«L'hygiène, avant la microbiologie, n'est hygiénique que dans ses intentions. C'est la science des apparences qui repose entre des mains d'aveugles : est sain ce qui est beau, bon, et ne sent pas mauvais.» Pierre Darmon, L'homme et les microbes, Fayard, 1999.
vendredi 15 décembre 2023
2023 : Top 10 de la sécurité des aliments en France
vendredi 21 octobre 2022
Possible intoxication alimentaire dans un collège de Bordeaux
«Bordeaux : des collégiens pris de vomissements après le repas d’Halloween à la cantine», source Sud Ouest.
De nombreux élèves sont rentrés chez eux après l’incident.
Une partie des demi-pensionnaires du collège Aliénor-d’Aquitaine s’est sentie mal après le déjeuner, ce jeudi 20 octobre. L’établissement évoque une possible intoxication. Des élèves pointent la purée de citrouille. Les parents veulent comprendre
Le collège Aliénor-d’Aquitaine a été la scène d’un malaise collectif ce jeudi 20 octobre. Une trentaine de minutes après le premier service de 11h30 à la cantine, une quarantaine d’élèves se sont plaints. «Certains ont été pris de vomissements assez forts, de crampes abdominales, de frissons, ou les trois à la fois», décrit un élu de la Fédération des conseils de parents d’élèves… le reste de l’article est réservé aux abonnés ... à suivre ...
L’Anses nous avait informé dans «Attention aux courges amères», mais est-ce le cas dans ce collège ?
A l’approche d’Halloween et en pleine saison des citrouilles, potirons, potimarrons, pâtissons et autres cucurbitacées qui égaient les recettes d’automne, il est important de rappeler que toutes les «courges» ne sont pas comestibles. Certaines courges amères peuvent être à l’origine d’intoxication alimentaire parfois grave.
Ce collège n’a pas de chance car une semaine avant de cet incident alimentaire, «Trente-quatre personnes du collège Aliénor d’Aquitaine à Martignas-sur-Jalle ont été légèrement intoxiqués ce mercredi 13 octobre annonce la préfecture de la Gironde.»
jeudi 21 octobre 2021
Aliments contaminés par l’oxyde d’éthylène : quelle est la réalité des risques ?
Il ne s’agit donc pas d’une crise sanitaire pouvant affecter les consommateurs mais simplement d’un problème de conformité réglementaire d’utilisation d’un procédé non autorisé en Europe qui doit se réglé par des mesures administratives au niveau des importations. De plus les évaluations des risques sanitaires ne doivent pas se faire selon la réglementation actuelle qui n’est pas adaptée au cas particulier du traitement des denrées sèches par l’ETO.
«Aliments contaminés par l’oxyde d’éthylène : quelle est la réalité des risques ?» est un article écrit par Jean François Narbonne. Docteur ès Sciences (Toxicologie), Professeur honoraire de l’Université de Bordeaux, ancien Directeur du groupe de Toxicologie de l’UMR CNRS 5255, Ancien expert auprès de l’ANSES, du Conseil de l’Europe et de l’UNEP/OMS.
Le blog reproduit plusieurs éléments de cet article paru sur le site de l’Association Toxicologie-Chimie. Je remercie un lecteur attentif du blog de m’avoir signalé cet article. Tous les liens de l’article ci-dessous sont de mon fait.
En allant sur ce lien, vous pourrez lire plusieurs autres articless sur l’oxyde d’éthylène.
1. L’alerte
2. Les traitements de désinfection
3. Oxyde d’éthylène et 2-chloroéthanol – Informations générales
4. Problème du cadre législatif et réglementaire
4.1. Réglementation
Dans le cadre du traitement de désinfection des denrées alimentaires, l’ETO est donc classée comme un biocide figurant sur la liste de l’ECHA comme TP2 (désinfectant). Cependant en Europe, l’utilisation pour la désinfection des denrées alimentaires n’est pas autorisée (ECHA, 2020). La réglementation pesticide (EC) No 396/2005 précise que les limites maximales applicables aux résidus de pesticides (LMR) présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale sont exprimées comme la somme de la matière active et de ses métabolites. Pour l’ETO la LMR concerne donc la somme ETO + son métabolite le 2-CE, exprimés en équivalent ETO. La LMR est de 0,02 mg/kg valeur de la LOQ (limite de quantification).
