Affichage des articles dont le libellé est bactéries. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est bactéries. Afficher tous les articles

mercredi 26 avril 2023

L'utilisation d'antimicrobiens dans l'agriculture peut engendrer des bactéries résistantes aux défenses humaines de première ligne

«L'utilisation d'antimicrobiens dans l'agriculture peut engendrer des bactéries résistantes aux défenses humaines de première ligne», source Université d’Oxford.

Une nouvelle étude menée par l'Université d'Oxford a montré que la surutilisation d'antimicrobiens dans la production animale peut entraîner l'évolution de bactéries plus résistantes à la première ligne de la réponse immunitaire humaine. Les résultats, publiés dans la revue eLife, indiquent que les porcs et les poulets d'élevage pourraient héberger de grands réservoirs de bactéries à résistance croisée, capables d'alimenter de futures épidémies.

Les infections résistantes aux antimicrobiens sont l'une des menaces les plus graves pour la santé mondiale, et il est urgent de développer de nouveaux antimicrobiens efficaces. Une solution prometteuse pourrait être les peptides antimicrobiens (AMPs pour antimicrobial peptides). Ce sont des composés naturellement produits par la plupart des organismes vivants, y compris les animaux, et ils jouent un rôle important dans l'immunité innée, notre première ligne de défense contre les infections bactériennes.

Cependant, certains AMPs sont également largement utilisés dans la production animale, à la fois pour contrôler les infections et comme promoteurs de croissance. Cela a soulevé des inquiétudes quant au fait que l'utilisation d'AMPs agricoles peut générer des bactéries à résistance croisée qui pourraient alors surmonter la réponse immunitaire innée humaine.

Dans cette nouvelle étude, menée par l'Université d'Oxford, des chercheurs ont démontré que l'évolution de ces bactéries à résistance croisée est non seulement possible, mais aussi très probable.

Pour tester l'idée, les chercheurs ont utilisé la colistine, un AMP produit par une bactérie (Bacillus polymyxa) qui est chimiquement et fonctionnellement similaire aux AMPs produits chez les animaux. La colistine est devenue de plus en plus importante en tant que «dernière ligne de défense» pour le traitement des infections causées par des bactéries multirésistantes. Cependant, l'utilisation intensive de la colistine dans la production animale depuis les années 1980 a entraîné la propagation de bactéries E. coli portant des gènes de résistance mobile à la colistine (MCR pour mobile colistin resistance).

Dans cette étude, E. coli portant un gène MCR (MCR-1) a été exposé à des AMPs connus pour jouer un rôle important dans l'immunité innée chez les poulets, les porcs et les humains. Les bactéries ont également été testées pour leur sensibilité au sérum humain, qui contient un cocktail complexe de composés antimicrobiens, et pour leur capacité à infecter les larves de la fausse teigne de la cire (Galleria mellonella).

Faits saillants
- En moyenne, le gène MCR-1 a augmenté la résistance aux AMPs de l'hôte de 62%, par rapport aux bactéries dépourvues du gène. Cette résistance accrue a fourni un fort avantage sélectif au gène MCR-1 en présence d'AMPs.
- De même, E. coli porteur du gène MCR-1 étaient au moins deux fois plus résistants à la destruction par le sérum humain.
- E. coli porteur du gène MCR-1 avait une virulence accrue sur les larves de teigne de la cire, par rapport aux souches témoins dépourvues du gène. Les larves injectées avec E. coli porteurs du gène MCR-1 ont montré une survie réduite d'environ 50%, par rapport aux larves injectées avec E. coli témoin.

Les résultats démontrent que l'utilisation d'AMPs bactériens dans l'agriculture peut générer une large résistance croisée à la réponse immunitaire innée humaine.

Cette étude suggère cependant que la résistance à ces antimicrobiens peut avoir des conséquences imprévues sur la capacité des agents pathogènes à provoquer une infection et à survivre chez l'hôte. Ceci est particulièrement inquiétant car cela suggère que E. coli porteur du gène MCR-1 pourrait avoir un net avantage sélectif même si l'utilisation de la colistine est soigneusement contrôlée.

NB : Merci à Joe Whitworth d’avoir signalé cette étude.

samedi 22 avril 2023

Une nouvelle découverte arrête la contamination des phages

«Une nouvelle découverte arrête la contamination via un virus bactérien», source EurekAlert!

Une nouvelle découverte par des chercheurs de l'Université de Warwick pourrait aider à arrêter la contamination des bactéries par des virus, réduisant ainsi les perturbations et les coûts de l'industrie et de la recherche.

Les bactéries sont couramment utilisées dans la recherche biologique et biomédicale. Ils sont cruciaux dans la production alimentaire et les biotechnologies industrielles émergentes, où les «usines» bactériennes peuvent être utilisées pour produire de nouveaux matériaux, médicaments et produits chimiques. La biotechnologie industrielle utilise des micro-organismes comme alternatives aux processus industriels traditionnels et est cruciale pour le développement durable. Cependant, ces micro-organismes, comme nous, sont susceptibles de contracter une infection.

Les virus ciblant les bactéries, les infections par des ‘phages’, peuvent facilement contaminer les laboratoires et les usines microbiennes. Cela entraîne des temps d'arrêt importants dans la recherche et les processus industriels, qui coûtent de l'argent, ainsi que des protocoles de désinfection rigoureux et lents à rectifier.

L’étude publiée dans le Journal of the American Chemical Society montre comment un simple produit ajouté aux bactéries peut prévenir l'infection. Cette nouvelle découverte, issue des départements de chimie, de la faculté de médecine et des sciences de la vie de l'Université de Warwick, en collaboration avec la société de biosciences Cytiva Ltd, vise à développer des biotechnologies industrielles de nouvelle génération et à éliminer un goulot d'étranglement dans la recherche fondamentale.

Le professeur Matthew Gibson, Département de chimie et Warwick Medical School à l'Université de Warwick, a déclaré : «Notre équipe interdisciplinaire a examiné comment nous pouvons déployer des biomatériaux pour relever les défis de la santé et de la biotechnologie, et le problème de la contamination par les phages est un gros problème. Nous avons criblé un grand nombre de polymères (grosses molécules) et en avons trouvé un qui était particulièrement actif, empêchant les phages de tuer les bactéries et stoppant leur réplication.

