jeudi 24 octobre 2019

Une mauvaise hygiène aux toilettes, et non pas les aliments, propage des superbactéries E. coli résistantes aux antibiotiques, selon une étude britannique


« Une mauvaise hygiène aux toilettes, et non pas les aliments, propage des superbactéries E. coli résistantes aux antibiotiques », source communiqué de l’Université d’East Anglia.

Selon une nouvelle étude d’un consortium comprenant l’Université d’East Anglia (UEA), la bactérie E. coli résistante aux antibiotiques est plus susceptible d’être transmise par le biais d’une mauvaise hygiène aux toilettes que du poulet ou des aliments insuffisamment cuits.

E. coli est un organisme Dr Jekyll et Mister Hyde. Nous le portons tous inoffensivement dans notre intestin, à l'instar des animaux. Cependant, certaines souches de E. coli provoquent une intoxication alimentaire, tandis que d'autres provoquent des infections des voies urinaires et des infections après une chirurgie de l'intestin. Dans le pire des cas, ils se développent en bactériémie - infections du sang.

E. coli est devenu considérablement plus résistant aux antibiotiques au cours des 20 dernières années, tant chez l'homme que chez l'animal. Les souches avec les β-lactamases à spectre étendu (BLSE) sont particulièrement importantes. Ce sont des enzymes qui détruisent de nombreux antibiotiques importants, les pénicillines et les céphalosporines. De nombreuses souches avec des BLSE ont souvent d'autres résistances essentielles.

Mais jusqu'à présent, on ne savait pas si les E. coli résistants aux antibiotiques qui causent des infections du sang étaient présents via la chaîne alimentaire ou transmis de personne à personne.

Pour répondre à cette question, les scientifiques ont séquencé les génomes de E. coli résistants provenant de multiples sources au Royaume-Uni, notamment d'infections du sang humain, de matières fécales humaines, d'égouts humains, de lisier et de viande d'animaux, notamment du bœuf, du porc et du poulet, ainsi que des fruits et des salades.

Leur étude dans The Lancet Infectious Diseases révèle que les souches de E. coli résistantes aux antibiotiques, les ‘superbactéries’, prélevées dans le sang, les selles et les égoûts étaient similaires. La souche ‘ST131’ était dominante chez les E. coli-BLSE de tous ces types d'échantillons humains.

Les souches de E. coli résistantes provenant de la viande, principalement du poulet, du bétail et du lisier étaient très différentes de celles infectant l'homme. ST131 a été à peine vu. Au lieu de cela, les souches ST23, 117 et ST602 étaient dominantes.

En bref, il y a eu peu de croisement entre E. coli-BLSE des animaux aux humains.

L’auteur principal, le professeur David Livermore, de l’École de médecine Norwich de l’UEA, a déclaré: « Les bactéries comme E. coli vivent normalement dans l’intestin de personnes et d'animaux en bonne santé. La plupart des variétés sont inoffensives ou provoquent une diarrhée brève. »

« Mais E. coli est également la cause la plus fréquente d’empoisonnement du sang, avec plus de 40 000 cas chaque année en Angleterre seulement. Et environ 10% de ces cas sont causés par des souches hautement résistantes contenant des BLSE. »

« Les infections causées par les bactéries E. coli-BLSE sont difficiles à traiter. Et elles deviennent de plus en plus courants en ville et dans les hôpitaux. Les taux de mortalité des personnes infectées par ces souches de superbactéries sont le double de ceux des personnes infectées par des souches sensibles au traitement. »

« Les E. coli-BLSE sont également répandus dans la viande de poulet et les animaux destinés à la vente au détail, mais jusqu'à présent, l'étendue de la transmission de ces sources à l'homme était incertaine, le rôle de la chaîne alimentaire étant débattu. »

Le Professeur Livermore a déclaré: « Nous voulions savoir comment ces superbactéries se propagent - et s’il existe un lien entre la chaîne alimentaire et les humains. »

L’équipe a comparé les E. coli-BLSE provenant d'échantillons de sang humain infectés avec ceux provenant d'excréments humains, d'eaux usées, de nourriture, de boues de ferme laitière et d'animaux, dans cinq régions du Royaume-Uni, Londres, East Anglia, le nord-ouest de l'Angleterre, l'Ecosse et le Pays de Galles.

Les échantillons de sang infectés par les bactéries E. coli-BLSE provenaient des laboratoires du NHS. Les aliments étudiés comprenaient du bœuf, du porc, du poulet, des fruits et des salades.

