vendredi 17 avril 2020

COVID-19 et EHPAD: après la grippe, voilà le SRAS-CoV-2, bis repetita!


Voici le premier article, à mon sens, sur le COVID-19 et les EHPAD en France. Le titre de l'article paru dans Eurosurveillance le 16 avril est Epidémie potentiellement mortelle de maladies à coronavirus (COVID-19) chez des personnes âgées dans des maisons de retraite et des établissements de longue durée

Au final, nous avons ici la reproduction du scénario catastrophe de la grippe d'il y a quelques années, on ne pourra donc pas dire qu'on ne savait pas ...

Résumé
Motivés par l'effet dévastateur potentiel d'une épidémie de COVID-19 dans les maisons de retraite et les établissements d’herbergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) pendant une longue durée, nous présentons l'impact des pires scénarios dans les établissements français en utilisant une structure d'âge et des taux de mortalité par âge spécifiques. Le nombre de décès pourrait être égal au nombre annuel de décès causé par la grippe saisonnière chez les personnes âgées de plus de 65 ans ou pourrait largement dépasser cela, selon le taux d'attaque final et la proportion d'institutions infectées.

Discussion
Dans un établissement donné, la mortalité causée chez les résidents par une épidémie d'infections respiratoires aiguës (IRA) ou d'infections des voies respiratoires inférieures dépend du taux d’attaque (TA) final et du taux de létalité (TL). Un TA de 25% chez les résidents est courant et les IRA sont déjà la principale cause de décès par étiologie infectieuse en institution. En France, les trois quarts des résidents souffrent d'au moins une maladie cardiovasculaire (principalement l'hypertension), 42% d'une démence et 18% d'une affection broncho-pulmonaire.

L'estimation de la population du taux de reproduction de base R0 du syndrome respiratoire aigu sévère lié au coronavirus 2 (SRAS-CoV-2) au début de l'épidémie en Chine était de 2,2 (intervalle de 90% à haute densité: 1,4-3,8), avec un taux beaucoup plus élevé de probabilité d'événements sur-étalés par rapport à la grippe saisonnière. Compte tenu du manque d'immunité antérieure, de la circulation du virus dans la population générale, de l'intensité des contacts entre les membres du personnel dans les établissements, des comorbidités sous-jacentes des résidents et du manque de traitement antiviral, le R0 pourrait être beaucoup plus élevé dans les établissements que dans la population en général.

Comme dans d'autres urgences sanitaires, les personnes âgées sont souvent la partie invisible de la crise. Les personnes âgées dépendantes sont plus sujettes à des présentations cliniques atypiques. Les présentations d'infections virales respiratoires atypiques, associées au défi de mener correctement une interview en cas de troubles neurocognitifs, retarderont le diagnostic et le traitement. Cela sera préjudiciable au pronostic individuel et facilitera la propagation virale au sein de l'établissement. Étant donné que les tests de confirmation ne sont pas systématiquement effectués, le nombre exact de décès final attribuable au COVID-19 dans les établissements restera largement inconnu.

Bien sûr, le risque qu'une institution donnée soit affectée dépendra de son emplacement et du moment de l'épidémie. Une série de mesures ont été recommandées en France pour réduire le risque d'introduction du SRAS-CoV-2 dans les institutions de soins pour personnes âgées et pour réduire le risque de transmission nosocomiale: confinement, suspension des visites et aides personnelles, chaînes d'approvisionnement sécurisées, isolement des cas, mesures de barrière étendues, assainissement, limitation des activités internes, etc. L'isolement social augmentera à son tour le risque de troubles cognitifs et retardera le diagnostic. Des contacts étroits entre les résidents et le personnel infirmier et des contacts fréquents au sein du personnel infirmier entraînent une forte probabilité d'infection parmi le personnel infirmier. En conséquence, l'institution doit embaucher du personnel temporaire et organiser des rotations pendant une longue période de lourde charge de travail. Les institutions doivent alors faire face à un double fardeau: un fardeau élevé de maladie parmi les résidents et de graves contraintes de personnel.

Des campagnes d'information et de communication publiques devraient être canalisées pour protéger les personnes les plus vulnérables et les plus âgées de notre société, pour les rendre visibles et pour apporter un solide soutien psychologique au personnel infirmier. En outre, nous devons également renforcer la communication entre le personnel infirmier et les familles à la fin de la vie du résident ainsi qu’après la mort. Afin de relâcher la pression sur les hôpitaux généraux, une approche palliative des soins devrait être proposée au sein des établissements concernés, en tenant compte des considérations éthiques.

Référence
Etard Jean-FrançoisVanhems PhilippeAtlani-Duault LaëtitiaEcochard René. Potential lethal outbreak of coronavirus disease (COVID-19) among the elderly in retirement homes and long-term facilities, France, March 2020. Euro Surveill. 2020;25(15):pii=2000448. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2020.25.15.2000448

Trois observations 
Les auteurs sont motivés, j’aurais bien aimé que Santé publique de France et le ministère de la santé soient motivés en temps réel. A chaque, c’est le même scénario catastrophe, et l’on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas !

Le second point est qu’en isolant par confinement strict les personnes âgées, on précipite leur fin…

Le troisième point concerne le terme hébergement, l’« hébergement » est, selon le Larousse et Le Robert, signifie le fait de loger quelqu’un « à titre provisoire », ce qui en dit long sur notre inconscient par rapport à la personne en question : l’Ehpad est en somme un bassind e décantation entre la vie et la mort : en bon francias, ça seule traduction juste, c’est « on vous a assez vus ». Texte de Jacques Julliard dans un éditorial du magazine Marianne intitulé « Les Vieux ».

Complément
Je ne sais si le président du conseil scientifique du chef de l'Etat sera concerné par le confinement des personnes âgées, lui qui est aussi une personne âgée, et qui entend encore confiner, terme qui vient du latin cum (avec) et finis (frontières), pendant un certain temps ou un temps certain, ceux qu'on appelle aussi, les anciens, les aînés, les vieux, les vieillards, les seniors .. dans le fil de ce que préconisait la présidente de la Commission européenne ... mais de quel droit! 

Ah mais ... voilà pour coup de gueule !

Sur ce sujet, on lira,
«Ne laissons pas mourir nos aînés»
«Non à l’ehpadisation générale des plus de 65 ans!»


Complément du 19 avril 2020. On lira le communiqué de l’Académie nationale de médecine du 18 avril 2020 : Âgisme et tensions intergénérationnelles en période de Covid-19.

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