«Ce qui est très excitant, c'est que le polymère que nous avons découvert est déjà produit à l'échelle industrielle et est facile à utiliser en l'ajoutant simplement aux liquides déjà utilisés pour la croissance bactérienne. Notre découverte peut aider à la fabrication durable de produits chimiques, de matériaux et de médicaments à l'aide de bactéries, en empêchant la contamination et la perte d'usines bactériennes dues à l'infection.»

dimanche 16 avril 2023

Les hommes malades des animaux. Des bactéries résistantes aux antibiotiques pourraient être transmises entre les chiens et les chats et leurs propriétaires

«Une étude anglo-portugaise montre que des «superbactéries» résistantes aux antibiotiques sont transmises entre les chiens et les chats et leurs propriétaires, selon une étude qui le suggère fortement», source EurekAlert!, d’après l’European Congress of Clinical Microbiology & Infectious Diseases (ECCMID) Copenhague, 15-18 avril 2023.

Des personnes au Royaume-Uni et au Portugal sont porteuses des mêmes bactéries multirésistantes que leurs animaux de compagnie ; c’est un appel à ce que les chiens et les chats soient inclus dans les évaluations de la résistance aux antibiotiques.

La preuve que des bactéries multirésistantes sont transmises entre les chats et les chiens de compagnie et leurs propriétaires sera présentée à l’ECCMID.

Selon une étude portugaise, six animaux de compagnie au Portugal et un au Royaume-Uni étaient porteurs de bactéries résistantes aux antibiotiques similaires à celles retrouvées chez leurs propriétaires.

La découverte souligne l'importance d'inclure les ménages possédant des animaux de compagnie dans les programmes visant à réduire la propagation de la résistance aux antimicrobiens.

La résistance aux antibiotiques atteint des niveaux dangereusement élevés dans le monde entier. Les infections résistantes aux médicaments tuent environ 700 000 personnes par an dans le monde et, avec un chiffre qui devrait atteindre 10 millions d'ici 2050 si aucune mesure n'est prise.

L’OMS a déclaré que la résistance aux antimicrobiens était l’une des 10 plus grandes menaces pour la santé publique auxquelles se trouvait confrontée l’humanité.
L’utilisation abusive et excessive des antimicrobiens est le principal facteur ayant conduit à l’apparition de pathogènes résistants aux médicaments.

Les chiens, les chats et autres animaux de compagnie sont connus pour contribuer à la propagation d'agents pathogènes résistants aux antibiotiques qui peuvent causer des maladies humaines. Juliana Menezes et ses collègues du Laboratoire de résistance aux antibiotiques du Centre de recherche interdisciplinaire en santé animale de la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Lisbonne, Portugal, ont voulu savoir si les animaux de compagnie traités avec des antibiotiques pour des infections partageaient ces agents pathogènes avec leurs propriétaires.

Les chercheurs ont testé des échantillons fécaux de chiens et de chats et de leurs propriétaires pour les entérobactéries (une grande famille de bactéries qui comprend E. coli et Klebsiella pneumoniae) résistantes aux antibiotiques courants.

Ils se sont concentrés sur les bactéries résistantes aux céphalosporines de troisième génération (utilisées pour traiter un large éventail d'affections, notamment la méningite, la pneumonie et la septicémie, elles sont classées parmi les antibiotiques les plus importants pour la médecine humaine par l'OMS) et les carbapénèmes (qui font partie de la dernière ligne de défense lorsque d'autres antibiotiques ont échoué). L'étude longitudinale prospective a impliqué cinq chats, 38 chiens et 78 humains de 43 ménages au Portugal et sept chiens et huit humains de sept ménages au Royaume-Uni.

Au Portugal, un chien (1 animal de compagnie sur 43, 2,3%) a été colonisé par une souche de Escherichia coli multirésistante productrice de carbapénase OXA-181. L'OXA-181 est une enzyme qui confère la résistance aux carbapénèmes.

Trois chats et 21 chiens (24/43 animaux de compagnie, 55,8%) et 28 propriétaires (28/78, 35,9%) hébergeaient des entérobactéries productrices de BLSE/Amp-C. Celles-ci sont résistantes aux céphalosporines de troisième génération.

Dans huit ménages, deux maisons avec des chats et six avec des chiens, l'animal de compagnie et le propriétaire étaient porteurs de bactéries productrices de BLSE/AmpC. Dans six de ces maisons, l'ADN des bactéries isolées des animaux de compagnie (un chat et cinq chiens) et de leurs propriétaires était similaire, ce qui signifie que ces bactéries ont probablement été transmises entre les animaux et les humains. On ne sait pas s'ils ont été transférés d'un animal de compagnie à un humain ou vice versa.

Au Royaume-Uni, un chien (1/7, 14,3%) a été colonisé par des E. coli multirésistants produisant des bêta-lactamases NDM-5 et CTX-M-15. Ces E. coli sont résistants aux céphalosporines de troisième génération, aux carbapénèmes et à plusieurs autres familles d'antibiotiques.

Des entérobactéries productrices de BLSE/AmpC ont été isolées chez cinq chiens (5/7, 71,4%) et trois propriétaires (3/8, 37,5%).

Dans deux ménages avec des chiens, l'animal et le propriétaire étaient porteurs de bactéries productrices de BLSE/AmpC. Dans l'une de ces maisons, l'ADN des bactéries isolées du chien et du propriétaire était similaire, ce qui suggère que les bactéries sont probablement passées de l'un à l'autre. La direction du transfert n'est pas claire.

Tous les chiens et chats ont été traités avec succès pour leurs infections de la peau, des tissus mous et des voies urinaires.

Les propriétaires n'avaient pas d'infections et n'avaient donc pas besoin de traitement.

Mme Menezes, doctorante, a dit : «Dans cette étude, nous apportons la preuve que des bactéries résistantes aux céphalosporines de troisième génération, des antibiotiques d'importance critique, sont transmises des animaux de compagnie à leurs propriétaires.»

«Les chiens et les chats peuvent contribuer à la propagation et à la persistance de ces bactéries dans la communauté et il est d'une importance vitale qu'ils soient inclus dans les évaluations de la résistance aux antimicrobiens.»

«Les propriétaires peuvent réduire la propagation des bactéries multirésistantes en pratiquant une bonne hygiène, notamment en se lavant les mains après avoir ramassé les excréments de leur chien ou de leur chat et même après les avoir caressés.»

En Allemagne
Dans une autre étude, «Des chiens et des chats pourraient transmettre des microbes résistants aux antibiotiques aux propriétaires, selon une étude», source The Guardian, d’après l’European Congress of Clinical Microbiology & Infectious Diseases (ECCMID) Copenhague, 15-18 avril 2023.

Des écouvillons prélevés sur des personnes hospitalisées ont trouvé des microbes partagés avec des animaux domestiques à la maison montrant la même résistance aux antibiotiques.