Si on prend la réglementation dans son expression, on voit qu’elle concerne les résidus présents «dans ou sur les denrées alimentaires». Or l’expérience issue des cas historiques de contamination par l’ETO (des milliers de dosages depuis le «début de la crise» en 2019) montre que dans les résultats analytiques exprimés en ETO + 2-CE, l’ETO est inférieur à la LOQ, la seule présence détectée est celle du 2-CE. Ceci s’explique très simplement par la volatilité de l’ETO à température ambiante et donc à son dégagement rapide au cours du stockage des denrées et de leur transformation, surtout si le process comporte une phase de chauffage du fait de son point d’ébullition de 10,4°C alors que celui du 2-CE est de 129°C. Dans le produit fini, seul le composé néoformé par réaction de l’ETO avec le Cl présent dans les matrices alimentaires est détectable. Ainsi la réglementation «pesticide» base l’évaluation des risques sanitaires sur une substance l’ETO, à laquelle le consommateur n’est pas exposé ! L’ évaluation des risques sanitaires devrait logiquement être basée sur le 2-CE, substance néoformée réellement présente.
La réglementation sur les biocides paraît pertinente quand le produit de traitement reste présent dans ou sur la denrée alimentaire, par-contre elle ne l’est plus quand le produit de traitement disparait rapidement et que ne persistent que les produits néoformés.
De même si la toxicité des métabolites est inconnue ou peu documentée, l’assimilation de leur toxicité à celle de la substance parente est pertinente (par précaution), elle n’est plus dans le cas inverse. Or il existe une réglementation qui tient compte de la disparition de la substance de traitement au cours d’un procédé : C’est celle qui différencie les auxiliaires technologiques des additifs. En effet leur définition précise que : «Les auxiliaires technologiques sont des substances, non consommées comme ingrédients alimentaires en soi, mais utilisées lors du traitement ou de la transformation de matières premières, de denrées alimentaires ou de leurs ingrédients afin de répondre à un objectif technologique donné». En fait la France est l'un des seuls pays européens à préciser les conditions d'évaluation, d'autorisation et d'utilisation de ces auxiliaires via le décret n° 2011-509 du 10 mai 2011 et l'arrêté du 7 mars 2011.
Conclusion
lundi 24 octobre 2022
Choses lues sur la sécurité des aliments, selon le Seismo Info d'octobre 2022
Salmonella Thompson résistant à plusieurs médicaments découvertes dans des produits à base de porc : des scientifiques ont caractérisé un isolat de Salmonella Thompson multirésistant aux médicaments provenant d’un produit à base de porc prêt à être consommé, vendu au détail en Chine. Cela semble indiquer que les produits prêts à consommer à base de porc venant de Chine constituent une source potentielle d’infection humaine par des S. Thompson co-résistants aux céphalosporines à spectre étendu et aux fluoroquinolones. Front. Micr, 11 pages. (15.09.2022).
Hépatite A de génotype IB d’origine inconnue : des clusters et des épidémies causés par le virus de l’hépatite A (VHA) de génotype IB avec quatre séquences de VHA uniques mais étroitement apparentées ont été signalés dans six pays de l’Union européenne (UE) et au Royaume-Uni (UK). Plus de 300 cas avec des souches de VHA identiques ou étroitement apparentées ont été identifiées. FSN 2 pages. (01.10.2022). Publication originale : ECDC.
STEC dans des falafels surgelés : présence possible de E. coli producteurs de shigatoxines dans des falafels aux États-Unis. Vingt cas, apparus entre le 24 juillet 2022 et le 19 septembre 2022, ont été signalés dans six États ; cinq personnes ont dû être hospitalisées et aucun décès n’est à déplorer. FDA, 1 page. (07.10.2022).
