Lettre
ouverte aux ministres, à la secrétaire d’État chargée de
l’Europe et en réponse à des associations de défense de
l’animal, concernant la protection du loup en France.
Alors
que le nouveau plan loup est en cours de finalisation, a été
annoncée ce 2 juillet 2023 la nouvelle estimation des effectifs de
la population de loups. À la sidération de tous, à l’encontre
des réalités du terrain, contre la logique mathématique et, une
fois de plus, sans la moindre honte à diffuser ce que l’on
pourrait qualifier de fake news, l’Office français de la
biodiversité (OFB) annonce une baisse des effectifs de la population
de loups, passant de 921 loups à 906. Se manifeste ainsi une envie
de ne pas passer officiellement le cap symbolique des 1 000
individus, sachant bien évidemment que c’est le cas et depuis
longtemps.
Sur
les 5 dernières années la croissance oscille autour de 20%. Même
l’OFB, avec une constance dans la minimisation des effectifs, avait
fini par reconnaître leur sous-estimation en annonçant, l’année
dernière, une croissance de 47% de la population. Les chiffres
officiels de l’augmentation des dégâts et de l’agrandissement
de la zone de répartition des loups sur le territoire (53
départements), sont là pour prouver que cette baisse est tout
simplement impossible. Même le nombre de loups éliminés dans le
cadre du quota trahit les données sous évaluées de l’OFB, 29
loups supplémentaires ont été prélevés par rapport à l’année
dernière à la même date.
Nos
précédents communiqués avaient déjà mis en avant les nombreux
mensonges de l’OFB et lors d’une rencontre avec Monsieur le
ministre de l’Agriculture, à propos de l’OFB il nous disait
: «Je n’ai aucune raison de penser que l’OFB triche» !
Est-ce toujours le cas M. Fesneau, la légèreté des processus
d’estimations est-elle critiquable ?
Bien
évidemment, ce comptage a une résonance politique quand les moyens
nécessaires ne sont pas mis délibérément. Une politique
d’ensauvagement des territoires se poursuit clairement et façonne,
à sa manière, les justificatifs de son nouveau plan pour les loups.
Cette baisse annoncée d’effectifs venant fort à propos et servant
de prétexte pour ne rien changer dans le degré de protection mais
aussi pour rester dans la dramatisation permanente pour Canis
Lupus face aux demandes des éleveurs.
Le
temps est venu d’amorcer une véritable régulation. Il faut
anticiper et réduire de manière considérable les attaques sur
troupeaux. Les moyens de protection ayant prouvé leurs limites
depuis plusieurs années, les tirs systématiques sont devenus
incontournables. Que cela ne convienne pas aux défenseurs
inconditionnels des loups est un fait, mais ils en portent la
responsabilité en ayant défendu une politique de surprotection, qui
a conduit les loups à ne plus craindre de s’approcher des
activités humaines. Politique qui entretient cette situation
problématique. Et prétendre que les tirs létaux sont
contre-productifs n’est qu’un mensonge supplémentaire, plus de
trente études à travers le monde prouvent le contraire.
La
protection actuelle des loups, sans régulation, est le pur produit
de l’américanisation du monde et de l’application, sans
discernement dans notre pays, d’une conception de la «nature»
héritée des premiers pionniers. Une nature dite «sauvage» qui,
dès l’origine, a été sacralisée en Amérique du Nord, dans un
pays où le contexte socio-écologique est sans commune mesure avec
le nôtre et avec l’histoire de nos territoires qui sont habités
et entretenus par la ruralité depuis la nuit des temps.
L’américanisation du monde entreprend méthodiquement de détruire
notre culture, notamment rurale, la protection inconditionnelle du
loup en fait hélas partie.
Le
mythe du retour possible à l’état «sauvage» des espaces
anthropisés, repose sur la crédulité d’une partie de la société
urbaine, déconnectée de la nature. Le loup est l’exemple type de
cet animal sauvage emblématique qui permet la concrétisation d’un
simulacre et qui veut faire croire qu’à travers les
réintroductions, il est possible de refabriquer la nature passée.
Les
ruraux paient chèrement leur lente régression démographique, et
les habitants de la cité, qui dominent numériquement la société,
scient avec constance la branche sur laquelle ils sont assis. Il est
assez rare de voir un aveuglement aussi manifeste à l’encontre
d’un pan entier de la société qui est, pour l’essentiel, chargé
de nourrir la planète. Les éleveurs et bergers de ce pays qui, que
nous le voulions ou non, entretiennent écologiquement et
esthétiquement les paysages, tout en faisant leur part pour nourrir
les individus, méritent mieux, pour vivre paisiblement, que d’être
soumis à des quotas de tirs négociés par la contrainte.
Pour
justifier la présence des loups, que d’âneries sont dites en
raison d’un militantisme qui ressemble davantage à un enfermement
des esprits qu’à une ouverture sur le monde et au bon sens ! Et
malheureusement, au grand désarroi des éleveurs, nombre de
contre-vérités pour tenter de faire accepter l’inacceptable, sont
reprises en boucle par une grande partie des médias au lieu de mener
des investigations sur le terrain.