Des chiens et des chats en bonne santé pourraient transmettre des organismes multirésistants aux propriétaires hospitalisés. De plus, les humains pourraient transmettre ces microbes dangereux à leurs animaux de compagnie, selon de nouvelles recherches qui seront présentées au prochain Congrès européen de microbiologie clinique et des maladies infectieuses à Copenhague. Cependant, les chercheurs ont souligné que le risque d'infection croisée est actuellement faible.

L'étude de plus de 2 800 patients hospitalisés et de leurs animaux de compagnie a été réalisée par le Dr Carolin Hackmann de l'hôpital universitaire Charité de Berlin, en Allemagne, et ses collègues. «Nos résultats confirment que le partage de micro-organismes multirésistants entre les animaux de compagnie et leurs propriétaires est possible», a-t-elle dit lors de la conférence.

samedi 8 avril 2023

Des gènes de résistance aux antibiotiques retrouvés dans des bactéries probiotiques provenant d’aliments et de compléments alimentaires

«Des gènes de résistance aux antibiotiques retrouvés dans des bactéries probiotiques provenant d’aliments et de compléments alimentaires», source article de Chris Dal paru le 7 avril 2023 dans CIDRAP News.

Une analyse d'importantes souches de bactéries probiotiques isolées à partir d'aliments et de compléments alimentaires probiotiques a révélé la présence de plusieurs gènes de résistance aux antibiotiques (GRAs), ont rapporté des chercheurs hongrois dans Eurosurveillance, «A survey on antimicrobial resistance genes of frequently used probiotic bacteria, 1901 to 2022».

À l'aide du séquençage de nouvelle génération, des scientifiques de l'Université de médecine vétérinaire de Budapest ont examiné 579 isolats de 12 espèces bactériennes probiotiques couramment présentes dans les aliments fermentés et non fermentés et les compléments alimentaires probiotiques pour la présence de GRAs, de plasmides et d'éléments génétiques mobiles intégratifs (EGMis) qui peuvent permettre l'échange de GRAs entre les bactéries. Sur les 579 isolats, 169 (29%) représentant 10 des 12 espèces étaient GRA-positifs.

Les mécanismes de résistance dans lesquels les GRAs identifiés se sont précédemment révélés impliqués comprenaient l'efflux d'antibiotiques, l'inactivation d'antibiotiques et l'altération de la cible d'antibiotiques. Parmi les espèces probiotiques analysées, Bifidobacterium animalis et Lactococcus lactis avaient la proportion la plus élevée d'échantillons positifs pour les GRAs.

L'analyse a également révélé que 66% des isolats positifs aux GRAs contenaient au moins un gène pouvant être lié à un plasmide ou à un EGMi.

«Notre étude confirme que de nombreux GRAs sont présents dans les espèces bactériennes probiotiques constituant le bactériome des produits comestibles et que beaucoup d'entre eux sont mobiles», ont écrit les auteurs de l'étude. «Ainsi, l'application et la consommation de certaines souches bactériennes probiotiques pourraient avoir le potentiel de contribuer à l'apparition et à la propagation de la résistance aux antimicrobiens.»

Les auteurs notent que si les GRAs identifiés peuvent affecter l'activité de plusieurs classes d'antibiotiques utilisés en médecine humaine et animale, la présence de GRAs n'entraîne pas nécessairement une résistance phénotypique. Ils disent que d'autres études d'expression génique et des évaluations des valeurs minimales de concentration inhibitrice seraient nécessaires pour déterminer si les souches probiotiques porteuses de GRAs sont résistantes aux antibiotiques.

«Étant donné que nos résultats suggèrent que la prévalence de GRAs mobiles n'est peut-être pas négligeable, il pourrait être utile d'envisager l'élaboration de lignes directrices pour surveiller ces GRAs mobiles», ont-ils conclu.

Dans la conclusion, les auteurs notent,
Nos résultats suggèrent que certaines espèces bactériennes probiotiques peuvent contenir une proportion plus élevée de GRAs, tandis que d'autres peuvent représenter une proportion plus faible. Nous observons également qu'une proportion considérable de GRAs que nous avons identifiés étaient mobiles. Dans l'Union européenne, il existe des recommandations avec des suggestions méthodologiques pour l'analyse du séquençage du génome entier des micro-organismes de la chaîne alimentaire. Cependant, ces recommandations ne fournissent pas de directives détaillées pour l'analyse du mobilome. Étant donné que nos résultats suggèrent que la prévalence des GRAs mobiles pourrait ne pas être négligeable, il pourrait être utile d'envisager l'élaboration de lignes directrices pour surveiller ces GRAs mobiles.

Message clé de santé publique

Que vouliez-vous aborder dans cette étude ?
La résistance aux antimicrobiens (RAM) est un défi pour le traitement des infections. Chez les bactéries, la résistance aux antimicrobiens repose sur des gènes de résistance aux antibiotiques (GRAs), dont certains peuvent être mobiles. Dans certaines conditions, les bactéries avec des GRAs mobiles peuvent transférer leurs GRAs à d'autres bactéries. Si des bactéries avec des GRAs mobiles se trouvent dans les aliments, elles peuvent, lors de l'ingestion, transmettre ces GRAs aux bactéries présentes dans le tube digestif de l'homme. Nous avons souhaité faire la lumière sur les GRAs chez les espèces bactériennes probiotiques, en particulier leurs caractéristiques de mobilité.

Qu'avons-nous appris de cette étude ?
Parmi 12 espèces probiotiques d'intérêt, nous avons analysé en détail 10 espèces couramment utilisées dans les aliments non fermentés et fermentés ou les compléments alimentaires probiotiques. À l'aide de la bioinformatique, nous avons examiné leurs données génétiques pour les GRAs, puis évalué si les GRAs étaient mobiles. Dans l'ensemble, plusieurs types de GRAs ont été retrouvés. Leur occurrence variait d'une espèce à l'autre, aucun GRA n'étant détecté chez deux espèces. Parmi les échantillons de bactéries avec des GRAs, une proportion considérable avait des GRAs qui étaient probablement mobiles.

Quelles sont les implications de vos découvertes pour la santé publique ?
Manger des aliments qui contiennent des bactéries avec des GRAs mobiles peut permettre à ces bactéries de s'approcher d'autres bactéries présentes dans le corps humain. Cette proximité pourrait faciliter le transfert de GRAs mobiles des bactéries alimentaires vers d'autres bactéries de l'intestin, même pathogènes. Bien que l'acquisition de GRAs mobiles ne confère pas toujours la résistance aux antiicrobiens, l'extension des recommandations actuelles pour détecter les traits fonctionnels potentiels préoccupants chez les bactéries utilisées pour l'alimentation pourrait être envisagée, avec le dépistage des GRAs mobiles dans les bactéries probiotiques.

