«Imprégnation de la population Française par les mycotoxines. Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016», source
Santé
publique France, 14 octobre 2022.
Esteban : Étude de santé sur l’environnement, la
biosurveillance, l’activité physique et la nutrition.
Résumé
Les mycotoxines sont des substances secrétées par certaines souches
toxinogènes de plusieurs espèces de moisissures (champignons
microscopiques) telles qu’Aspergillus, Penicillium, Fusarium,
Byssochlamys, Alternaria, etc. qui contaminent
notamment les céréales et les végétaux avant et ou après la
récolte. La toxicité des mycotoxines dépend de l’espèce et de
la nature de la toxine. Elles sont en général thermostables,
résistent aux procédés de transformation et peuvent se retrouver
dans de nombreuses denrées alimentaires et être responsables
d’intoxications aiguës ou chroniques chez l’homme ou les
animaux. Sur les 300 à 400 mycotoxines connues, une dizaine d’entre
elles peuvent être à l’origine de pathologies animales ou
humaines : les aflatoxines (AF), l’ochratoxine A (OTA), les
fumonisines le déoxynivalénol (DON), les toxines T-2 et HT-2, les
trichotécènes (TC), la zéaralénone (ZEN) et les patulines qui
contaminent les fruits notamment la pomme. En 1993, le CIRC (Centre
international de recherche sur le cancer) a classé les aflatoxines
dans le groupe 1, cancérogène pour l’homme ; l’AFB1, considérée
comme l’un des plus puissants cancérogènes génotoxiques
naturels, est classé dans le groupe 1 (CIRC, 2002). L’organe cible
est le foie. Quant à l’OTA, il est considéré comme peut-être
cancérogène pour l’homme et classé dans le groupe 2B (1993) ;
chez l’homme tout comme chez les animaux, le rein est le principal
organe cible. L’OTA aurait aussi des effets immunotoxiques et
neurotoxiques. De par leurs effets néfastes, l’exposition aux
mycotoxines doit rester aussi faible que possible pour protéger la
population. L’OMS encourage à surveiller les teneurs en
mycotoxines dans les aliments car elles représentent un risque pour
la santé humaine et animale. En France, les données d’imprégnation
de la population française par les mycotoxines sont quasi
inexistantes à l’exception d’une étude réalisée dans trois
régions françaises, Alsace, Aquitaine et Rhône-Alpes. L’étude
transversale Esteban (Étude de santé sur l’environnement, la
biosurveillance, l’activité physique et la nutrition) a permis de
mesurer les niveaux d’imprégnation par les aflatoxines et l’OTA
de la population en France continentale âgée de 6 à 74 ans entre
avril 2014 et mars 2016. L’objet de cette note est de présenter
les résultats de l’imprégnation par les AF et l’OTA, et
d’analyser les déterminants de l’exposition à l’OTA chez les
adultes. Les aflatoxines B1, B2, G1, G2, M1 n’étaient pas
quantifiées, ni chez les enfants ni chez les adultes. Pour l’OTA,
le pourcentage de quantification était égal à 45,5% chez les
enfants et à 47,8% chez les adultes. Les moyennes géométriques des
niveaux d’imprégnation par l’OTA étaient inférieures à la LOQ
ou non fournies compte tenu du taux de censure important. La
recherche des déterminants de l’exposition par l’OTA,
essentiellement alimentaire, chez les adultes montrait une
augmentation de l’imprégnation avec la consommation de
charcuteries. Toutes les associations n’avaient probablement pas pu
être identifiées du fait de la petite taille de l’échantillon.
Une prochaine étude de biosurveillance pourrait permettre
d’approfondir la recherche de déterminants des imprégnations
observées et d’élargir la connaissance de l’imprégnation de la
population française à d’autres mycotoxines.
Conclusion
Ces résultats malgré leurs limites restent importants car Esteban
est la première enquête en population générale française qui
décrit l’imprégnation de la population française aux aflatoxines
et à l’OTA. Les résultats ne montraient pas d’exposition aux
aflatoxines chez les adultes et chez les enfants. Cependant les
résultats d’Esteban montraient une large exposition de la
population à l’OTA qui est un néphrotique et un cancérigène
possible (CIRC, groupe 2B). Il est probable que la non hydrolyse des
échantillons avant le dosage ait eu un effet sur les résultats par
une sous-estimation car la forme conjuguée de l’OTA a pu échapper
au dosage. Malgré tout, l’OTA a été quantifiée dans les
échantillons d’un individu sur deux aussi bien chez les enfants
que chez les adultes. La comparaison des résultats de l’étude
Esteban chez les adultes avec des études étrangères reste
difficile à faire pour différentes raisons : taille d’échantillon
faible, méthodes et performances analytiques. Par exemple, les
limites de détection et de quantification utilisées lors du dosage
de l’OTA dans Esteban étaient plus élevées que celles des études
étrangères. Le caractère exploratoire de l’étude de
l’imprégnation par les mycotoxines dans l’étude Esteban doit
amener à interpréter avec précaution les résultats observés.
Dans cette étude, L’imprégnation par l’OTA chez les adultes
augmentait notamment avec la consommation de charcuterie. Les
associations observées mériteraient d’être mieux étudiées lors
des prochaines études de biosurveillance afin d’approfondir ou
d’améliorer la connaissance des déterminants de l’imprégnation
par l’OTA de la population française chez les adultes et d’en
déterminer ceux chez les enfants. Par ailleurs, il serait
souhaitable d’élargir la connaissance de l’exposition de la
population aux mycotoxines et donc d’analyser d’autres
mycotoxines qui sont aussi suspectés d’avoir des effets néfastes
sur la santé humaine par exemple le déoxynivalenol (DON, effets
immunotoxiques et hématologiques), le zéaralenone (ZEN, activité
ostrogénique), la patuline (PAT, effets gastro-intestinaux,
cytotoxique, immunotoxique, perturbations hormonales) ou encore la
fumonisine B1 (FB1) comme c’est le cas dans d’autres études
étrangères.
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