l'Université de Pennsylvanie ont montré que les bactéries extrêmophiles des environnements marins à haute température peuvent être utilisées pour réduire la toxicité de l'amiante. L’étude est publiée dans Applied and Environmental Microbiology, une revue de l'American Society for Microbiology. 

Une grande partie de leurs recherches s'est concentrée sur l'utilisation de la bactérie thermophile Deferrisoma palaeochoriense pour éliminer le fer des minéraux d'amiante par la respiration anaérobie de ce fer. «Le fer a été identifié comme un composant majeur de la toxicité des minéraux d'amiante et il a été démontré que son élimination des minéraux d'amiante diminue leurs propriétés toxiques», a dit Ileana Pérez-Rodríguez professeur de Earth and Environmental Science  à l'Université de Pennsylvanie. 

Il a également été démontré que D. palaeochoriense assure le transfert de charge électrique dans le fer contenu dans l'amiante, sans modifier sa structure minérale. Cela pourrait améliorer la conductivité électrique de l'amiante, a déclaré Pérez-Rodríguez.

Sur la base de cette observation, la bactérie pourrait être utilisée pour traiter la toxicité de l'amiante par l'élimination du fer. Alternativement, les nouvelles propriétés de conductivité électrique pourraient permettre la réutilisation de l'amiante traité à cette fin.  

Comme pour le fer, les structures fibreuses des silicates de l'amiante sont également cancérigènes. Il a été démontré que l'élimination du silicium et du magnésium de l'amiante perturbe sa structure fibreuse. Les chercheurs ont testé la capacité de la bactérie thermophile Thermovibrio ammonificans à éliminer ces éléments des minéraux d'amiante en accumulant du silicium dans sa biomasse dans un processus connu sous le nom de biosilicification.  

T. ammonificans a accumulé du silicium dans sa biomasse en présence d'amiante «serpentine», qui a des fibres longues et recourbées, mais pas en se développant en présence d'amiante «amphibole», qui a des fibres droites et raides, a dit Pérez-Rodríguez. Cette différence, ainsi que les quantités et les types variables d'éléments libérés lors des interactions microbes-minéraux avec différents types d'amiante «souligne la difficulté d'aborder les traitements de l'amiante comme une solution unique, compte tenu des compositions chimiques et des structures cristallines uniques. associé à chaque minéral d'amiante», a dit Pérez-Rodríguez. 

Dans l'ensemble, ces expériences ont favorisé l'élimination du fer, du silicium et/ou du magnésium pour la détoxification de l'amiante d'une manière supérieure par rapport à d'autres détoxifications de l'amiante à médiation biologique, telles que des champignons, a dit Pérez-Rodríguez. Cependant, une analyse plus approfondie sera nécessaire pour optimiser les traitements de l'amiante afin de déterminer les méthodes les plus pratiques de détoxification et/ou de réutilisation de l'amiante comme matière première secondaire.

lundi 15 mai 2023

Structure de phage capturée pour la première fois, au profit d'applications biotechnologiques

«Structure de phage capturée pour la première fois, au profit d'applications biotechnologiques», source Université d'Exeter.

De nouvelles connaissances sur la structure des phages permettront aux chercheurs de développer de nouvelles utilisations des virus en biotechnologie.

Les phages sont des virus qui infectent les bactéries, ce qui permet de les exploiter comme outils en biotechnologie et en médecine. Désormais, pour la première fois, des chercheurs de l'Université d'Exeter, en collaboration avec l'Université Massey et Nanophage Technologies, Nouvelle-Zélande, ont cartographié à quoi ressemble une forme de phage couramment utilisée, ce qui aidera les chercheurs à concevoir de meilleures utilisations à l'avenir.

Une utilisation courante du phage est la phage display (exposition sur phage), qui est un outil utile dans la découverte de médicaments. La phage display fonctionne en liant un fragment de gène d'intérêt à un gène de phage qui fabrique l'une des protéines de l'enveloppe du phage. La nouvelle protéine d'enveloppe avec la protéine liée d'intérêt apparaît à la surface du phage, où elle peut être dosée et testée pour l'activité biologique.