NB : La photo est d’Elena Nachaeva/iStock.

lundi 3 avril 2023

Quorum sensing ou de la communication entre les bactéries

L’American Society for Microbiology est ravie de féliciter la Dr Bonnie Bassler, boursière de l'American Academy of Microbiology, pour sa réception du Prix international de la fondation Gairdner 2023 du Canada pour son travail sur la détection du quorum sensing

Un nouveau domaine de la microbiologie a émergé et les découvertes de Bonnie L. Bassler, E Peter Greenberg et Michael R. Silverman sont au cœur de celui-ci, façonnant et définissant le domaine que nous connaissons maintenant sous le nom de quorum sensing. Ils sont récipiendaires du Prix international de la fondation Gairdner 2023 du Canada

lundi 6 mars 2023

One Health : Des bactéries résistantes à des antimicrobiens couramment utilisés sont encore fréquemment détectées chez les humains et les animaux, selon l'ECDC et l'EFSA

«Des bactéries résistantes à des antimicrobiens couramment utilisés sont encore fréquemment détectées chez les humains et les animaux»,
source EFSA du 6 mars 2023.

Une résistance de Salmonella et Campylobacter aux antimicrobiens couramment utilisés est fréquemment observée chez les humains et les animaux, révèle un rapport publié aujourd'hui par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cependant, la résistance simultanée à des antimicrobiens d'importance critique pour les humains a généralement été détectée à de faibles concentrations, sauf pour certains types de Salmonella et de Campylobacter coli dans plusieurs pays.

«La résistance aux antimicrobiens est l’une des plus grandes menaces auxquelles nous sommes confrontés dans le monde entier et elle affecte tant les humains, que les animaux et l’environnement. Travailler ensemble reste essentiel pour résoudre ce problème complexe. Dans notre travail, nous incarnons l'approche «Une seule santé», qui tient compte des liens étroits et de l'interdépendance de la santé des humains, des animaux, des plantes et de l'environnement dans son ensemble», ont déclaré dans une déclaration conjointe Mike Catchpole et Carlos Das Neves, respectivement scientifiques en chef de l’ECDC et de l’EFSA.

Des tendances encourageantes ont été observées dans plusieurs pays, où une proportion croissante de bactéries provenant d'animaux producteurs d'aliments se sont révélées sensibles à tous les antimicrobiens testés. En outre, la prévalence des bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) et de bactéries E. coli productrices de bêta-lactamases AmpC (AmpC) diminue.

Une diminution de la résistance de Salmonella à l'ampicilline et à la tétracycline a également été observée chez les humains dans plusieurs pays au cours de la période 2013–2021. Ce phénomène était particulièrement évident pour S. Typhimurium, un type de Salmonella couramment associé aux porcs et aux veaux, qui est souvent multirésistant aux médicaments. Les données montrent également des tendances à une diminution de la résistance de Campylobacter jejuni à l'érythromycine chez les humains et les poulets de chair.

Ce type d'antimicrobien est très important dans le traitement de la campylobactériose.

Toutefois, pour la même période, le rapport montre également une tendance croissante de la résistance de S. Enteritidis et de C. jejuni à la ciprofloxacine chez les humains. S. Enteritidis et C. jeuni causent la plupart des cas d'infection à la salmonellose et à la campylobactériose chez les humains.

Des tendances similaires ont été observées chez C. jejuni provenant de poulets de chair entre 2009 et 2020, où la résistance à la ciprofloxacine a augmenté dans plusieurs pays. Le niveau de résistance à la ciprofloxacine chez Campylobacter est maintenant si élevé que cet antimicrobien ne peut plus être recommandé dans le traitement des infections graves à Campylobacter chez les humains.

La résistance de E. coli aux carbapénèmes demeure rare chez les humains et les animaux producteurs d'aliments . Les carbapénèmes étant une classe d'antimicrobiens de dernier recours, toute découverte d'une résistance chez les bactéries zoonotiques serait préoccupante. Par conséquent, il faut continuer à surveiller de près et à étudier la résistance aux carbapénèmes.

On lira dans ce contexte «La résistance aux antibiotiques en santé animale en 11 questions», document du 16 novembre 2022 de l’Anses.

L'antibiorésistance est une problématique majeure à la fois pour la santé humaine et animale. L'émergence et la diffusion de souches de bactéries résistantes aux antibiotiques remettent en question l'efficacité de ces traitements. Préserver l'efficacité des antibiotiques constitue donc un réel défi de santé publique qui nécessite une approche intégrée selon le concept One Health, une seule santé humaine et animale.

samedi 7 janvier 2023

Le microbiome d'un centre commercial est le reflet de ses clients

Les centres commerciaux sont une plaque tournante de l'activité, tant pour les personnes que pour les agents pathogènes. De nouvelles recherches en microbiologie sur le microbiome des centres commerciaux sont publiées sur le site de l’American Society for Microbiology (ASM); cela montre que le microbiome d'un centre commercial reflète ses clients (A Shopping Mall’s Microbiome Mirrors Its Shoppers).

Faits saillants
- Des chercheurs ont analysé les populations microbiennes des surfaces de 20 centres commerciaux en Chine.
- Chaque microbiome du centre commercial était différent, mais l'étude a trouvé un noyau commun, comprenant de nombreux agents pathogènes.
- Une meilleure compréhension des microbiomes des centres commerciaux pourrait améliorer les stratégies de surveillance des menaces émergentes pour la santé publique.

Les gens affluent vers les centres commerciaux pour toutes sortes de raisons. Mais l'argent n'est pas la seule chose qu'ils laissent derrière eux, et les sacs à provisions ne sont pas les seules choses qu'ils rapportent à la maison.

Cette semaine dans mSystems, des chercheurs rapportent (Dynamics of Microbial Community and Potential Microbial Pollutants in Shopping Malls) que les sols, escaliers mécaniques et autres surfaces des centres commerciaux ont leurs propres communautés microbiennes, assemblées à partir des microbes des personnes qui les traversent. Le microbiome du centre commercial comprend une grande partie d'agents pathogènes potentiels, en particulier à l'intérieur du bâtiment, ce qui suggère que la transmission de surfaces à personne pourrait propager la maladie.

