Je reproduits ci-après l’éditorial
de la revue Paysans & société mai et juin 2023 (N° 399)
de Pierre Pagesse, «La crainte d’Europe Écologie Les Verts».
L’obstination dogmatique des dirigeants Verts allemands les a
conduits à décider la suppression des trois dernières centrales
nucléaires présentes sur leur territoire. Cette décision prend sa
source chez Greenpeace qui milite dans le monde
contre l’atome. Cette organisation est très implantée
outre-Rhin : l’ancienne patronne de Greenpeace
International, Jennifer Morgan, intégrée au gouvernement, a
désormais le titre d’Ambassadrice du climat. Le ministre allemand
de l’Économie et du Climat, Robert Habeck (Grünen), rêve
d’imposer son modèle à l’Europe et pourquoi pas au monde
entier. Siemens, notre partenaire dans la centrale de Flamanville,
s’est retiré du projet et s’est converti dans la production de
turbines à gaz et d’éoliennes. Ces orientations vont à
l’encontre des réductions des émissions de CO2, objectif pourtant
affiché par le Giec, nécessaires à la transition énergétique.
La
France, dont le budget de l’État ressemble au «tonneau des
Danaïdes», saura-t-elle se redonner les moyens de réagir ? Notre
pays, avec sa production électrique assurée à 70% par nos
centrales nucléaires, est considéré comme vertueux. La totalité
de ses émissions représente 0, 9% de celles de la planète. Si la
France était à l’arrêt, nous effacerions un peu moins de six
mois des augmentations de CO2 de la Chine et de l’Inde.
L’influence des Verts est aussi européenne. Le numéro deux de la
Commission Frans Timmermans, un Néerlandais, a pour chef de cabinet
un ancien de Greenpeace…. Et ce n’est qu’une
infime partie visible de l’iceberg. Dans ce contexte, pas
de quoi s’étonner des fondements de la nouvelle Pac qui par ses
nouvelles contraintes et sa limitation des ressources ne manquera
pas, si elle est appliquée en l’état, de faire régresser la
production au détriment de notre indépendance alimentaire.
Les
violences des manifestations à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres
procèdent de la même démarche. Personnellement cela me choque. Je
voudrais saluer les efforts d’organisation des agriculteurs de ce
secteur. Ils se sont constitués en coopérative et ont fait preuve
d’une grande patience. Douze ans d’études et de démarches pour
obtenir enfin une validation de leur projet, y compris par la
Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du
logement et par le Bureau de recherches géologiques et minières. Au
fil du temps, leur prélèvement d’eau a diminué de moitié,
passant de 24 à 12 millions de m3, notamment en raison de la
disparition d’un certain nombre d’agriculteurs irrigants. Pour
les douze millions de m3 restants, le projet
consiste à faire des réserves appelées « bassines » ou
« méga-bassines » afin de stocker la moitié de l’eau
nécessaire lorsque la hauteur de la nappe phréatique,
mesurée par des piézomètres, le permet. Ceci
est fait pour diminuer de moitié les pompages pendant la période
estivale. Un projet vertueux s’il en est, très peu souvent
présenté comme tel.
Membre
du Comité de Bassin Loire Bretagne, j’ai expliqué une fois de
plus la nécessité de faire des retenues
supplémentaires pendant la période d’abondance dans nos cours
d’eau afin de pouvoir satisfaire l’ensemble des
usages y compris pendant les périodes critiques de faible
pluviométrie. Ce serait beaucoup plus efficace que la sobriété
mise en avant pour l’économie de notre pays.
L’accès
à l’énergie et à l’eau à un coût raisonnable est
indispensable aux activités de toute nature, y compris agricoles et
industrielles. Seulement 4,7% de l’eau disponible dans nos
rivières sont stockées, barrages EDF compris. C’est 20% en
Espagne et 50% au Maroc. Ne vous étonnez pas si 40% de nos légumes
viennent de ces régions-là, pourtant plus pauvres en ressources que
notre beau pays.
À
ce même Comité de Bassin, et pour la première fois de ma vie, un
des participants présents appartenant à la fonction publique m’a
indiqué en aparté qu’il ne partageait pas mes préconisations
parce qu’il était favorable à la décroissance ! Un comble
pour quelqu’un qui vit de nos impôts…
Cette décroissance ne manquera pas
d’appauvrir notre pays et de provoquer la révolte de nos
concitoyens. Nous en percevons les premiers signes. La
Française, Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au
Commissariat énergie atomique et co-présidente de l’un des
groupes du Giec, a soutenu publiquement le collectif «des
Soulèvements de la terre», acteur principal des émeutes de
Sainte-Soline, les mêmes zadistes de Sivens et de
Notre-Dame-des-Landes.
Je
voudrais réaffirmer qu’il y a un lien étroit entre
le carbone du gaz carbonique de l’air et l’eau disponible dans le
sol en ce qui concerne l’efficacité de la photosynthèse.
Cette efficacité pourrait, à elle toute seule, neutraliser
l’augmentation des émissions de CO2 à l’échelle de la
planète. Cette augmentation représente aujourd’hui environ 9
gigatonnes par an (1 gigatonne = 1 milliard de tonnes) :
cinq sont recyclées à travers les océans et les forêts, les
quatre restantes pourraient être stockées dans nos sols par une
simple évolution de nos pratiques culturales grâce à l’Agriculture
de conservation des sols. Cette évolution doit, bien entendu,
prendre en compte l’environnement agro-pédo-climatique de chacun
de nos territoires. Ce fameux 4 pour 1000 de la COP 21,
présidée par la France, pourrait nous permettre, à lui tout seul,
d’atteindre a minima la stabilité carbone tant recherchée et les
objectifs qui lui sont liés.
Oui l’agriculture,
loin d’être un problème, fait partie des solutions. À
condition de ne pas la conduire dans une impasse et de lui laisser
jouer son rôle, y compris, bien sûr, alimentaire. Il
est grand temps, comme l’a écrit Jean-Paul Oury
dans Atlantico, que tous les grands
courants politiques, et pas seulement les idéologues
écologistes, s’occupent de politique scientifique pour
réfléchir aux justes usages de la science et de la technologie,
porteurs d’avenir. Lorsque l’idéologie veut, sous couvert de
progressisme, ignorer les faits - la science, la technologie et les
lois de la physique - ce sont toujours la technique et la physique
qui l’emportent à la fin. Serons-nous dans le wagon ?