Encore une fois le
concombre arrive masqué …
Résumé
Le 9 Septembre 2021,
l'Agence régionale de Santé (ARS) des Hauts-de-France était
informée d'une suspicion de toxi-infection alimentaire collective
(TIAC) touchant des élèves demi-pensionnaires, scolarisés dans
plusieurs écoles d'une commune de la Métropole lilloise. Le 13
septembre 2021, deux cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU)
étaient diagnostiqués chez deux enfants hospitalisés, scolarisés
dans cette commune. Santé publique France Hauts-de-France a été
sollicité par l'ARS des Hauts-de-France afin d'apporter un appui aux
investigations et à la gestion de cette TIAC.
Au total, 35 cas de
gastro-entérite, avec diarrhées glairo-sanglantes et fièvre
(>38°C) dans la moitié des cas, ont été identifiés. Dix cas
ont été hospitalisés et deux enfants ont développé un SHU. Les
cas identifiés étaient des élèves demi-pensionnaires dans quatre
groupes scolaires (29 cas), un parent d'élève et des personnes
âgées bénéficiant du service de portage de repas à domicile de
la commune (5 cas). Les cantines des cas étaient toutes
approvisionnées par la cuisine centrale municipale. L'allure de la
courbe épidémique était en faveur d'une source commune et
ponctuelle de contamination lors des repas des 2 ou 3 septembre 2021.
Compléments issu de l’étude
et de l’enquête
Personnes
L’âge médian des cas
était de 8 ans [min-max : 4-89 ans] et 64% étaient de sexe féminin.
Cliniquement, la
symptomatologie décrite était dominée par des signes digestifs bas
(diarrhées et fortes douleurs abdominales) associés à une
hyperthermie (> 38°) dans près de la moitié des cas (48%).
Diarrhées et douleurs abdominales ont été rapportées par près de
9 cas sur 10 (87%) avec présence de sang dans les selles pour la
moitié d’entre eux (53%). Dix cas (âgés de 8 à 85 ans) ont été
hospitalisés et deux enfants ont développé un SHU sévère, qui a
nécessité plusieurs jours de prise en charge en réanimation et
séances d’épuration extra-rénale (dialyses).
E.coli
O157:H7 hautement pathogène, producteur des shiga-toxines 1 et 2
(stx1
et stx2)
et porteur des gènes de virulence eae
et ehxA
a été isolé des coprocultures de huit des dix cas hospitalisés
pour diarrhées glairo-sanglantes ou SHU (2 adultes et 6 enfants),
directement (cas primaire) ou indirectement (cas secondaire) liés à
la TIAC survenue dans la commune.
Enquête cas-témoins
L'enquête cas-témoins,
réalisée dans les établissements scolaires, concluait que seule la
consommation de concombres en salade, servis au repas du 2 septembre,
était statistiquement et significativement associée à la survenue
de la maladie.
Une souche d'E.
coli
producteur de Shiga-toxines (STEC) O157, hautement pathogène, a été
isolée dans les coprocultures de huit cas, dont les deux enfants
ayant développé un SHU et dans la salade de concombres incriminée.
L'analyse génomique des souches a confirmé le regroupement
génétique des souches cliniques et alimentaires qui appartenaient à
un même cluster génomique.
L'enquête vétérinaire a
mis en évidence qu'une défaillance dans le processus de
décontamination, associée à un épluchage incomplet des concombres
contaminés, ont contribué à la survenue de cette TIAC. Les
concombres incriminés provenaient de Belgique et les autorités
sanitaires belges ont été informées via les
circuits d'alerte européens dédiés.
Aucun autre épisode de cas
groupés en lien avec cette TIAC n’a été signalé à l’ARS
alors que des concombres du même lot que ceux à l’origine de la
TIAC avaient été largement distribués dans plusieurs lycées,
foyers et restaurants de la région des Hauts-de-France. Aucune vente
directe aux consommateurs n’avait eu lieu.
Le véhicule alimentaire,
incriminé dans cette TIAC, fait partie des végétaux à risque du
fait de son mode de consommation cru. Il est important de rappeler
aux populations vulnérables et aux services de restauration
collective, que la prévention du risque d'infection à STEC, liée à
la consommation de végétaux crus passe par le lavage, la
désinfection et l'épluchage.
Les inspections et
investigations conduites par la DDPP 59 à la cuisine centrale
municipale ont mis en évidence des facteurs qui ont probablement
contribué à la survenue de la TIAC :
- Le processus défaillant
de la décontamination des concombres, avant leur préparation, du
fait de l’utilisation d’une solution chlorée périmée dont la
date d’expiration était dépassée depuis 2018 et dont la
consistance anormalement visqueuse rendait plus difficile sa dilution
dans le bac de décontamination ;
- L’épluchage partiel
des concombres (une bande sur deux) qui n’a pas permis d’éliminer
la contamination de surface des concombres.
Discussion
Le nombre réel de cas et
de personnes infectées est probablement sous-estimé au regard du
nombre important de repas servis (environ 1 000 repas par jour) et
reflète le recensement a posteriori des cas, probablement les plus
sévèrement atteints.
Aucun autre épisode de cas
groupés en lien avec cette TIAC n’a été signalé à l’ARS
alors que des concombres du même lot que ceux à l’origine de la
TIAC avaient été largement distribués dans plusieurs lycées,
foyers et restaurants de la région des Hauts-de-France. Aucune vente
directe aux consommateurs n’avait eu lieu.
Néanmoins, un cas infecté
par une souche génétiquement rattachée au cluster génomique de la
TIAC a été identifié a posteriori par le Centre national de
références des E.
coli, Shigella
et Salmonella
(CNR-ESS, Institut Pasteur).
Ce cas, dont la date des symptômes était concomitante à celle des
autres cas survenus dans le cadre de la TIAC de la Métropole
lilloise, a fait l’objet d’investigation épidémiologique, mais
ces investigations n’ont pas permis de retrouver de lien
épidémiologique avec la TIAC de la Métropole lilloise, ni de
confirmer la consommation de concombres par le cas.
La TIAC, décrite dans ce
rapport, ne constitue peut-être que la partie visible de la portée
sanitaire réelle de
cette épidémie au regard de l’importance du lot incriminé et de
sa distribution large. L’absence d’autres signalements sanitaires
pourrait être due aussi à une contamination hétérogène du lot de
concombres incriminés ou des procédés de préparation qui ont
permis de limiter les risques dans les autres structures de
restaurations destinataires.
Commentaire
Enquête bien documentée
et détaillée de ce côté là, le travail a été bien fait.
On n’a pas d’information
sur la santé des enfants afin de savoir s’ils se sont bien
rétablis ou si des séquelles persistent.
Cela montre aussi qu’il
n’y a vraisemblablement pas eu d’inspection de cette cuisine
collective depuis plusieurs années.
Un dernier point, il est
rappelé des mesures de précaution pour les viandes hachées, parmi
lesquelles on peut lire, «Pour limiter le risque de contamination,
la cuisson des viandes hachées doit être effectuée à cœur en
s’assurant que la viande est cuite au centre et qu’elle n’est
plus rosée.»
Le CDC des Etats-Unis rapporte que «Vous ne pouvez pas savoir si les aliments sont cuits
en toute sécurité en vérifiant leur couleur et leur texture.»
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La revue PROCESS
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