Des milliards de types de phages existent. La phage dispay utilise souvent un type de phage connu comme étant filamenteux, ainsi appelé parce qu'il est long et mince, ce qui rend possible la présentation de nombreuses protéines sur sa surface. Bien que la phage display et d'autres applications aient fait leurs preuves, jusqu'à présent, les scientifiques ne savaient pas à quoi ressemblait ce type de phage.

Pour la première fois, la Dr Vicki Gold à l'Université d'Exeter, a révélé la structure d'un phage filamenteux, dans une étude publiée dans la revue Nature Communications. Elle a déclaré : «Les phages font partie d'un domaine de recherche très excitant et en plein essor, avec une gamme d'applications actuelles et potentielles. Pourtant, jusqu'à présent, nous n'avions pas une image complète de ce à quoi ressemblent les phages filamenteux. Nous avons maintenant fourni la première vue, et comprendre cela nous aidera à améliorer les applications pour les phages à l'avenir.»

Parce que les phages filamenteux sont si longs, les scientifiques n'ont pas réussi à capturer une image dans leur intégralité. Pour avoir une image du phage, les chercheurs ont créé des versions plus petites, qui sont environ 10 fois plus courtes, qui ressemblent à des nanotiges droites plutôt qu'à des filaments enchevêtrés de type spaghetti. Cette mini version était suffisamment petite pour être imagée dans son intégralité à l'aide de la microscopie cryoélectronique à haute résolution.

NB : Image de phage basée sur celle publiée par Gold et al, Nature Communications.

jeudi 11 mai 2023

Un veau créé grâce à l’édition génomique montre une résistance à un virus courant du bétail

«Un veau créé grâce à l’édition génomique montre une résistance à un virus courant du du bétail », source article de Chris Dall paru le 10 mai 2023 dans CIDRAP News.

Des scientifiques américains rapportent qu'ils ont produit un veau cré grâce à l'édition génomique avec une sensibilité réduite au virus de la diarrhée virale bovine (BVDV pour bovine viral diarrhea virus), une innovation qui, selon eux, pourrait potentiellement réduire l'utilisation d'antimicrobiens chez les bovins.

Dans un article de preuves du concept publié dans PNAS Nexus, une équipe dirigée par des scientifiques de l’Agricultural Research Service (ARS) de l’USDA) décrit comment ils ont utilisé la technologie d'édition de gènes CRISPR pour produire un veau vivant avec une substitution de six acides aminés. dans le domaine de la liaison du BVDV au CD46, le principal récepteur cellulaire du BVDV. Les scientifiques ont édité des cellules de peau de bovins pour développer des embryons porteurs du gène modifié, puis ont transplanté les embryons dans des vaches porteuses.

Le veau, nommé Ginger, est né en juillet 2021 et, après plusieurs mois d'observation, a été hébergé pendant une semaine avec un veau laitier infecté par le BVDV afin de déterminer s'il pouvait être infecté. Des tests de suivi ont montré que les cellules de Ginger présentaient une sensibilité considérablement réduite au BVDV. Les scientifiques disent qu'ils continueront à surveiller sa santé.

Bien qu'un vaccin contre le BVDV soit disponible depuis plus de 50 ans, la maladie reste courante chez les bovins et peut causer de graves dommages respiratoires et intestinaux aux bovins de boucherie et laitiers. De plus, lorsque des vaches gestantes sont infectées, le BVDV peut traverser le placenta et infecter les veaux en développement, entraînant un avortement, une malformation congénitale ou des bovins infectés de manière persistante qui excrètent constamment le virus et sont à risque d'infections bactériennes secondaires.

Les auteurs de l'article disent que si l'approche s'avère viable, elle pourrait améliorer le bien-être des animaux et réduire la dépendance de l'industrie bovine aux antimicrobiens.