Les
conséquences négatives d’une multiplication non contrôlée des
grands prédateurs en France sont nombreuses, maintes fois observées,
mais toujours minimisées, ou même parfois ignorées ostensiblement.
Même le dernier rapport du GIEC met en avant, à partir d’une
dizaine d’études scientifiques, le rôle préjudiciable des grands
prédateurs pour la captation du carbone. Un retour salutaire à la
réalité de l’animal, loin des fantasmes en tous genres.
La
vulnérabilité du bétail est la raison principale des attaques
(officiellement plus de 12 000 victimes par an), alors que les
mesures de protection (pour un coût annuel de 43 millions)
préconisées par l’État et l’Europe, ne sont pas suffisamment
efficaces pour arrêter la prédation. En effet, le dernier rapport
gouvernemental de l’INRAE du 25 janvier 2021 indique que «90
% des attaques réussies par les loups s’opèrent chez des éleveurs
ayant signé un contrat de protection puis mis en œuvre les moyens
préconisés». Ce ne peut être plus clair. Depuis 2017, où
même un ministre avait annoncé un objectif de «zéro attaque», ce
sont environ 70 000 animaux domestiques qui ont été reconnus
officiellement victimes des loups (sans compter les nombreuses autres
victimes non comptabilisées car non déclarées ou non reconnues par
les autorités et les animaux disparus) et ce malgré les 150
millions d’euros dépensés pour la protection sur la période
2017-2023. Est-ce une politique sensée ? Par exemple, les 7 000
chiens de protection financés, à qui nous devons une reconnaissance
sans faille pour leur rôle, parfois au péril de leur vie, ne
permettent pas, malheureusement, une protection suffisante des
troupeaux pour rendre la situation acceptable. La cohabitation
paisible est une vue de l’esprit, elle est, en définitive, tout
simplement impossible.
Il
n’y a donc pas d’issue pour les éleveurs, sauf à réduire
drastiquement les effectifs de loups. Par ailleurs, nous rappelons à
Madame Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe, qu’une
population doit s’évaluer à l’échelle transfrontière comme le
recommande la directive Habitats et l’UICN. De ce point de vue,
l’objectif de 2 500 individus au niveau national, évoqués comme
un seuil nécessaire de viabilité génétique de la population lors
de sa prise de parole au Sénat le 4 octobre 2022, est une simple
reprise, sans discernement, d’un rabâchage pro-lupin sans
fondement, une provocation de plus pour les éleveurs et aussi une
aberration scientifique !
Le
président annonçait, le 14 juillet 2022, qu’il fallait revoir le
statut de surprotection des loups. M. Fesneau, il est temps, un an
après, de travailler dans ce sens. Votre réponse, «vous
croyez que c’est simple, qu’il suffit de dire yakafokon» en
vous réfugiant derrière «il faut que les autres pays
soient d’accord», ne sont pas des réponses acceptables de la
part d’un ministre de l’Agriculture. Un peu de courage politique
s’impose ! Et bien que l’article 9 de la Convention de
Berne permette des dérogations à la surprotection des loups,
tout comme l’article 16 de la directive Habitats, il est temps,
dans cette «guerre de communication»,
ce sont vos mots Monsieur le ministre, de montrer que la
surprotection des loups n’a plus lieu d’être. C’est de votre
responsabilité de ministre à l’échelon européen. C’est
d’ailleurs ce que sont en train de faire la Suisse et l’Autriche
en changeant leurs textes de loi pour amorcer une régulation.
Enfin,
Monsieur Macron s’exprimait le 6 juillet 2023 à Pau en disant «Le
pastoralisme n’est pas compatible avec le retour des prédateurs
non régulés». Le moment est venu, Monsieur le ministre, de
prendre la main sur ce dossier, anormalement dévolu au ministre de
la Transition écologique, pour mettre en place cette régulation
indispensable. Les outils existent, notamment l’article L113-1 du
code rural alinéa 8 : «Assurer la pérennité des
exploitations agricoles et le maintien du pastoralisme, en
particulier en protégeant les troupeaux des attaques du loup et de
l’ours dans les territoires exposés à ce risque.»
Il
faut sortir de l’immobilisme attentiste, une véritable politique
de régulation s’impose et doit être intégrée dans le prochain
plan loup, qui doit être sans ambiguïté un plan pour l’élevage
de plein air ! Quand on ménage la chèvre et le loup, c’est
le loup qui gagne !
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Collectif Pâturage et Biodiversité : l’AEBV, Association des
éleveurs et bergers du Vercors
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Le Cercle 12, Association des éleveurs de l’Aveyron
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Association Préservons nos troupeaux des loups en Limousin – l’Os
Mouton Charollais
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l’Aseb 71 Association de la sauvegarde de l’élevage et de
la biodiversité – Collectif L113