La
résistance aux antibiotiques - ou antibiorésistance - est un
enjeu de santé publique majeur. Conserver l’efficacité des
antibiotiques contre les bactéries passe notamment par comprendre
comment ces résistances fonctionnent et comment les bactéries
deviennent résistantes. Explications.
Les
antibiotiques sont des médicaments qui servent à lutter contre les
infections dues à des bactéries. Ils ont sauvé et sauvent encore
des millions de vies chaque année, mais leur efficacité est menacée
car les bactéries peuvent s’adapter et résister au traitement. On
parle de résistance aux antibiotiques ou aux antibactériens.
«L’antibiorésistance désigne à la fois une dynamique qui existe
depuis l’utilisation des antibiotiques, mais aussi l’ensemble des
mécanismes que les bactéries utilisent pour résister à ces
traitements», résume Didier Mazel responsable de l’unité
Plasticité du génome bactérien à l’Institut Pasteur.
Comment
les résistances fonctionnent ?
Plusieurs
mécanismes de résistance existent et peuvent conduire à une même
insensibilité au traitement. La plupart du temps, la bactérie va
soit altérer l’antibiotique lui-même, soit la molécule cible
avec laquelle celui-ci réagit normalement, ce qui dans les deux cas
le rend inefficace. D’autres formes de résistance moins efficaces
sont connues, comme la pompe d’efflux, qui permet d’expulser
l’antibiotique en dehors de la bactérie.
«La
surveillance de l’antibiorésistance passe par la mesure de la
fréquence des souches sensibles ou résistantes à un antibiotique,
c’est-à-dire la proportion de bactéries devenues insensibles à
ce médicament», poursuit Céline Loot, chercheuse dans l’unité
de Didier Mazel.
Comment
les bactéries deviennent résistantes ?
Quand
elles sont confrontées à un antibiotique, les bactéries évoluent
: les lignées résistantes se reproduisent mieux et finissent par
devenir majoritaires.
Mais
les nouvelles résistances se propagent bien plus vite par des
mécanismes dits de «transferts horizontaux» : la résistance se
transmet entre des organismes de lignées différentes, et non d’une
bactérie à ses descendantes.
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La conjugaison, lorsque des
bactéries se transmettent entre elles des petits morceaux de
matériel génétique, appelés des plasmides, et qui peuvent porter
des gènes qui fournissent des résistances. «Les plasmides peuvent
se transmettre entre des genres bactériens très différents, ce qui
en fait le mécanisme de transmission de résistances le plus
important et celui que nous voudrions le plus contrôler», précise
Céline Loot.
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La transformation naturelle, qui a
lieu quand une bactérie intègre de l’ADN présent dans son
environnement.
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La transduction, qui consiste en un
transfert de matériel génétique entre une bactérie et un virus
qui l’infecte. Ce mécanisme joue cependant un rôle mineur dans
l’acquisition de résistance.
«Tout
ce qui va stresser les bactéries va favoriser les transferts
horizontaux, alerte Didier Mazel. C’est le cas des antibiotiques
même à faible concentration, comme dans les eaux usées où l’on
en trouve des traces. C’est d’autant plus le cas là où on
concentre des bactéries, comme dans les biofilms, des communautés
de cellules qui adhérent aux supports solides, et qui peuvent se
former par exemple sur le matériel médical».
La
lutte contre l’antibiorésistance, un enjeu de santé publique
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La prévention
Pour
combattre l’antibiorésistance, «le plus efficace reste la
prévention, souligne Céline Loot. Aujourd’hui, les foyers de la
résistance sont en Asie du Sud-Est, où l’on voit une utilisation
massive d’antibiotiques sans prescription médicale, qu’il
faudrait limiter».
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Des alternatives aux antibiotiques actuels
«Nous
sommes en quête de nouvelles molécules dont on aurait une
utilisation prudente pour prévenir l’apparition de nouvelles
résistances», développe la chercheuse. Les scientifiques
développent aussi de nouveaux modes de traitements, «comme les
bactériophages, ou rendre de nouveau la bactérie sensible à
l’antibiotique. On souhaite aussi empêcher les transferts
horizontaux pour limiter la dispersion des résistances. Au final, on
devient très créatifs !», décrit Didier Mazel.
La
recherche fondamentale reste nécessaire, puisque c’est sur ces
connaissances que s’appuie le développement de nouvelles approches
thérapeutiques.
ESKAPEE
: sept pathogènes à surveiller
Parmi
les bactéries incriminées dans l’antibiorésistance, un groupe de
sept pathogènes identifiés sous le terme de bactéries ESKAPEE
constitue notamment une menace sérieuse. Ce sont les bactéries
résistantes qui représentent le plus un problème de santé
publique selon l’OMS, et sur lesquelles la recherche se focalise.
Ces bactéries sont à l’origine de nombreuses infections
nosocomiales : des infections pulmonaires, urinaires ou
post-opératoires, mais aussi parfois des septicémies chez les
patients immunodéprimés.
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Enterococcus faecium,
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Staphylococcus aureus,
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Klebsiella pneumoniae,
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Acinetobacter baumannii,
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Pseudomonas aeruginosa,
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Enterobacter spp.,
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Escherichia coli.