Des
chercheurs ont constaté une tendance à la hausse significative des
cas sporadiques de SHU à E. coli O26 et E. coli O80 au
cours d'une décennie en France, mais une diminution notable pour E.
coli O157.
Le
syndrome hémolytique et urémique (SHU) associé à E. coli
constitue un risque important de santé publique en France, selon les
scientifiques. Le SHU est une complication grave associée aux
infections à E. coli qui provoque une insuffisance rénale et
peut entraîner des lésions cérébrales et d'autres complications à
vie.
Les
chercheurs ont mené une étude
sur 1 255 cas pédiatriques sporadiques signalés entre 2012 et 2021,
et les résultats ont été publiés dans la revue du CDC, Emerging
Infectious Diseases, «Sporadic
Shiga Toxin–Producing Escherichia
coli-Associated
Pediatric Hemolytic Uremic Syndrome, France, 2012–2021».
Les
notifications annuelles de cas variaient entre 109 en 2014-2015 et
163 en 2017. La plupart concernaient des enfants de moins de trois
ans. Les sérogroupes O26, O80 et O157 de E. coli
représentaient 78% des cas, et 13 groupes importants ont été
identifiés.
Cas
sporadiques enregistrés
En
France, la surveillance des E. coli producteurs de
shigatoxines (STEC) repose sur une surveillance clinique et
microbiologique volontaire du SHU chez les enfants de moins de 15
ans. Les taux d'incidence annuels du SHU à STEC pédiatrique sont
relativement élevés. Les cas suspects de SHU à STEC chez les moins
de 15 ans sont signalés à Santé Publique France.
La
surveillance microbiologique des STEC est volontaire et coordonnée
par le Centre National de Référence (CNR) des E. coli,
Salmonella et Shigella de l'Institut Pasteur et son
laboratoire associé.
Déterminer
la source de contamination des cas sporadiques est difficile pour des
raisons telles que les données épidémiologiques limitées, les
multiples sources potentielles de contamination et les lacunes dans
les connaissances sur les interactions source-vecteur du pathogène,
ont dit les scientifiques.
Un
prélèvement a été envoyé au CNR pour 1 132 cas, et 717 ont eu un
sérogroupe STEC identifié. Les trois principaux sérogroupes
représentaient 559 des 717 cas : O26 avec 228 cas, O80 avec 149 et
O157 avec 182 cas.
La
proportion de patients de sexe féminin et masculin était comparable
sur la période d’étude. Près de 800 des 1 255 cas concernaient
des patients âgés de moins de trois ans. Les taux d'incidence
variaient selon le groupe d'âge, les plus élevés chez les enfants
de 1 à 2 ans. L'incidence la plus élevée s'est produite de juillet
à octobre.
Pour
les STEC O26 et STEC O80, les régions de la moitié est de la France
présentaient des taux d'incidence légèrement plus élevés. Pour
les STEC O157, les taux les plus élevés se situent essentiellement
dans le nord-ouest de la France.
Clusters
trouvés
L'analyse
par sérogroupe a identifié deux clusters significatifs : STEC O26
en 2019 dans le Sud-Est de la France et STEC O80 en 2017 dans le
Nord-Est de la France. Les données WGS pour les isolats du cluster
O26 2019 ont identifié trois clusters liés au WGS de deux isolats
chacun. Cependant, les enquêtes épidémiologiques n’ont pas
permis d’identifier une source commune d’infection.
Le
Sud-Est de la France est la deuxième région la plus densément
peuplée du pays et comprend une grande ville, Lyon, mais aussi des
zones rurales et une forte densité de bétail.
L'analyse
annuelle a identifié 13 clusters importants. Il y avait au moins un
cluster chaque année, sauf en 2014 et 2017, avec un maximum de trois
en 2018. La taille moyenne des clusters était de 10 cas mais variait
de deux à 20 cas. Des clusters se sont produites de juin à novembre
et la plupart correspondaient au pic saisonnier observé dans les
notifications des SHU à STEC de juillet à octobre.
Les
auteurs notent dans leur étude,
Notre
étude s'ajoute à un corpus de recherches existant démontrant
l'effet de l'application de statistiques d'analyse pour décrire la
dynamique spatio-temporelle des maladies sporadiques, même pour des
événements plus rares. Nos résultats fournissent des informations
importantes sur le contexte épidémiologique et ont des implications
pour la détection et l'enquête sur les épidémies ainsi que pour
les perspectives de recherche visant à améliorer la connaissance
des facteurs de risque associés aux disparités géographiques de la
maladie.
L’identification
de plusieurs zones géographiques présentant des clusters récurrents
de SHU à STEC sporadiques confirme statistiquement, et à une
échelle géographique beaucoup plus fine, les observations
antérieures de disparités d’incidence régionale du SHU à STEC
pédiatrique en France. La prise en compte des différences
géographiques est pertinente pour l'analyse des données de
surveillance à des fins de détection des épidémies, en
particulier pour évaluer les signaux épidémiologiques et la
décision d'ouvrir des enquêtes. Les différents risques relatifs
géographiques identifiés dans cette étude seront intégrés dans
SaTScan dans le cadre des recherches en cours sur son application à
la détection des épidémies en France. Par rapport au WGS, la
détection statistique de clusters spatio-temporels offre une
approche réactive qui peut être appliquée aux données de
notification de cas avant que les données WGS ne soient disponibles
(par exemple, des délais de ≈3 semaines en France) ou en l'absence
d'isolement de souche.
Notre
étude fournit également les données et justifications nécessaires
pour des recherches plus approfondies sur les facteurs géographiques
associés à un risque de base plus élevé de SHU à STEC en France.
Des études écologiques menées dans plusieurs pays à l'aide des
données de surveillance des STEC ont identifié des associations
significatives avec la densité des ruminants, la classification
rurale et les sources d'eau, en particulier l'utilisation de puits
privés. Les résultats d'une étude réalisée en France par
Haus-Cheymol
et al. ont suggéré une association entre l'incidence
pédiatrique du SHU à STEC et la densité des bovins laitiers et des
veaux. La répartition géographique décrite dans cette étude pour
une densité plus élevée de bovins laitiers chevauche en partie les
zones géographiques à plus haut risque identifiées dans notre
étude dans le nord-ouest et l'est de la France. L’étude mérite
cependant d’être mise à jour car elle date du début des années
2000, se limite à un niveau géographique plus macroscopique et
couvre une période antérieure à plusieurs évolutions observées
dans l’épidémiologie des STEC en France.
Notre analyse a également
identifié des groupes spatio-temporels significatifs et récurrents
constitués de cas appartenant à différents sérogroupes. Cette
découverte suggère des conditions favorables à la transmission des
STEC qui pourraient contribuer à un risque plus élevé de SHU à
STEC, notamment des différences géographiques susceptibles
d'influencer le risque de STEC en raison de différents modes
d'exposition alimentaire et environnementale par diverses voies de
transmission. Nous prévoyons d'utiliser nos résultats dans d'autres
études visant à explorer l'association avec des paramètres
environnementaux potentiellement sous-jacents au risque de SHU à
STEC en France. Mener une telle étude à une échelle géographique
plus fine viserait à fournir de meilleures informations aux
professionnels de la santé publique pour cibler et adapter les
interventions de santé publique, y compris la communication avec la
population générale, visant la prévention des STEC.