«Les surfaces des centres commerciaux agissent comme une voie par laquelle les microbes se déplacent entre les zones des centres commerciaux, même entre des régions très éloignées», a dit Xin-Li An de l'Institut de l'environnement urbain (IUE) de l'Académie chinoise des sciences, à Xiamen. Elle a codirigé l'étude avec Jian-Xin Xu, au même institut. «L'exposition de la population au microbiome du centre commercial modifie peut-être la trajectoire de la santé en mettant des personnes en contact avec des agents pathogènes», a-t-elle dit.

Les résultats suggèrent que le mouvement des agents pathogènes dans un centre commercial ne se limite pas aux rencontres de personne à personne, mais peut également se produire par le biais de transmissions de personnes aux surfaces ou de surfaces aux personnes.

Dans des études précédentes, des chercheurs en Chine ont rapporté que les centres commerciaux avaient été au centre de nombreuses épidémies locales de la Covid-19 pendant la pandémie. Ces études ont amené An et ses collègues à réfléchir au rôle des centres commerciaux, qui rassemblent des personnes pour diverses activités, dans la propagation des agents pathogènes en général.

«Les centres commerciaux pourraient être un environnement de propagation de la contamination microbienne», a dit An.

Les chercheurs ont prélevé des échantillons au printemps et à l'été 2022 sur les sols et les escaliers mécaniques de 20 centres commerciaux de Xiamen, Chine, ainsi que sur l'extérieur immédiat du bâtiment, y compris les sols de la ceinture verte et la poussière des routes. Ils ont utilisé le séquençage de l'ARNr 16s pour analyser les échantillons de populations bactériennes et l'amplification ITS (Internal Transcribed Spacer) pour identifier les espèces fongiques. Ils ont trouvé la plus grande richesse en espèces bactériennes dans les sols des centres commerciaux, suivis des escaliers mécaniques, puis de la poussière des routes, et enfin des sols de la ceinture de verdure.

Les environnements intérieurs ont montré des concentrations plus élevées d'agents pathogènes humains, ainsi qu'une proportion plus élevée de gènes associés à la résistance aux antimicrobiens, que les prélèvements extérieurs. Les espèces qui dominaient la population variaient selon la saison. Et bien que les microbiomes variaient d'un centre commercial à l'autre et d'une saison à l'autre, les chercheurs ont trouvé une communauté microbienne centrale qui était partagée dans plus de 80% des 274 prélèvements totaux. La plupart de ces microbes étaient associés à des agents pathogènes potentiels.

Ce noyau comprenait Acinetobacter baumannii, une bactérie Gram négatif à l'origine de nombreuses infections nosocomiales. Il y avait également Kocuria kristinae, une bactérie Gram positif habituellement inoffensive qui vit sur la peau et peut provoquer des infections chez les patients dont le système immunitaire est affaibli. Cladosprorium, une type de moisissure qui peut provoquer des allergies et, dans certains cas, des infections, faisait également partie de la communauté de base.

Les travaux d'An à l'IUE se concentrent sur les agents pathogènes humains, en particulier les virus et les bactéries dotés de gènes de résistance aux antimicrobiens, dans les environnements urbains. Outre les centres commerciaux, ces environnements comprennent les usines de traitement des eaux usées, les marchés humides et les fermes. Comprendre le microbiome du centre commercial est un élément important d'un objectif plus large de surveillance des menaces potentielles pour la santé publique. La prochaine étape consiste à collecter plus de données sur la façon dont un microbiome de centre commercial change dans le temps et dans l'espace, et à rechercher plus de points communs.

La nouvelle étude suggère une autre direction pour de nouvelles recherches, a ajouté An, pour étudier les expositions microbiennes qui surviennent par la respiration. Dans une future étude, les chercheurs prévoient de se concentrer sur le microbiome de l'air dans les centres commerciaux.

lundi 19 décembre 2022

Vie et mort d’une bactérie «altruiste»

Image de fluorescence d'un biofilm de
Caulobacter. Les cellules vivantes sont marquées en vert, les cellules mortes en rose et la libération d'ADN extracellulaire pendant la mort cellulaire est représentée en bleu. Crédit Cécile Berne.

«Vie et mort d’une bactérie «altruiste», source Université de Montréal.

Une nouvelle étude dirigée par Yves Brun démontre comment certaines bactéries vivant en communauté dans un biofilm se sacrifient pour assurer la survie du groupe.

Les biofilms, communautés complexes de bactéries, abondent autour de nous: à la surface du fromage, où ils sont responsables des saveurs et des arômes; dans les cours d'eau, où ils forment la substance visqueuse sur les rochers; mais aussi sur nos dents, où ils causent la plaque dentaire.

Vivre dans un biofilm comporte de nombreux avantages pour les bactéries, tels que le partage des ressources, un abri contre les prédateurs et une résistance accrue aux composés toxiques comme les antibiotiques.

Cependant, avoir la possibilité de quitter le biofilm lorsque les conditions environnementales se détériorent peut être avantageux et permet aux bactéries de se reloger dans un environnement plus hospitalier.

«Pour la bactérie Caulobacter crescentus, le biofilm devient une sorte de prison à perpétuité: une fois que les cellules sont attachées à une surface par un adhésif puissant produit à l’une de leur extrémité, elles ne peuvent plus s’en détacher, explique Yves Brun, professeur au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal. Cependant, lorsque ces cellules attachées se divisent, leurs rejetons - les cellules filles - ont le choix de rester dans le biofilm ou de s'en éloigner.»

Rester ou quitter la communauté
Comment les cellules décident-elles de rester ou de quitter le biofilm? «Nous avons montré dans une étude précédente que, lorsqu’une partie des cellules de Caulobacter meurent dans un biofilm, elles libèrent leur ADN, ce qui empêche les cellules filles de s'implanter dans ce même biofilm, favorisant ainsi leur dispersion loin d'environnements où leurs semblables meurent», ajoute le chercheur.

Avec son équipe de recherche, il a donc voulu déterminer si la mort cellulaire se produit de manière aléatoire lorsque la qualité de l'environnement diminue ou s'il s'agit d'un processus régulé répondant à un signal précis.

«Nous avons mis en lumière que Caulobacter utilise un mécanisme de mort cellulaire programmée qui pousse certaines cellules à se sacrifier lorsque les conditions à l'intérieur du biofilm se détériorent, avance Cécile Berne, membre de l’équipe de recherche d’Yves Brun et auteure principale de l’étude. Connu sous le nom de système toxine-antitoxine, ce mécanisme recourt à une toxine qui cible une fonction vitale pour la bactérie et son antidote associé, l'antitoxine. La toxine est plus stable que l'antitoxine et, lorsque la mort cellulaire programmée est lancée, la quantité d’antitoxine est réduite, entraînant la mort cellulaire.»