«La version la plus réussie de l'avenir que je peux voir est celle où nous n'avons pas à faire face à la résistance aux antimicrobiens parce que nous n'utilisons tout simplement pas autant d'antimicrobiens», a dit le co-auteur de l'article, Brian Vander Ley de l'Université du Nebraska-Lincoln, dans un communiqué de presse de l’université. «C'est mieux pour tout le monde. Cela signifie que nous avons éliminé la cause d'une grande partie de l'utilisation d'antimicrobiens et nous avons éliminé cette dépense pour les éleveurs de bétail.»

NB : La photo représente l'épidémiologiste vétérinaire Brian Vander Ley et Ginger. Source Craig Chandler. Université du Nebraska-Lincoln.

samedi 6 mai 2023

Quand l’idéologie woke nous menace tous les jours

Le blog avait déjà publié, Quand l’idéologie woke menace jusqu’à la science, mais voici qu’il y a du nouveau ...
L’«antiwokisme», dernier épouvantail de la gauche intellectuelle par Emmanuelle Henin, Pierre-Henri Tavoillot et Xavier-laurent Salvador, article paru dans Le Figaro le 6 mai 2023.
Dans une tribune, les auteurs répondent, en dénonçant la cécité d’une partie de l’intelligentsia française. Article est réservée aux abonnés ...

Mardi dernier (2 mai) est parue une tribune signée de 200 universitaires, intitulée: «L’antiwokisme est infiniment plus menaçant que ledit wokisme auquel il prétend s’attaquer.» Le péché impardonnable imputé aux «antiwoke» est d’avoir organisé, puis publié un colloque, «Après la déconstruction» (dont les actes ont été publiés chez Odile Jacob), qui critique les dérives des courants inspirés des cultural studies, et d’avoir fait la publicité du livre dans une vidéo.

À défaut d’argumenter, les auteurs se contentent de crier au retour des Chemises brunes ou noires et à la haine de l’étranger, épouvantail décati auquel ils sont les seuls à croire - ou à feindre de croire. Seule la quantité de signataires pouvait suppléer à l’indigence du réquisitoire. Quand la raison disparaît, la force est le seul recours et la grégarité tient lieu de vertu.

Que tant d’intellectuels puissent signer un texte aussi caricatural a de quoi inquiéter et confirmer le diagnostic de «crétinarcat» posé dans la vidéo incriminée.

Publié en 1949, le livre de Georges Orwell, 1984, le héros du roman est torturé jusqu’à ce qu’il accepte que deux et deux font cinq. Comme le dit Orwell, «Le Parti finirait par annoncer que deux et deux font cinq et il faudrait le croire. Il était inéluctable que, tôt ou tard, il fasse cette déclaration. La logique de sa position l’exigeait. Ce n’était pas seulement la validité de l’expérience, mais l’existence même d’une réalité extérieure.»

Selon les auteurs de la tribune du Figaro, « Cette prophétie prend une pertinence singulière . À l’heure où certains affirment que «2 + 2 = 4 pue le suprémacisme blanc» (Laurie Rubel Brooklyn College) et qu’«il n’y a pas d’objectivité du savoir scientifique» (Rachel Borghi Sorbonne Université.

jeudi 4 mai 2023

Quand l’idéologie woke menace jusqu’à la science

«L’idéologie woke menace jusqu’à la science» par Andreas Bikfalvi est un article paru le 4 mai 2023 dans Le Figaro.

Un groupe de scientifiques ont signé un article dans une revue universitaire pour alerter sur l’idéologie déconstructioniste, qui cherche à substituer au critère du mérite une logique identitaire, explique le professeur de biologie cellulaire et moléculaire à l’université de Bordeaux.

Vingt-neuf scientifiques de différentes nationalités, dont moi-même, se sont levés pour s’opposer aux attaques contre le mérite dans les sciences. Dans un article publié dans la revue à comité de lecture Journal of Controversial Ideas, nous mettons en lumière l’attaque idéologique contre la science qui se déroule dans les coulisses des universités, des maisons d’édition scientifiques et des instituts et agences de financement tels que l’Institut national de la santé (NIH) et la Fondation nationale des sciences américaine (NSF).

La notion de mérite est devenue politiquement incorrecte car elle perpétuerait des inégalités notamment en excluant des minorités sociales (ethniques, sexuelles ou genrées, religieuses, etc.) de divers secteurs de la société et en particulier des universités et des institutions scientifiques.