Foyer de cryptosporidiose associé à l’eau potable : en Italie, des enquêtes épidémiologiques ont permis d’associer un foyer de cryptosporidiose apparu en 2019 à l’eau potable. La caractérisation moléculaire a révélé que l’agent responsable était l’espèce zoonotique Cryptosporidium parvum. Un seul sous-type (IIdA25G1) a été trouvé parmi tous les cas ; il était également présent dans l’un des deux échantillons d’eau positifs. L’eau de la municipalité provenait d’une source dont le traitement désinfectant n’était pas suffisant pour inactiver le parasite. Eurosurveillance, 11 pages. (01.09.2022).
La crise du coût de la vie pourrait augmenter le risque d’intoxication alimentaire : un article explique pourquoi l’augmentation du coût de la vie, en particulier l’augmentation des coûts de l’énergie, pourrait entraîner une augmentation du risque d’intoxication alimentaire due à Listeria monocytogenes. The Conversation, 2 pages. (13.09.2022).
Œufs de Toxocara spp. sur des légumes «prêts à consommer» : une étude visant à enquêter sur la présence d’oeufs de Toxocara spp. dans des échantillons de légumes «prêts à consommer» (laitue, épinards, oignon de printemps et céleri) prélevés dans des jardins communautaires du sud de l’Angleterre a révélé pour la première fois la présence d’oeufs de Toxocara spp. sur des légumes cultivés au Royaume-Uni, ainsi que dans le sol d’où provenaient ces légumes. Elle met également en évidence les risques de biosécurité et de zoonoses dans les jardins communautaires. Food Wat. Parasitol, 7 pages. (06.2022).
Botulisme d’origine alimentaire dû à un produit à base de pommes de terre : au cours du mois de septembre 2019, les autorités de santé publique du Colorado ont été informées que quatre patients avaient été admis dans des hôpitaux voisins avec des signes cliniques correspondant à ceux du botulisme. Les quatre personnes avaient partagé un repas comprenant des pommes de terre sautées préparées vendues dans le commerce dans un emballage individuel sur lequel ne figurait aucune instruction de réfrigération. Foodb. Path. Dis, 6 pages. (23.09.2022).
Clostridium perfringens et systèmes d’exploitation laitière : C. perfringens isolés d’installation de production laitière d’élevages bovins, caprins et ovins, ont fait l’objet d’un dépistage phénotypique pour établir un profil de sensibilité aux antimicrobiens ; aussi, ils ont été soumis à un séquençage du génome entier dans le but d’élucider les marqueurs génétiques apparentés, ainsi que d’examiner les marqueurs génétiques de virulence, les éléments génétiques mobiles et d’autres caractéristiques. Des isolats de toxines de type A et de type D ont été identifiés, dont 20 nouveaux types de séquences. Int. J. Food Micr., 11 pages. (02.12.2022).
Clostridium botulinum dans le concentré de chai : une entreprise rappelle certaines bouteillles de mélange de concentré de chai en raison d’une transformation potentiellement insuffisante pouvant entraîner une contamination par Clostridium botulinum. FSN 2 pages. (30.09.2022).
Foyer d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) : entre le mois de juin et le mois de septembre 2022, 788 détections de virus IAHP ont été signalées dans 16 pays de l’UE/EEE et au Royaume-Uni, dont 56 chez des volailles, 22 chez des oiseaux captifs et 710 chez des oiseaux sauvages. Des cas ont encore été détectés en septembre, ce qui indique que l’épidémie sévit manifestement toujours. Le risque de transmission aux êtres humains par exposition à des produits à base de volaille contaminés est considéré comme négligeable. EFSA, 2 pages. (03.10.2022).
Esters organophosphorés dans des produits alimentaires : une recherche britannique met en lumière la présence d’esters organophosphorés (OPE) dans les aliments. L’étude semble confirmer que l’ingestion d’aliments est une voie d’exposition humaine importante aux OPE au Royaume-Uni. Les concentrations les plus élevées ont été mesurées dans le lait et les produits laitiers, puis dans les céréales et les produits à base de céréales, tandis que les concentrations les plus faibles ont été observées dans les œufs de poule. FoodNavigator, 2 pages. (15.09.2022). Publication originale : SSRN.