Qu'est-ce qui pousse certaines cellules du biofilm à se sacrifier? «En utilisant une combinaison de génétique et de microscopie, nous avons remarqué que le système toxine-antitoxine est activé lorsque l'oxygène devient rare, car le biofilm s'agrandit et les cellules se disputent l'oxygène disponible», poursuit Cécile Berne.

La mort d'un sous-ensemble de cellules qui en résulte libère de l'ADN, ce qui favorise la dispersion de leurs frères et sœurs vivants vers des environnements potentiellement plus hospitaliers, empêchant ainsi une surpopulation qui réduirait davantage la qualité de l'environnement dans le biofilm.

S’attaquer à la résistance des biofilms dangereux
Les biofilms ont des conséquences positives ou négatives sur notre vie quotidienne. Parmi les aspects positifs, les bactéries vivant dans des biofilms sont couramment utilisées dans la production alimentaire, le traitement des eaux usées ou la dépollution.

«Le côté négatif par contre est que le mode de vie en biofilm est aussi une stratégie employée par les bactéries pathogènes pour devenir plus résistantes aux antibiotiques. C’est pourquoi comprendre les mécanismes qui déterminent l'équilibre entre le mode de vie des biofilms et celui des bactéries qui s’éloignent du biofilm aidera à élaborer des solutions pour relever le défi de la résistance aux antibiotiques. Cela aidera aussi à favoriser la formation de biofilms lorsque nous le souhaitons et à les éliminer lorsque nous ne les souhaitons pas», conclut Yves Brun.

L’article «eDNA-stimulated cell dispersion from Caulobacter crescentus biofilms upon oxygen limitation is dependent on a toxin-antitoxin system», par Cécile Berne, Sébastien Zappa et Yves Brun, a été publié dans eLife le 7 décembre 2022.

vendredi 2 décembre 2022

Pour faire la vaisselle, êtes-vous brosse ou éponge ?

Dans un article de mai 2022 sur les planches à découper en bois, je vous informais de l’intérêt hygiénique, donc de la nettoyabilité, d’utiliser chez vous ce type de planche, tout en sachant que l’on ne doit pas trancher des aliments crus et cuits sur la même planche à découper.

Récemment, je rapportais en novembre 2022 dans deux articles issus de l’ASM (American Society for Microbiology), ce qu’il en était de la présence des microbes dans nos habitats quotidiens et du rôle essentiel du nettoyage dans Désinfecter la maison : mythes, règles et meilleures pratiques et Les habitants microbiens de nos appareils et outils quotidiens de nettoyage.

Voici ci-après le résumé d’un article scientifique paru en janvier 2021 dans International Journal of Food Microbiology (article en accès libre) sur «Éponges et brosses pour faire la vaisselle : pratiques des consommateurs et croissance et survie des bactéries».

Faits saillants
- Les éponges sont plus couramment utilisées que les brosses pour la vaisselle
- Les brosses sèchent plus vite que les éponges et les bactéries meurent plus vite dans les brosses.
- La présence de chlore, faire bouillir et le lave-vaisselle sont efficaces pour réduire la présence de Salmonella dans la brosse et l'éponge.

Résumé
Les éponges sont fréquemment utilisées dans les cuisines et il a été démontré qu'elles hébergent un grand nombre de bactéries, parfois aussi des agents pathogènes. On en sait moins sur les brosses de cuisine concernant l'utilisation et la présence de bactéries. Dans la présente étude, l'utilisation d'éponges et de brosses a été étudiée dans une enquête auprès de 9 966 consommateurs européens dans dix pays (Danemark, France, Hongrie, Allemagne, Grèce, Norvège, Portugal, Roumanie, Espagne et Royaume-Uni), et la croissance et la survie des bactéries dans les éponges et les brosses ont été examinées dans des expériences en laboratoire.

Les éponges étaient les ustensiles de nettoyage préférés pour la vaisselle dans la majorité des pays, tandis que les brosses étaient le plus fréquemment utilisées au Danemark et en Norvège. Les consommateurs changent généralement leurs éponges à des temps réguliers, mais aussi en raison de signaux sensoriels (sale, malodorant, visqueux) et des événements d'utilisation tels que l'essuyage de jus de viande peut déclencher le remplacement.

Outre le nettoyage de la vaisselle, plus d'un quart des utilisateurs de brosses à vaisselle l'utilisent également pour nettoyer une planche à découper souillée par du jus de viande de poulet.

L'absorption d'eau et le taux de séchage variaient considérablement, à la fois entre les différentes éponges et entre les brosses et les éponges, où les brosses séchaient le plus rapidement. Campylobacter a survécu un jour dans toutes les éponges et Salmonella plus de sept jours dans deux des trois types d'éponges. Dans le type d'éponge qui séchait le plus lentement, il y avait une croissance de Salmonella dès le premier jour et se trouvait toujours à des niveaux plus élevés que dans les autres types d’éponges. Des bactéries non pathogènes se sont développées dans les éponges et ont atteint des niveaux d'environ 9 log UFC/éponge. Dans les brosses, tous les types de bactéries sont morts avec le temps. Campylobacter et Salmonella ont été réduits de plus de 2,5 log en dessous de la limite de détection respectivement, après un et trois jours. Les études sur les bactéries ont révélé une tendance à la domination de bactéries Gram négatif et un passage à une prévalence relative élevée de Pseudomonas au fil du temps dans les éponges. Le dénombrement par gélose et l'analyse des bactéries ont confirmé que les pathogènes étaient minoritaires par rapport aux autres bactéries.

Les traitements des éponges et des brosses au chlore, à l'ébullition ou au lave-vaisselle ont été efficaces pour réduire Salmonella.

Nous concluons que les brosses sont plus hygiéniques que les éponges et que leur utilisation doit être encouragée. Les éponges ou brosses contaminées doivent être remplacées ou nettoyées lorsqu'elles ont pu être en contact avec des micro-organismes pathogènes, par exemple lorsqu’elles sont utilisées sur des déversements d'aliments crus. Le nettoyage des éponges et des brosses au chlore, à l'eau bouillante ou au lave-vaisselle peut être une alternative sûre à leur remplacement par des éponges et des brosses neuves.

Conclusions et conseils aux consommateurs
Les conseils d'utilisation des éponges ou des brosses par des autorités de sécurité aliments sont limités. Le présent travail soutient les recommandations de sécurité des aliments pour les consommateurs de l'OMS de ne pas utiliser d'éponges pour le nettoyage. Les brosses sont un bon substitut au lavage de la vaisselle. L'utilisation de brosses est déjà courante dans certains pays et l'adoption de cette pratique dans d'autres pays devrait donc être possible, même si elle nécessiterait des efforts de la part des autorités sanitaires, des établissements d'enseignement et des acteurs du marché.

