Depuis mai 2022, le
ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, est aussi celui de la Souveraineté
alimentaire. Un intitulé perçu comme un signe fort par le monde
agricole. Mais la France reste aussi «souveraine» dans la
surtransposition, les tracasseries, l’agribashing… Le point (dans
le désordre) après 8 mois.
Il y a le sujet de l’interdiction des emballages plastiques pour
les colis de fruits et légumes frais de moins de 1,5 kg. Une
initiative politique nationale, qui ne s’appliquerait qu’aux
fruits et légumes français. Le décret d’application a été
annulé par le Conseil d’Etat. Qu’a cela ne tienne, un nouveau
décret a été rédigé et soumis à Bruxelles. De son côté, la
Commission européenne prépare un règlement communautaire qui
pourrait entrer en application en 2024. La France pourrait alors
attendre. «Si nous avons rédigé un nouveau décret, ce n’est pas
pour attendre» a expliqué Marc Fesneau en répondant à notre
question au Sival.
Souveraineté alimentaire française 0, Reste du monde* 1 ;
La filière fécule est l’une des rares filières agricoles
exportatrices. De plus, le secteur est hautement stratégique, la
fécule étant utilisée dans de nombreux secteurs de l’industrie,
et notamment l’industrie pharmaceutique. Elle est en difficulté
car pas assez compétitive par rapport à d’autres cultures. Son
interprofession (GIPT)
demande 500 euros/ha de pommes de terre féculières, soit une
enveloppe globale de 8 à 9 millions d’euros/an pour 2023 et 2024.
Pas de réponse.
Souveraineté alimentaire française 0, Reste du monde 2 ;
La cerise est victime depuis de nombreuses années d’une mouche, la
Drosophila suzukii. Les molécules permettant de lutter contre
cet insecte ont été interdites les unes après les autres, la
dernière a vu son interdiction confirmée à la fin de l’année.
Interpellé, le ministre propose d’indemniser les producteurs.
Pendant ce temps, les cerises turques (souvent traitées au
diméthoate, la principale molécule interdite) pourront conquérir
le marché Français. Marc Fesneau s’engage à utiliser la clause
de sauvegarde, mais son usage n’est pas simple.
Souveraineté alimentaire française 0, Reste du monde 3 ;
La betterave a besoin de néonicotinoïdes pour se protéger contre
la jaunisse. Au terme d’un imbroglio politique, administratif et
judiciaire, la France renonce à cet usage, devenant le seul pays au
monde à interdire totalement ce type de produit. La filière
betterave est une filière d’excellence, tant pis.
Souveraineté alimentaire française 0, Reste du monde 4 ;
Le label Haute Valeur Environnementale (HVE) a été créé par le
ministre (PS) de l’Agriculture Stéphane Le Foll. La majorité de
l’époque était, rappelons-le, une coalition avec notamment le PS
et les Verts. HVE est une réponse intelligente, utile, lisible pour
mettre en place le principe de l’agro-écologie. Le Label
fonctionne parfaitement et gagne tous les ans de nouveaux adeptes
dans de nouveaux secteurs agricoles. Ça
fonctionne : ce n’est pas normal. Durcissons les règles pour ce
Label. Ce n’est pas assez estime une partie de la filière bio, qui
préfère, au lieu de se remettre en question, attaquer les autres
agricultures. La FNAB et le Synabio, entre autres, ont saisi le
Conseil d’Etat.
Souveraineté alimentaire française 0, Reste du monde 5 ;
Allez, l’agriculture française marque aussi des buts. Les lois
Egalim fonctionnent, au moins pour certaines filières et ont permis
de renforcer le revenu de producteurs aux dires même de ces
filières. Ça vaut un but. Il
y a aussi le Varenne de l’eau qui va dans le bon sens et que le
Gouvernement semble vouloir appliquer à la lettre. «Il n’y a pas
d’agriculture sans eau» ont répété l’un après l’autre les
ministres de l’Agriculture et de l’Ecologie. 1 but aussi.
Souveraineté alimentaire française 2, Reste du monde 5 ;
Et maintenant ? Considérons que nous sommes à la mi-temps. Marc
Fesneau doit présenter au Salon de l’Agriculture le plan de
souveraineté fruits, légumes et pommes de terre frais. Il y a aussi
le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles en juin
prochain. Quelques mois pour remonter au score.
* L’équipe reste du monde est composée des administrations
nationales et européennes (guidées par les Gouvernements), les
Gouvernements, les ONG environnementalistes, …