Le Professeur Livermore a déclaré: « Nous avons examiné plus de 20 000 échantillons de matières fécales et environ 9% étaient positifs pour E. coli-BLSE dans toutes les régions, sauf à Londres, où le taux de distribution a presque doublé, avec 17%.

« Nous avons trouvé des E. coli-BSLE dans 65% des échantillons de poulet vendus au détail - allant d'un peu plus de 40% en Écosse à plus de 80% dans le nord-ouest de l'Angleterre. Cependant, les souches de E. coli résistantes étaient presque entièrement différentes de celles retrouvées dans les selles humaines, les eaux usées et les infections du sang. »

« Seuls quelques rares échantillons de viande de bœuf et de porc ont été testés positifs et nous n’avons pas détecté de E. coli-BSLE en tout dans les 400 échantillons de fruits et de légumes - dont beaucoup ont été importés au Royaume-Uni. »

« En résumé, les résultats montrent qu’il existe des souches de E. coli-ESBL adaptées à l’homme, principalement ST131, qui réside dans l’intestin et qui occasionne parfois - généralement via des infections urinaires - des infections graves. Et qu'il existe des souches animales de E. coli-ESBL»

« Mais, et surtout, il existe peu de croisement entre des souches humaines, de poulets et de bétail. La grande majorité des souches de E. coli-BSLE causant des infections humaines ne proviennent pas de la consommation de poulet, ou de tout autre élément de la chaîne alimentaire. »

« Plutôt - et indéniablement - la voie de transmission la plus probable pour les E. coli-BSLE est directement de personne à personne, avec des particules fécales d'une personne atteignant la bouche d'une autre. »

« Nous devons continuer à faire bien cuire le poulet et ne jamais manipuler de la viande crue et de la salade en alternance. Il existe de nombreuses bactéries responsables d’intoxication alimentaire, notamment d'autres souches de E. coli, qui entrent dans la chaîne alimentaire. Mais ici - dans le cas des E. coli-BSLE - il est bien plus important de se laver les mains après être allé aux toilettes. »

« Et il est particulièrement important d'avoir une bonne hygiène dans les maisons de santé, car la plupart des infections graves à E. coli se produisent chez les personnes âgées. »

Le Professeur Neil Woodford, de Public Health England, a déclaré: « Pour lutter contre la résistance aux antibiotiques, nous devons non seulement réduire les prescriptions inappropriées, mais aussi réduire le nombre d'infections. Afin de limiter les infections graves dans le sang dues à E. coli résistants aux antibiotiques, nous devons nous concentrer sur le lavage en profondeur des mains et le contrôle efficace des infections, ainsi que sur la gestion efficace des infections des voies urinaires. »

« L'utilisation prudente d'antibiotiques est essentielle chez les animaux et les humains. Les antibiotiques sont une ressource limitée. Nous avons besoin d'eux pour continuer à travailler quand nous sommes malades. »

« Nous nous sommes engagés à réduire les infections en ville et dans les établissements de santé et travaillons avec le personnel en première ligne du NHS, le NHS England, le NHS Improvement et le ministère de la Santé et des Affaires sociales. »

Dans un commentaire connexe, Amee Manges, de l’Université de la Colombie-Britannique, aborde ce que l’étude aurait pu manquer. Elle note par exemple que l'échantillonnage simultané d'isolats humains, alimentaires et environnementaux ne rend pas compte des liens passés entre les souches de E. coli d'origine humaine et animale.

En d'autres termes, des souches de E. coli-BLSE adaptées à l'homme pourraient avoir émergé, à un moment donné dans le passé, de sources animales. Une étude publiée l'année dernière dans mBio en est un exemple: une sous-lignée de ST131 (ST131-H22) qui circule dans la volaille depuis les années 1940 et qui prévaut dans la viande de poulet et de dinde représente un faible pourcentage de infections de l’appareil urinaire.

Manges fait également valoir que l'étude actuelle, tout en échantillonnant une collection vaste et diversifiée de réservoirs d'infection à E. coli causant une infection sanguine, ne représente qu'une fraction de la diversité totale de la bactérie E. coli en circulation et ignore les E. coli non ESBL retrouvés chez l'animal, l'homme et l’environnement qui sont très similaires génétiquement. Elle conclut que des systèmes de surveillance intégrant les systèmes de santé humaine et animale et les agences d'inspection des aliments sont nécessaires pour détecter les nouvelles lignées de E. coli multirésistantes susceptibles de menacer la santé publique.

« Une seule introduction d'un clone résistant hautement réussi pourrait suffire à déclencher la prochaine pandémie (non-ST131) », écrit Manges.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire