Le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) a émis un avis
sur une augmentation des infections à Shigella
ultrarésistantes aux antibiotiques (URA) aux États-Unis.
Dans un avis
de santé publié à la fin de la semaine dernière par le Health
Alert Network (HAN) du CDC, l'agence a déclaré que 5% des
infections à Shigella (shigellose) signalées en 2022 étaient
causées par des souches URA, contre 0% en 2015 (voir graphique
ci-dessus). Ces souches sont résistantes aux antibiotiques
empiriques et alternatifs couramment recommandés.
La shigellose est une affection gastro-intestinale causée par l'une
des quatre espèces de bactéries Shigella, Shigella
sonnei, S. flexneri, S. boydii ou S.
dysenteriae. Les symptômes vont de la diarrhée légère à la
dysenterie sévère. La plupart des cas sont spontanément
résolutifs, mais les antibiotiques sont fréquemment utilisés pour
traiter les symptômes plus graves et réduire l'excrétion, ce qui
peut aider à limiter la transmission.
Le CDC affirme qu'en plus de limiter les options de traitement pour
les patients, les souches de Shigella URA sont préoccupantes
car elles peuvent propager des gènes de résistance aux
antimicrobiens à d'autres bactéries entériques.
«Compte tenu de ces problèmes de santé publique potentiellement
graves, le CDC demande aux professionnels de la santé d'être
vigilants quant à la suspicion et au signalement des cas d'infection
Shigella URA à leur service de santé local ou national et
d'éduquer les patients et les communautés à risque accru sur la
prévention et la transmission», a déclaré l'agence.
Changement démographique vers des adultes à risque
L'alerte HAN fait suite à une série de rapports sur les épidémies
de Shigella URA en Europe,
au Royaume-Uni
et aux États-Unis. Bon nombre de ces épidémies se sont produites
au sein de réseaux d'hommes ayant des rapports sexuels avec des
hommes (HSH), la transmission se produisant par l'activité sexuelle.
En janvier, des chercheurs de la faculté de médecine de
l'Université de Washington et du département de santé publique de
Seattle et du comté de King ont décrit une épidémie
en cours impliquant plusieurs souches URA à Seattle qui a
commencé en 2017 et s'est propagée à la fois aux HSH et aux
sans-abri.
Les responsables du CDC affirment que l'alerte a été déclenchée
par plusieurs rapports de Shigella URA des départements de
santé de l'État à travers le pays, ainsi que par des questions de
cliniciens des maladies infectieuses sur la façon de traiter ces
infections.
«Ce qui nous a vraiment poussés à agir, c'est de recevoir ces
demandes répétées de la part de nos partenaires de santé et de
cliniciens de l'État disant «nous ne savons pas quoi faire de ce
que nous voyons», a déclaré l'épidémiologiste médicale du CDC
Louise François Watkins à CIDRAP News. «J'ai juste eu l'impression
que c'était peut-être le moment de le mettre cela en avant.»
La shigellose est généralement associée à une exposition à des
aliments ou à de l'eau contaminés par des matières fécales
humaines et est très contagieuse, se propageant facilement dans des
environnements surpeuplés et mal équipés. Elle provoque environ
450 000 cas d’infection aux États-Unis chaque année.
«Les bactéries Shigella se transmettent si facilement, et
elles ont une dose infectieuse si faible, que les épidémies sont
courantes, et vous le voyez généralement chez les personnes en
contact étroit ou dans des conditions de surpeuplement», a déclaré
le médecin du CDC Naeemah Logan.
Le CDC note qu'historiquement, Shigella sensible aux
médicaments a principalement touché les jeunes enfants (âgés de 1
à 4 ans) aux États-Unis, avec une propagation couramment observée
dans les garderies d’enfants qui ne sont pas propres.
Mais cela semble changer. Peut-être à cause de la pandémie de la
COVID-19, les cas de shigellose chez les enfants américains ont
diminué au cours des dernières années. Dans le même temps,
l'agence affirme avoir constaté une augmentation des infections à
Shigella résistantes aux antibiotiques, en particulier les
HSH, mais aussi chez les sans-abri, les voyageurs internationaux et
les personnes vivant avec le VIH.
«Il semble que nous ayons assisté à un changement démographique
vers davantage de cas chez les hommes adultes», a dit Louise
François Watkins. Et bien que le CDC ne recueille pas
systématiquement les antécédents sexuels lorsqu'il reçoit des
rapports de cas, Louise François Watkins a noté que dans des
enquêtes spécifiques sur les épidémies, des patients masculins
ont signalé de nouveaux partenaires sexuels.
Plus de 230 cas URA
Ces tendances se reflètent dans les données de l'avis de santé
HAN. De 2015 au 22 janvier de cette année, le CDC dit avoir reçu
des rapports sur 239 isolats de Shigella URA, principalement
S. sonnei (66%) et S. flexneri (34%).
L'âge médian des cas-patients était de 42 ans et sur les 232
patients pour lesquels des informations étaient disponibles, 82%
étaient des hommes. Sur les 41 patients qui ont répondu aux
questions sur l'activité sexuelle, 88% ont déclaré avoir eu des
contacts sexuels entre hommes.
Mais ce ne sont là que les cas qui ont été identifiés grâce à
la surveillance. Toutes les personnes atteintes de shigellose ne vont
pas chez le médecin, et celles qui le font n’ont pas toujours de
cultures de selles, qui doivent ensuite être transmises aux services
de santé de l'État pour une analyse plus approfondie, y compris le
séquençage du génome entier.
«C'est définitivement la
pointe de l'iceberg», a déclaré Louise
François
Watkins. «Il faut que beaucoup de choses se passent pour qu'un cas
entre dans notre système de surveillance.»