Toxines d’intoxication diarrhéique par les fruits de mer et cancer colorectal : les fruits de mer peuvent accumuler des toxines d’intoxication diarrhéique (IDFM), qui peuvent provoquer une maladie gastro-intestinale. Les toxines IDFM favorisent l’apparition de tumeurs susceptibles d’accroître le risque de cancer colorectal. Malgré cela, la réglementation actuelle concernant le niveau de toxines IDFM dans la chair de mollusques est, selon un nouvel article, uniquement axée sur la réduction des symptômes gastro-intestinaux. Express, 1 page. (16.09.2022).
Mycotoxine dans les substituts de viande à base de soja : une étude visait à évaluer le risque lié à l’exposition aux mycotoxines résultant du remplacement de la viande par des produits analogues d’origine végétale, afin de démontrer la nécessité de disposer d’un cadre réglementaire approprié pour les mycotoxines dans les substituts de viande. ExpoHealth, 15 pages. (22.09.2022).
Les nanoplastiques dans la chaîne agroalimentaire : les nanoplastiques présents dans le sol contaminé peuvent être absorbés par les plantes. Selon une étude récente réalisée en Finlande, lorsque des insectes sont nourris avec ces plantes et qu’ils sont ensuite eux-mêmes mangés par des poissons, la consommation de ces poissons constitue potentiellement un risque pour la santé des êtres humains. FoodNavigator, 1 page. (13.09.2022). Publication originale : Nanotoday.
Sous-produits et résidus agricoles destinés à l’alimentation des animaux : en réorganisant les systèmes de production alimentaire afin de consacrer davantage de sous-produits et de résidus agricoles à l’alimentation des animaux, on libérerait suffisamment de matière pour nourrir environ un milliard de personnes sans qu’il soit nécessaire d’augmenter la production. Existe-t-il un risque d’introduire des dangers (par exemple, des mycotoxines, des résidus de pesticides, des micro-organismes) dans la chaîne alimentaire ? EurekAlert!, 2 pages. (19.09.2022). Publication originale : Nature Food.
Pesticides dans les pâtes de fruits : les pâtes de fruits peuvent contenir de fortes concentrations de pesticides, en raison de la pulvérisation de produits chimiques agricoles sur les fruits à partir desquels le cuir de fruit est fabriqué. Les quantités de résidus contenues dans le fruit frais varient considérablement en fonction des types de fruits. FSN , 1 page. (22.09.2022). Publication originale : EWG.
Des mycotoxines dans des aliments complémentaires pour nourrissons : une étude a évalué les profils de mycotoxines et d’autres contaminants présents dans des aliments complémentaires consommés par des nourrissons et de jeunes enfants nigérians au cours de leurs 18 premiers mois de vie. La dose journalière hypothétique estimée à l’aide d’une approche déterministe semble indiquer que les nourrissons et les jeunes enfants sont soumis à une exposition chronique aux aflatoxines entre le sixième et le 18e mois. Food Control, 10 pages. (02.2023).
Adjuvants des pesticides : les adjuvants sont des produits conçus pour renforcer l’efficacité ou les propriétés physiques des mélanges de pesticides à pulvériser. Appliqué sur plus de 10 millions acres par an, l’α-(p-nonylphényl)- ω-hydroxypoly(oxyéthylène) (APNOHO) a été identifié comme étant le pesticide le plus utilisé dans l’État de Californie. L’exposition à l’APNOHO est associée à des perturbations endocriniennes, à des anomalies congénitales et à une toxicité de l’eau. ehp , 7 pages. (03.08.2022). Publication originale : ehp, Infosperber.
Substituts végétaux à la viande : les résultats d’une étude montrent que les substitus végétaux à la viande affaiblissent le système digestif gastro-intestinal des souris et qu’ils ne sont pas aussi bien digérés ni absorbés par l’organisme que la vraie viande. J. Agr. Food Chem, 1 page. (07.09.2022).