Dans le résumé de l’article publié dans le Journal of Controversial Ideas, il est rapporté,

Le mérite est un pilier central de l'épistémologie libérale, de l'humanisme et de la démocratie. L'entreprise scientifique, fondée sur le mérite, s'est avérée efficace pour générer des avancées scientifiques et technologiques, réduire la souffrance, réduire les écarts sociaux et améliorer la qualité de vie dans le monde. Cette perspective documente les tentatives continues de saper les principes fondamentaux de l'épistémologie libérale et de remplacer le mérite par des critères non scientifiques et politiquement motivés. Nous expliquons les origines philosophiques de ce conflit, documentons l'intrusion de l'idéologie dans nos institutions scientifiques, discutons des dangers de l'abandon du mérite et proposons une approche alternative, centrée sur l'humain, pour lutter contre les inégalités sociales existantes.  

M.  Andreas Bikfalvi explique bien comment les auteurs en sont venus à demander à différentes revues scientifiques et interdisciplinaires comme Nature, Science ou Proceedings of the National Academy of Science (PNAS) de publier l'article.

Nous avons tenter de publier dans cette dernière, en contrepoint à plusieurs articles publiés par la revue, qui adoptaient le point de vue de la «justice sociale». Mais on nous a conseillé de retirer le mot «mérite» du titre, car selon le comité de rédaction de la revue, «le concept de mérite, comme les auteurs le savent sûrement, a été largement et légitimement attaqué comme étant creux». L’article a été finalement rejeté par cette revue pour des raisons étranges, notamment parce qu’il serait «nuisible» aux minorités. Cela nous a incité à mentionner à la fin de notre article que «non seulement la méritocratie en science est une idée controversée, mais dans certains cercles académiques, l’existence même du mérite en tant que concept est remise en question».

jeudi 13 avril 2023

Des scientifiques suivent l'évolution de Staphylococcus aureus à la surface de la peau

«Des scientifiques suivent l'évolution des microbes à la surface de la peau», source MIT News du 12 avril 2023.

Une nouvelle analyse révèle comment Staphylococcus aureus acquiert des mutations qui lui permettent de coloniser les plaques d'eczéma.

La peau humaine abrite des millions de microbes. L'un de ces microbes, Staphylococcus aureus, est un agent pathogène opportuniste qui peut envahir les plaques de peau touchées par l'eczéma, également connu sous le nom de dermatite atopique.

Dans une nouvelle étude, des chercheurs du MIT et d'autres institutions ont découvert que ce microbe peut évoluer rapidement dans le microbiome d'une seule personne. Ils ont découvert que chez les personnes atteintes d'eczéma, S. aureus a tendance à évoluer vers un variant avec une mutation dans un gène spécifique qui l'aide à se développer plus rapidement sur la peau.

Cette étude marque la première fois que des scientifiques observent directement ce type d'évolution rapide chez un microbe associé à un trouble cutané complexe. Les résultats pourraient également aider les chercheurs à développer des traitements potentiels qui apaiseraient les symptômes de l'eczéma en ciblant des variants de S. aureus qui présentent ce type de mutation et qui ont tendance à aggraver les symptômes de l'eczéma.

«Il s'agit de la première étude à montrer que le génotype de Staphylococcus aureus changent chez des personnes atteintes de dermatite atopique», a dit Tami Lieberman, professeur adjoint de génie civil et environnemental et membre de l'Institute for Medical Engineering and Science du MIT.

«À ma connaissance, il s'agit de la preuve la plus directe de l'évolution adaptative du microbiome cutané.» L’étude est parue dans Cell Host and Microbe.

Adaptation bactérienne
On estime qu'entre 30 et 60% des personnes sont porteuses de S. aureus dans leurs narines, où il est généralement inoffensif. Chez les personnes atteintes d'eczéma, qui touche environ 10 millions d'enfants et 16 millions d'adultes aux États-Unis, S. aureus se propage souvent aux plaques d'eczéma et infecte la peau.

