jeudi 20 octobre 2022

Imprégnation de la population Française par les mycotoxines

«Imprégnation de la population Française par les mycotoxines. Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016», source Santé publique France, 14 octobre 2022.
Esteban : Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition.

Résumé
Les mycotoxines sont des substances secrétées par certaines souches toxinogènes de plusieurs espèces de moisissures (champignons microscopiques) telles qu’Aspergillus, Penicillium, Fusarium, Byssochlamys, Alternaria, etc. qui contaminent notamment les céréales et les végétaux avant et ou après la récolte. La toxicité des mycotoxines dépend de l’espèce et de la nature de la toxine. Elles sont en général thermostables, résistent aux procédés de transformation et peuvent se retrouver dans de nombreuses denrées alimentaires et être responsables d’intoxications aiguës ou chroniques chez l’homme ou les animaux. Sur les 300 à 400 mycotoxines connues, une dizaine d’entre elles peuvent être à l’origine de pathologies animales ou humaines : les aflatoxines (AF), l’ochratoxine A (OTA), les fumonisines le déoxynivalénol (DON), les toxines T-2 et HT-2, les trichotécènes (TC), la zéaralénone (ZEN) et les patulines qui contaminent les fruits notamment la pomme. En 1993, le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a classé les aflatoxines dans le groupe 1, cancérogène pour l’homme ; l’AFB1, considérée comme l’un des plus puissants cancérogènes génotoxiques naturels, est classé dans le groupe 1 (CIRC, 2002). L’organe cible est le foie. Quant à l’OTA, il est considéré comme peut-être cancérogène pour l’homme et classé dans le groupe 2B (1993) ; chez l’homme tout comme chez les animaux, le rein est le principal organe cible. L’OTA aurait aussi des effets immunotoxiques et neurotoxiques. De par leurs effets néfastes, l’exposition aux mycotoxines doit rester aussi faible que possible pour protéger la population. L’OMS encourage à surveiller les teneurs en mycotoxines dans les aliments car elles représentent un risque pour la santé humaine et animale. En France, les données d’imprégnation de la population française par les mycotoxines sont quasi inexistantes à l’exception d’une étude réalisée dans trois régions françaises, Alsace, Aquitaine et Rhône-Alpes. L’étude transversale Esteban (Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition) a permis de mesurer les niveaux d’imprégnation par les aflatoxines et l’OTA de la population en France continentale âgée de 6 à 74 ans entre avril 2014 et mars 2016. L’objet de cette note est de présenter les résultats de l’imprégnation par les AF et l’OTA, et d’analyser les déterminants de l’exposition à l’OTA chez les adultes. Les aflatoxines B1, B2, G1, G2, M1 n’étaient pas quantifiées, ni chez les enfants ni chez les adultes. Pour l’OTA, le pourcentage de quantification était égal à 45,5% chez les enfants et à 47,8% chez les adultes. Les moyennes géométriques des niveaux d’imprégnation par l’OTA étaient inférieures à la LOQ ou non fournies compte tenu du taux de censure important. La recherche des déterminants de l’exposition par l’OTA, essentiellement alimentaire, chez les adultes montrait une augmentation de l’imprégnation avec la consommation de charcuteries. Toutes les associations n’avaient probablement pas pu être identifiées du fait de la petite taille de l’échantillon. Une prochaine étude de biosurveillance pourrait permettre d’approfondir la recherche de déterminants des imprégnations observées et d’élargir la connaissance de l’imprégnation de la population française à d’autres mycotoxines.

Conclusion
Ces résultats malgré leurs limites restent importants car Esteban est la première enquête en population générale française qui décrit l’imprégnation de la population française aux aflatoxines et à l’OTA. Les résultats ne montraient pas d’exposition aux aflatoxines chez les adultes et chez les enfants. Cependant les résultats d’Esteban montraient une large exposition de la population à l’OTA qui est un néphrotique et un cancérigène possible (CIRC, groupe 2B). Il est probable que la non hydrolyse des échantillons avant le dosage ait eu un effet sur les résultats par une sous-estimation car la forme conjuguée de l’OTA a pu échapper au dosage. Malgré tout, l’OTA a été quantifiée dans les échantillons d’un individu sur deux aussi bien chez les enfants que chez les adultes. La comparaison des résultats de l’étude Esteban chez les adultes avec des études étrangères reste difficile à faire pour différentes raisons : taille d’échantillon faible, méthodes et performances analytiques. Par exemple, les limites de détection et de quantification utilisées lors du dosage de l’OTA dans Esteban étaient plus élevées que celles des études étrangères. Le caractère exploratoire de l’étude de l’imprégnation par les mycotoxines dans l’étude Esteban doit amener à interpréter avec précaution les résultats observés. Dans cette étude, L’imprégnation par l’OTA chez les adultes augmentait notamment avec la consommation de charcuterie. Les associations observées mériteraient d’être mieux étudiées lors des prochaines études de biosurveillance afin d’approfondir ou d’améliorer la connaissance des déterminants de l’imprégnation par l’OTA de la population française chez les adultes et d’en déterminer ceux chez les enfants. Par ailleurs, il serait souhaitable d’élargir la connaissance de l’exposition de la population aux mycotoxines et donc d’analyser d’autres mycotoxines qui sont aussi suspectés d’avoir des effets néfastes sur la santé humaine par exemple le déoxynivalenol (DON, effets immunotoxiques et hématologiques), le zéaralenone (ZEN, activité ostrogénique), la patuline (PAT, effets gastro-intestinaux, cytotoxique, immunotoxique, perturbations hormonales) ou encore la fumonisine B1 (FB1) comme c’est le cas dans d’autres études étrangères.

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