Dans la présente étude, des différences dans les pratiques de nettoyage entre les pays ont été trouvées, des variations dans le séchage et la survie des bactéries pathogènes dans les nouvelles éponges et brosses ont été observées, et les méthodes de nettoyage ont été évaluées. Ces éléments constituent la base des recommandations suivantes :

Utilisez des brosses plutôt que des éponges pour laver la vaisselle. Il est plus hygiénique d'utiliser des brosses : 1) Les brosses sèchent plus rapidement et le risque de croissance/survie de Salmonella et de Campylobacter est plus faible dans les brosses que dans les éponges ; 2) Puisque les brosses ont des poignées, les mains nues ne seront pas en contact avec l'eau permettant des températures plus élevées et donc un meilleur effet de nettoyage ; 3) Les mains ne seront pas contaminées lors de l'utilisation d'une brosse, car les agents pathogènes ne seront pas transférés de la brosse aux mains nues. Lorsque vous utilisez des éponges, cela représente un risque ; 4) Il est facile de conserver des brosses propres en utilisant un lave-vaisselle.

Utilisez du papier ou des lingettes à usage unique pour les déversements d'aliments crus. Évitez d'utiliser des éponges dans des situations à haut risque telles que l'essuyage/nettoyage des déversements d'aliments crus. L'utilisation de lavettes ou de papier à usage unique peut être une alternative dans de telles situations. Si des éponges ou des brosses sont utilisées dans des situations à risque, elles doivent être nettoyées et/ou remplacées immédiatement après utilisation, car les agents pathogènes ne mourront probablement pas au moment de la prochaine utilisation.

Nettoyer les éponges et les brosses au chlore, au lave-vaisselle ou à l'eau bouillante. Les méthodes les plus efficaces pour nettoyer les éponges et les brosses sont le trempage dans du chlore (4 000 ppm, 16 à 20 h), le nettoyage au lave-vaisselle et l'ébullition.

Il convient de noter que l’étude dans le présent travail a été effectuée avec de nouvelles brosses et éponges, et nous étudions actuellement les niveaux bactériens et la survie de Salmonella dans les brosses et éponges qui ont été utilisées par les consommateurs.

A noter, selon l’étude, qu’il y aurait en France, 74% des utilisateurs d'éponges à vaisselle.
Selon l’Anses, dans son document sur l’hygiène domestique, et cité par la publication,

Il est recommandé de faire chauffer les éponges, brosses à vaisselle et tampons abrasifs dans une casserole (arrêter le chauffage dès que l'eau bout), les tremper dans de l'eau de Javel diluée ou uniquement pour les lavettes ou éponges non-métalliques, de les passer, largement imbibées d’eau au micro-ondes pendant deux minutes à la puissance maximale (attention aux risques de brûlures). Sécher une surface l’essuyant avec un torchon ayant déjà utilisé peut contaminer cette surface. Mieux vaut laisser sécher les surfaces ou la vaisselle à l'air libre, d'utiliser un torchon propre ou du papier absorbant à usage unique.

NB : La photo est issue de l'article. 

dimanche 20 novembre 2022

Impact du chlorure de benzalkonium et d'autres désinfectants sur la résistance bactérienne aux antimicrobiens

Un article de Jean-Yves Maillard, paru dans Journal of Applied Microbiology, disponible en accès libre, il y a quelques mois, traite de l’«Impact du chlorure de benzalkonium, du chlorure de benzéthonium et du chloroxylénol sur la résistance bactérienne aux antimicrobiens». Comme le blog s’intéresse aux désinfectants utilisés en entreprise alimentaire et ailleurs, je vous apporte des éléments sur ce sujet important.

Résumé
Cette revue a examiné 3 655 articles sur le chlorure de benzalkonium (BKC), le chlorure de benzéthonium (BZT) et le chloroxylénol (CHO) dans le but de comprendre leur impact sur la résistance aux antimicrobiens. Suite à l'application des critères d'inclusion/exclusion, seuls 230 articles ont été retenus pour analyse ; 212 concernaient le BKC, avec seulement 18 pour CHO et BZT. Soixante-dix-huit pour cent des études ont utilisé la CMI pour mesurer l'efficacité du BKC. Très peu d'études ont défini le terme de «résistance» et 85% des études ont défini la «résistance» comme une augmentation <10 fois (40% aussi faible que 2 fois) de la CMI. Seules quelques études in vitro ont rapporté des produits formulés et lorsqu'elles l'ont fait, les produits ont obtenu de meilleurs résultats. Les études in vitro examinant l'impact de l'exposition au BKC sur la résistance bactérienne ont utilisé soit un protocole d'entraînement par étapes, soit une exposition à des concentrations constantes de BKC. Dans ces cas, l'exposition au BKC a entraîné une élévation de la CMI ou/et de la CMB, souvent associée à un efflux, et parfois à une modification du profil de sensibilité aux antibiotiques. La pertinence clinique de ces résultats n'a cependant été ni rapportée, ni abordée. Il convient de noter que plusieurs études ont rapporté que les souches bactériennes avec une CMI ou CMB élevée restaient sensibles à la concentration de BKC en cours d'utilisation. Il a été démontré que l'exposition au BKC réduisait la diversité bactérienne dans des microcosmes microbiens complexes, bien que la signification clinique d'un tel changement n'ait pas été établie. L'impact de l'exposition au BKC sur la dissémination des gènes résistants (notamment l'efflux) reste spéculatif, bien qu'il se manifeste que les isolats cliniques, vétérinaires et alimentaires avec une CMI élevée du BKC portaient plusieurs gènes de la pompe à efflux. La corrélation entre l'utilisation du BKC et le portage, le maintien et la diffusion du gène n'a pas non plus été établie. Le manque d'interprétation clinique et de significativité dans ces études ne permet pas d'établir avec certitude le rôle du BKC sur la RAM en pratique. La littérature limitée sur le BZT et le CHO ne permettent pas de conclure que ceux-ci auront un impact négatif sur la résistance bactérienne émergente dans la pratique.