«Lorsqu'il y a une rupture dans la peau, Staphylococcus aureus peut trouver une niche où il peut se développer et se répliquer», explique Lieberman. «On pense que les bactéries contribuent à la pathologie car elles sécrètent des toxines et recrutent des cellules immunitaires, et cette réaction immunitaire endommage davantage la barrière cutanée.»

Dans cette étude, les chercheurs ont voulu explorer comment S. aureus est capable de s'adapter à la vie sur la peau des patients atteints d'eczéma.

«Ces microbes vivent normalement dans le nez, et nous avons voulu savoir si lorsqu'il se retrouve sur une peau de dermatite atopique, a-t-il besoin de changer pour y vivre ? Et pouvons-nous apprendre quelque chose sur la façon dont ces bactéries interagissent avec la peau de la dermatite atopique en observant son évolution ?» dit Liberman.

Pour répondre à ces questions, les chercheurs ont recruté des patients âgés de 5 à 15 ans qui étaient traités pour un eczéma modéré à sévère. Ils ont prélevé des échantillons de microbes sur leur peau une fois par mois pendant trois mois, puis à nouveau tous les neuf mois. Des échantillons ont été prélevés à l'arrière des genoux et à l'intérieur des coudes (les sites les plus couramment touchés par l'eczéma), les avant-bras, qui ne sont généralement pas touchés, et les narines.

Les cellules de S. aureus de chaque site d'échantillonnage ont été cultivées séparément pour créer jusqu'à 10 colonies à partir de chaque échantillon, et une fois les colonies formées, les chercheurs ont séquencé les génomes des cellules. Cela a donné près de 1 500 colonies uniques, ce qui a permis aux chercheurs d'observer l'évolution des cellules bactériennes de manière beaucoup plus détaillée qu'auparavant.

En utilisant cette technique, les chercheurs ont découvert que la plupart des patients conservaient une seule lignée de S. aureus, c'est-à-dire qu'il était très rare qu'une nouvelle souche provienne de l'environnement ou d'une autre personne et remplace la souche existante de S. aureus. Cependant, au sein de chaque lignée, de nombreuses mutations et évolutions se sont produites au cours des neuf mois de l'étude.

«Malgré la stabilité au niveau de la lignée, nous voyons beaucoup de dynamique au niveau du génome entier, où de nouvelles mutations apparaissent constamment dans ces bactéries et se propagent ensuite dans tout le corps», explique Lieberman.

Bon nombre de ces mutations sont apparues dans un gène appelé capD, qui code pour une enzyme nécessaire à la synthèse du polysaccharide capsulaire - un revêtement qui protège S. aureus de la reconnaissance par les cellules immunitaires. Chez deux des six patients profondément échantillonnés, les cellules porteuses de mutations capD ont pris le contrôle de l'ensemble de la population du microbiome cutané de S. aureus, ont découvert les chercheurs. D'autres patients ont été colonisés par des souches initialement dépourvues d'une copie fonctionnelle du capD, pour un total de 22% des patients dépourvus de capD à la fin de l'étude. Chez un patient, quatre mutations différentes de capD sont apparues indépendamment dans différents échantillons de S. aureus, avant qu'une de ces variants ne devienne dominant et ne se propage sur l'ensemble du microbiome.

Traitement ciblé
Lors de tests sur des cellules bactériennes se développant dans une boîte de laboratoire, les chercheurs ont montré que les mutations de capD permettaient à S. aureus de se développer plus rapidement que les souches de S. aureus avec un gène capD normal. La synthèse du polysaccharide capsulaire nécessite beaucoup d'énergie, donc lorsque les cellules n'ont pas à le faire, elles ont plus de carburant pour alimenter leur propre croissance. Les chercheurs émettent également l'hypothèse que la perte de la capsule pourrait permettre aux microbes de mieux adhérer à la peau car les protéines qui leur permettent d'adhérer à la peau sont plus exposées.

Les chercheurs ont également analysé près de 300 génomes de bactéries accessibles au public isolés chez des personnes atteintes d'eczéma et sans eczéma, et ont constaté que les personnes atteintes d'eczéma étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir des variants de S. aureus qui ne pouvaient pas produire le polysaccharide capsulaire que les personnes sans eczéma.