Fibres alimentaires et cancer du foie : selon de nouvelles recherches, la consommation de fibres alimentaires hautement raffinées peut accroître le risque de cancer du foie. EurekAlert, 2 pages. (26.09.2022). Publication originale : Gastroenterology.
Identification des cèpes de Bordeaux : dans le cadre d’une nouvelle étude, l’inspection visuelle a été combinée à une identification au moyen du code-barres ADN et à des analyses phylogénétiques, afin d’identifier avec précision les produits à base de cèpes de Bordeaux (Boletus edulis) vendus dans le commerce et destinés à la consommation humaine et d’évaluer leur qualité. Plusieurs produits industriels étiquetés B. edulis ne contenaient pas cette espèce, mais les espèces moins précieuses B. reticulatus, B. bainiugan ou B. meiweiniuganjun. Food Control, 7 pages. (02.2023)
mardi 1 novembre 2022
Articles les plus lus par les lecteurs du blog en octobre 2022
Je vous présente les 10 articles les plus lus au mois d'octobre 2022 par les lecteurs du blog.
Très bonne fréquentation du blog en octobre, des sujets variés ont retenu votre attention, comme celui sur l'avenir de la sécurité des aliments, qui termine en seconde position. A noter, trois ex aequo pour les places 9, 10 et 11.
Pour autant, c'est un article sur l'environnement qui est en première position, et sans doute, vous êtes-vous demandés, comment vont-ils faire pour taxer les pets et les rots des animaux ?
- En Nouvelle-Zélande, une police des pets de vaches ?
- Avenir de la sécurité sanitaire des aliments. Scénarios possibles pour les années 2022-2032, selon l'OSAV de Suisse
- Des nanoplastiques peuvent perturber les processus des cellules hépatiques et pulmonaires humaines lors d'expériences en laboratoire
- De la cuisson de la farine dans un four domestique
- Choses lues sur la sécurité des aliments, selon le Seismo Info d'octobre 2022
- Le partage des données sur la sécurité des aliments reste délicat, selon des experts
- Une étude révèle que la charcuterie est liée à plus de 90% des cas à Listeria aux États-Unis
- Possible intoxication alimentaire dans un collège de Bordeaux
- Belgique: Exercice de simulation européen d’épidémie alimentaire
- L'Espagne signale un record d'alertes alimentaires en 2021
- Étude de l'impact sur la santé publique de différents niveaux autorisés de Listeria monocytogenes dans des produits alimentaires
mercredi 22 juin 2022
L’activisme politico-écologique menace l’agriculture française
«L’activisme politico-écologique menace l’agriculture française» [par Jean-Paul Pelras], source l’agri du 21 juin 2022.
Du saccage des retenues d’eau à celui de certaines productions, en passant par le déversement de trains acheminant des céréales, les visites nocturnes d’abattoirs ou celles d’élevages, les actions, souvent violentes et impunies, visant à dénoncer les pratiques agricoles ou celles de l’agro-industrie, se multiplient sur l’ensemble du territoire français depuis quelques années. Elles sont le fait d’activistes soutenus plus ou moins implicitement par des ONG environnementales, par un syndicat agricole en particulier, par certains partis politiques de gauche, mais aussi par une frange culturelle et intellectuelle impliquée, pêle-mêle, dans la lutte contre le réchauffement climatique, la protection animale, l’usage des pesticides ou encore la précarité. Nous avons affaire ici à des groupes ou à des obédiences qui veulent transmettre un message politique, la dimension économique échappant totalement à ces mouvements et à toute rationalité.