Conclusion

L'utilisation de produits contenant du BKC, du BZT et du CHO a été considérée comme une préoccupation pour le développement potentiel d'une diminution de la sensibilité bactérienne à ces biocides et/ou antibiotiques chimiothérapeutiques. Au total, 3 655 articles scientifiques mentionnant ces biocides ont été analysés. La grande majorité n'a pas rempli les critères d'inclusion et dans l'ensemble, très peu d'articles pertinents traitant spécifiquement de la résistance aux antimicrobiens ont été retenus. La plupart des études concernaient le BKC, avec 212 articles retenus, et très peu concernaient le CHO (12) et le BZT (6).

Un problème évident avec la littérature scientifique était le manque de normalisation de la méthode utilisée pour mesurer la sensibilité aux biocides et aux antibiotiques. Par exemple, avec la littérature sur le BKC, la majorité des études 161/212 (76%) rapportent des données de la CMI qui ne reflètent pas l'utilisation du produit dans la pratique. Seuls 27% d'entre eux (43/161) ont utilisé un protocole standardisé, principalement la méthode de microdilution en bouillon CLSI (Clinical Laboratory Standards Institute) ou la méthode de dilution sur gélose. De plus, seulement 10% (21/212) des études retenues ont fourni des informations sur la CMB et seulement 10% (22/212) ont réalisé des tests bactéricides tels que l’essai en suspension. L'utilisation d'une augmentation de la CMI comme seul indicateur de résistance a été critiquée comme ne reflétant pas l'utilisation du produit dans la pratique, mais comme fournissant simplement une indication qu'un biocide peut modifier un phénotype bactérien (Maillard et al., 2013 ; Russell & McDonnell, 2000). Il a longtemps été soutenu qu'un changement de CMI n'indique pas nécessairement qu'une bactérie sera résistante à un biocide, en particulier lorsque l'on considère que la concentration utilisée dans un produit est souvent considérablement plus élevée (> 1000 fois) que la CMI (Maillard et al ., 2013 ; Russell et McDonnell, 2000). Pour ajouter une certaine perspective, le manuel des excipients pharmaceutiques (Rowe et al., 2009) rapporte des concentrations en cours d'utilisation de BKC pour la conservation des préparations pharmaceutiques de 100 à 200 mg l−1 et aussi faible que 20 mg l−1 pour les formulations otiques . En pratique, les savons à base de BKC contiennent entre 1 et 10 g l−1 de BKC, les produits désinfectants à base de BKC contiennent des concentrations de BKC allant de 200 à 400 mg l−1, tandis que les désinfectants hospitaliers contiennent généralement 1,2 à 2,4 g l−1 de BKC. Une concentration de BKC de 1 g l−1 représente les extrémités inférieures des plages de la monographie d'éligibilité active pour une utilisation dans les produits antiseptiques couverts par l'antiseptique en vente libre. Les augmentations de la CMI après une exposition répétée à la même concentration de BKC (tableau 1) plutôt qu'un entraînement par étapes (exposition répétée à une concentration croissante de BKC), ont entraîné une CMI de BKC < 50 mg l−1 chez une seule espèce bactérienne (Kawamura-Sato et al., 2008). Deux manuscrits récents ont étudié l'effet de la co-exposition du BKC avec un antibiotique et ont démontré une activité antibiotique réduite (Pietsch et al., 2021 ; Short et al., 2021). Alors que la science est intéressante, la probabilité d'une co-exposition se produisant dans la pratique est faible.

Des isolats cliniques, vétérinaires et environnementaux montrant une CMI du BKC élevée portent de nombreux gènes de la pompe à efflux. La corrélation entre l'utilisation du BKC et le portage et la dissémination du gène d'efflux n'a été établie dans aucune étude in vitro. La signification clinique d'une diminution de la sensibilité aux antibiotiques chez les isolats présentant une diminution de la sensibilité au BKC n'a pas été bien étudiée. Lorsqu'une résistance clinique aux antibiotiques a été observée, une corrélation directe avec l'utilisation du BKC n'a pas été établie. De plus, il n'existe aucune information sur l'impact du BKC sur le transfert ou le maintien des gènes de résistance. Les isolats bactériens présentant une sensibilité réduite au BKC ne se sont pas révélés plus virulents (dans les essais sur les animaux) et l'aptitude accrue (mesurée par le taux de croissance) des isolats présentant une sensibilité réduite au BKC, lorsqu'elle a été étudiée, s'est avérée, peut-être sans surprise, être élevée en présence de BKC. Parmi les 230 articles retenus, un seul article in situ a soulevé une préoccupation selon laquelle l'exposition répétée au BKC sélectionne des bactéries conduisant à un changement clinique de la sensibilité aux antibiotiques. Il n'est cependant pas clair si le changement du profil de sensibilité aux antibiotiques était uniquement dû aux produits contenant du BKC, car le produit de lavage des mains utilisé dans cette étude contenait du triclosan, qui est connu pour affecter la sensibilité aux antimicrobiens.

Le nombre limité d'études pertinentes sur CHO et BZT ne permet pas de conclure que l'utilisation de ces actifs pourrait entraîner une augmentation de la sensibilité au CHO ou au BZC ou/et aux antibiotiques chimiothérapeutiques. Il n'existe aucune information sur l'impact du CHO ou du BZC sur le transfert ou le maintien de gènes résistants.

Malgré l'abondante littérature sur la «résistance» aux antimicrobiens, l'aspect pratique des résultats reste limité. L'utilisation de normes reconnues pour tester l'activité des biocides et des antibiotiques permettrait une meilleure comparaison entre les données et fournirait une certaine signification clinique. Le débat sur l'utilisation des données de la CMI n'est pas clos puisque la détermination de la CMI prend moins de temps et peut être automatisée. L'utilisation d'une concentration d'essai pertinente telle que la concentration «pendant l'utilisation» permettrait de mieux interpréter la signification pratique d'une augmentation de la CMI. L'augmentation d'isolats porteurs de plusieurs gènes d'efflux peut être préoccupante, mais la signification clinique d'un tel portage doit être établie. De même, l'impact des biocides (généralement) sur le maintien des gènes d'efflux (ou autres), les mutations forcées et le transfert de gènes nécessitait encore des investigations complémentaires. En fin de compte, l'utilisation de biocides pour contrôler et/ou éliminer les pathogènes reste essentielle dans de nombreux environnements, et cela doit être correctement équilibré contre les risques réalistes de résistance antimicrobienne émergente.

NB : L'American Cleaning Institute a chargé Biocide Consult Ltd de rédiger un rapport complet sur la résistance au BKC, au BZT et au CHO afin d'aider à la soumission d'un document sur l'impact du BKC, du BZT et du CHO sur la RAM à la FDA des États-Unis. Cet examen est basé en partie sur ce rapport. Jean-Yves Maillard est le directeur de Biocide Consult Ltd.