En déplacement à Terre de Jim début septembre, le président de la République a marqué des points auprès des professionnels d’un monde agricole particulièrement inquiet. Agacé par l’agribashing de certains, le chef de l’Etat a rappelé les dangers qui pèsent sur notre souveraineté alimentaire : «une France où on devra, pour manger, importer des produits qui viendront de l’étranger avec des standards sanitaires et écologiques nettement inférieurs aux nôtres». Des propos qui dessinent une défense plus active de notre agriculture et réitérés par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, lors de son audition devant la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, le 21 septembre dernier. La souveraineté alimentaire «est un enjeu déterminant» que le ministère prend à bras le corps avec d’autant plus de détermination que «les événements en Ukraine» ont tout «bouleversé».
Le cap fixé est le bon, mais depuis quelques semaines, l’élan a laissé place à un doute qui prend aujourd’hui des accents amers. La faute à une certaine apathie gouvernementale. Le ministre de l’Agriculture a pourtant eu le temps nécessaire pour prendre la mesure des enjeux. A titre d’exemple, le Plan de Souveraineté dédié aux fruits et légumes n’a accouché que de deux réunions de lancement. Les problèmes évoqués sont pourtant connus depuis très longtemps et ont encore soulignés avec acuité dans un rapport sénatorial publié le 28 septembre.
Les difficultés persistent et l’inflation astronomique des prix de l’énergie vient ajouter une menace de faillite pour nombre d’exploitations. L’heure est plus que jamais à la prise de décisions. La «loi d’orientation et d’avenir agricole» qui doit être présentée au premier semestre 2023 risque déjà d’arriver trop tard.
Pour bien comprendre les craintes des agriculteurs et leur incompréhension croissante vis-à-vis de l’apathie du gouvernement, il suffit de s’arrêter sur la question des produits phytosanitaires. Le règlement SUR et la stratégie «Farm to Fork» prévoient une baisse spectaculaire de l’utilisation des produits phytosanitaires par les pays membres de l’UE (-50 % en moyenne d’ici à 2030). Priver ces mêmes agriculteurs de produits phytosanitaires (via les interdictions de plus en plus nombreuses de molécules et la baisse drastique des quantités utilisables) est une condamnation à des rendements bien plus faibles et une crise de la souveraineté alimentaire sans précédent. Bref, une agriculture de la décroissance et des prix très élevés pour les consommateurs.
Les actes politiques posés par la France ces dernières semaines sont en contradiction avec les objectifs déclarés lors des rencontres avec les agriculteurs. Pourquoi le ministre de l’Agriculture français n’a-t-il rien trouvé à redire – contrairement à dix de ses homologues européens – à l’étude d’impact menée par la Commission européenne sur le règlement SUR ? La non-prise en compte des événements en Ukraine et des conséquences socioéconomiques de l’interdiction d’utilisation des produits phytosanitaires dans les zones sensibles est une hérésie. Demander une «nouvelle étude d’impact améliorée» qui tient compte d’un contexte nouveau et durable serait la moindre des choses.
L’abstention du ministre de l’Agriculture à l’occasion du vote du Scopaff ou Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale relatif à la prorogation d’un an de l’autorisation d’usage du glyphosate interroge elle aussi. Un produit indispensable pour beaucoup d’agriculteurs, mais dont la défense ne suscite aucune réaction chez le ministre français. Marc Fesneau est-il un pilote d’avion ou un simple passager d’un avion sans pilote ?
"Gouverner, c'est prévoir". Pour le nucléaire, comme pour l'agriculture, l'exécutif n'a absolument rien prévu. Mon analyse pour @lopinion_fr 👇 https://t.co/5hlHUN4sQl
— GRW (@AEGRW) October 21, 2022
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