L'eczéma est généralement traité avec des hydratants ou des stéroïdes topiques, et les médecins peuvent prescrire des antibiotiques s'il apparaît que la peau est infectée. Les chercheurs espèrent que leurs découvertes pourraient conduire au développement de traitements qui atténuent les symptômes de l'eczéma en ciblant des variants de S. aureus présentant des mutations dans le polysaccharide capsulaire.

«Nos résultats dans cette étude fournissent des indices sur la façon dont S. aureus évolue à l'intérieur des hôtes et révèlent certaines des caractéristiques qui pourraient aider les bactéries à rester sur la peau et à générer des maladies plutôt que de pouvoir être arrachées», déclare Maria Teresa García-Romero, dermatologiste et professeur assistant au National Institute of Pediatrics à Mexico. À l'avenir, les variants de S. aureus présentant des mutations dans le polysaccharide capsulaire pourraient constituer une cible pertinente pour des traitements potentiels.»

Le laboratoire de Lieberman travaille actuellement au développement de probiotiques qui pourraient être utilisés pour cibler les souches de S. aureus à sans capsule. Son laboratoire étudie également si les souches de S. aureus avec des mutations de capD sont plus susceptibles de se propager aux autres membres du foyer d'un patient atteint d'eczéma.

NB : Image en microscopie électronique à balayage montrant quatre bactéries Staphylococcus aureus de couleur jaune, de forme sphéroïde. Credit : National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID).

Une nouvelle approche cible norovirus, principale cause mondiale d'infection d'origine alimentaire

Légende
. Les cellules intestinales (noyaux représentés en bleu) sont infectées par une souche de rotavirus génétiquement modifiée pour porter un gène de norovirus (vert). Des chercheurs de la faculté de médecine de l'Université de Washington à Saint-Louis ont trouvé un moyen créatif de fabriquer un vaccin contre norovirus, la principale cause d'infections d'origine alimentaire, en s'appuyant sur le rotavirus, un virus non apparenté pour lequel il existe déjà plusieurs vaccins très efficaces.

«Une nouvelle approche cible norovirus, principale cause mondiale d'infection d'origine alimentaire », source communiqué de Washington University School of Medicine in St. Louis.

Le vaccin double comprenant deux virus causant la diarrhée génère des anticorps contre les deux.

Chaque année, norovirus provoque des centaines de millions de cas d'intoxication alimentaire - et la mort d'au moins 50 000 enfants, mais il n'existe aucun moyen réel de le maîtriser. Le virus s'est avéré exceptionnellement difficile à étudier en laboratoire, et les scientifiques ont eu du mal à développer des vaccins et des médicaments efficaces.

Une nouvelle étude de la Washington University School of Medicine à St. Louis décrit une manière créative de fabriquer un vaccin contre norovirus en s'appuyant sur les vaccins très efficaces contre rotavirus, un virus non apparenté qui provoque également la diarrhée.

Les chercheurs ont créé un vaccin expérimental combiné rotavirus-norovirus en ajoutant une protéine clé du norovirus à une souche inoffensive de rotavirus. Les souris qui ont reçu le vaccin expérimental ont produit des anticorps neutralisants contre le rotavirus et le norovirus. L'étude, disponible en ligne dans Proceedings of the National Academy of Sciences, décrit une approche innovante pour prévenir l'une des infections virales les plus courantes et les plus incurables.

«Presque tout le monde a eu un norovirus à un moment donné», a déclaré l'auteur principal Siyuan Ding, professeur adjoint de microbiologie moléculaire. «Vous sortez pour manger, et la prochaine chose que vous savez, c'est que vous vomissez et avez la diarrhée. Vous récupérerez, mais ça va être dur pendant trois jours environ. Cependant, pour les enfants des pays en développement qui n'ont pas accès à de l'eau potable, cela peut être mortel. Les vaccins contre rotavirus fonctionnent très bien, et il existe déjà des systèmes de distribution mondiaux mis en place pour eux, donc sur cette base, nous avons vu une opportunité de faire enfin des progrès contre norovirus.»

