Une nouvelle étude menée par l'Université d'Oxford a montré que la surutilisation d'antimicrobiens dans la production animale peut entraîner l'évolution de bactéries plus résistantes à la première ligne de la réponse immunitaire humaine. Les résultats, publiés dans la revue eLife, indiquent que les porcs et les poulets d'élevage pourraient héberger de grands réservoirs de bactéries à résistance croisée, capables d'alimenter de futures épidémies.
Les infections résistantes aux antimicrobiens sont l'une des menaces les plus graves pour la santé mondiale, et il est urgent de développer de nouveaux antimicrobiens efficaces. Une solution prometteuse pourrait être les peptides antimicrobiens (AMPs pour antimicrobial peptides). Ce sont des composés naturellement produits par la plupart des organismes vivants, y compris les animaux, et ils jouent un rôle important dans l'immunité innée, notre première ligne de défense contre les infections bactériennes.
Cependant, certains AMPs sont également largement utilisés dans la production animale, à la fois pour contrôler les infections et comme promoteurs de croissance. Cela a soulevé des inquiétudes quant au fait que l'utilisation d'AMPs agricoles peut générer des bactéries à résistance croisée qui pourraient alors surmonter la réponse immunitaire innée humaine.
Dans cette nouvelle étude, menée par l'Université d'Oxford, des chercheurs ont démontré que l'évolution de ces bactéries à résistance croisée est non seulement possible, mais aussi très probable.
Pour tester l'idée, les chercheurs ont utilisé la colistine, un AMP produit par une bactérie (Bacillus polymyxa) qui est chimiquement et fonctionnellement similaire aux AMPs produits chez les animaux. La colistine est devenue de plus en plus importante en tant que «dernière ligne de défense» pour le traitement des infections causées par des bactéries multirésistantes. Cependant, l'utilisation intensive de la colistine dans la production animale depuis les années 1980 a entraîné la propagation de bactéries E. coli portant des gènes de résistance mobile à la colistine (MCR pour mobile colistin resistance).
Dans cette étude, E. coli portant un gène MCR (MCR-1) a été exposé à des AMPs connus pour jouer un rôle important dans l'immunité innée chez les poulets, les porcs et les humains. Les bactéries ont également été testées pour leur sensibilité au sérum humain, qui contient un cocktail complexe de composés antimicrobiens, et pour leur capacité à infecter les larves de la fausse teigne de la cire (Galleria mellonella).
- De même, E. coli porteur du gène MCR-1 étaient au moins deux fois plus résistants à la destruction par le sérum humain.
- E. coli porteur du gène MCR-1 avait une virulence accrue sur les larves de teigne de la cire, par rapport aux souches témoins dépourvues du gène. Les larves injectées avec E. coli porteurs du gène MCR-1 ont montré une survie réduite d'environ 50%, par rapport aux larves injectées avec E. coli témoin.
Les résultats démontrent que l'utilisation d'AMPs bactériens dans l'agriculture peut générer une large résistance croisée à la réponse immunitaire innée humaine.
Cette étude suggère cependant que la résistance à ces antimicrobiens peut avoir des conséquences imprévues sur la capacité des agents pathogènes à provoquer une infection et à survivre chez l'hôte. Ceci est particulièrement inquiétant car cela suggère que E. coli porteur du gène MCR-1 pourrait avoir un net avantage sélectif même si l'utilisation de la colistine est soigneusement contrôlée.
NB : Merci à Joe Whitworth d’avoir signalé cette étude.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.