Casser, détruire, démolir, déconstruire et réfléchir après, si tant est qu’ils en soient capables et qu’il reste encore quelque chose à bâtir sur les ruines du saccage. Voilà à quoi pourrait ressembler, in fine, la profession de foi de ces contestataires tous azimuts qui veulent abolir le «modèle» existant sans avoir expérimenté, à l’échelle planétaire, la viabilité du suivant. Cocteau disait: «Les jeunes savent ce qu’ils ne veulent pas avant de savoir ce qu’ils veulent». Formule pouvant effectivement faire mouche, à condition qu’elle soit corrélée à un résultat. Car il n’y a, pour l’instant, aucune preuve, si ce n’est loin des champs et dans certaines théories pseudos-vertueuses, permettant d’affirmer qu’une alternative mondiale à l’agriculture conventionnelle parviendra à nourrir qualitativement, quantitativement et sans «élitisme alimentaire» 9 milliards d’individus à l’aune des années 2050.
Renverser la table de l’agro-industrie pour lui préférer celle de la permaculture, de l’agriculture bio, de l’agroécologie, de l’agriculture vivrière et autre traction animale, sous-entend le retour à des pratiques usitées par nos grands-parents et nos arrières grands-parents. Lesquels ont tout fait pour mécaniser leurs exploitations afin de limiter la pénibilité, adopter des techniques visant à améliorer la productivité, promouvoir un modèle capable de maintenir, voire de développer leur compétitivité. Productivité et compétitivité, deux mots bannis du vocabulaire écologiste qui prône une agriculture où seraient utilisés moins d’intrants. Ce qui induirait une diminution des volumes alors qu’il faudra les augmenter de 50 % si l’on veut, en 2050, fournir 2 700 kcal par jour à tous les habitants de la planète.
Crise ukrainienne oblige, le récent revirement de la Commission européenne, qui souhaitait davantage de verdissement en activant le programme Farm to Fork, apporte des éléments de réponses techniques et politiques non négligeables aux interrogations qui concernent notre autonomie alimentaire. Il n’est subitement plus question de réduire de 50 % l’usage des pesticides, de tripler les surfaces en bio, d’augmenter les jachères, mais au contraire de les abandonner, au moins temporairement, pour “élargir la capacité de production de l’Union”. Des demandes qui émanent des élus et, entre autres, des professionnels de l’agriculture, donc des premiers concernés.
«Il faut changer de modèle» répondront certainement, sur un ton traditionnellement peu amène et à la lecture de ce propos, ceux qui n’ont jamais élevé une vache, taillé une vigne ou fait pousser le moindre poireau. Le fossé qui sépare les activistes écologistes du monde agricole conventionnel sera, à ce titre, de plus en plus difficile à combler. Car nous avons, d’un côté, ceux qui croient savoir et, de l’autre, ceux qui savent vraiment. Les premiers sont soutenus par des courants de pensées libertaires, idéologiques, politiques voire médiatiques. Les seconds sont confrontés aux obligations de résultats qu’imposent les bilans de fin de mois. Cette nuance ne supporte ni le fantasme, ni l’approximation, encore moins la nostalgie et l’illusion.
La paupérisation de certains secteurs d’activité agricole, les menaces qui pèsent sur notre souveraineté alimentaire, le découragement du monde paysan confronté à une stigmatisation permanente, doivent être perçus comme autant de signaux alarmants par ceux qui nous dirigent. Déléguer, par pure stratégie politicienne, quelques parcelles de pouvoir aux mouvements écologistes dont leurs représentants sont incapables de dépasser la barre des 5 % lors d’une élection présidentielle, relève d’un manque de discernement évident et d’une très dangereuse irresponsabilité. Cette irresponsabilité qui précipiterait, en seulement quelques années, le déclin irréversible de notre agriculture, mais aussi la dépendance de notre pays et de notre continent aux productions importées non contrôlées.
N’en déplaise à celles et ceux qui, bardés de certitudes politiquement correctes, n’ont jamais chaussé une paire de bottes ou tourné la clé d’un tracteur, nous sommes encore nombreux à vouloir croiser des vaches sur l’Aubrac et à vouloir vendanger nos vignes au pied des Pyrénées. En revanche, nous ne voulons pas que la France devienne, de Bordeaux à Lyon et de Lille à Perpignan, un vaste champ de genêts où «l’intelligence» d’une poignée d’inutiles aurait fini par avoir raison du bon sens paysan.