Avant le lancement des premiers vaccins contre rotavirus en 2006, un demi-million d'enfants dans le monde mouraient chaque année de diarrhée causée par une infection à rotavirus. Maintenant, le nombre est estimé à environ 200 000, c’est toujours élevé mais c’est une énorme amélioration. Quatre vaccins contre rotavirus sont utilisés dans le monde. Tous sont des vaccins à virus vivants, ce qui signifie qu'ils sont basés sur des formes affaiblies du rotavirus capables de déclencher une réponse immunitaire mais pas de rendre les gens malades.

Le norovirus humain, en revanche, a entravé la recherche scientifique pendant des décennies. Il n'infecte pas les souris ou les rats ou tout autre animal de laboratoire ordinaire, de sorte que les types d'expériences qui ont conduit au développement de vaccins contre le rotavirus ont été impossibles à reproduire avec le norovirus.

Ding et ses collègues, dont le premier auteur Takahiro Kawagishi, un scientifique du laboratoire de Ding, et l'auteur co-correspondant Harry B. Greenberg, professeur émérite de médecine à l'Université de Stanford, ont eu l'idée d'utiliser le rotavirus pour contourner les difficultés techniques de travailler avec le norovirus. Ils ont travaillé avec une souche de laboratoire de rotavirus en remplacement de l'un des vaccins antirotavirus approuvés, qui sont exclusifs.

Les chercheurs ont inséré le gène de la protéine qui forme la surface externe du norovirus humain dans le génome de la souche de laboratoire de rotavirus. Ensuite, ils ont administré le rotavirus modifié à des souris infantiles immunodéprimées par voie orale, de la même manière que les vaccins antirotavirus sont administrés aux enfants. Ils ont prélevé des échantillons de sang et de matières fécales quatre, six et huit semaines plus tard. Neuf semaines après la première immunisation, les chercheurs ont administré aux souris un rappel par injection et ont de nouveau prélevé des échantillons une semaine plus tard.

Une forte réponse anticorps était évidente dans le sang de 9 sur 11 souris testées et dans les intestins des 11 souris. Mieux encore, certains des anticorps du sang et des intestins ont pu neutraliser les deux virus dans des cultures de «mini-intestin» humains in vitro. Ces cultures, également appelées organoïdes, sont cultivées à partir de cellules souches humaines et répliquent la surface de l'intestin humain.

«Traditionnellement, les études sur les vaccins se sont concentrées sur la réponse des anticorps dans le sang, car nous comprenons que cette partie de la réponse immunitaire est la meilleure», a dit Ding. «Mais norovirus et rotavirus sont des virus intestinaux, donc les anticorps dans le sang sont moins importants que ceux dans les intestins pour combattre ces virus. Le fait que nous ayons vu une forte réponse en anticorps dans les intestins est un bon signe.»

La prochaine étape consiste à montrer que les animaux immunisés avec le vaccin expérimental sont moins susceptibles de tomber malades ou de mourir de norovirus. Ding a de telles expériences en cours.

La puissance de cette étude est qu'elle décrit une nouvelle approche qui pourrait accélérer le développement de vaccins pour une variété d'organismes gênants qui causent la diarrhée, en particulier dans les pays aux ressources limitées où bon nombre de ces infections se produisent. 

«Il existe de nombreux agents pathogènes intestinaux pour lesquels nous n'avons pas de bons traitements ou vaccins», a dit Ding. «En principe, nous pourrions mettre un gène de n'importe quel organisme qui infecte le tractus intestinal dans le vaccin antirotavirus pour créer un vaccin bivalent. Il faudrait bien sûr trouver les bonnes cibles pour produire une bonne réponse immunitaire, mais le principe est simple.

«En tant que chercheur fondamental, nous avons rarement la chance de faire avancer quelque chose en clinique», a poursuivi Ding. «Nous étudions ce que fait le virus et comment l'hôte réagit à un niveau de base. Il s'agit d'une occasion rare pour notre travail d'affecter directement la santé humaine et d'améliorer la vie des gens.