La Lettre d'informations sur les plantes génétiquement
modifiées, n°262 du 6 décembre 2018, de Marcel Kuntz est parue ici.
Sur le volet sécurité alimentaire, la Lettre rapporte une interview
de Bernhard Url, responsable de l'EFSA, au journal espagnol El País, le 28 novembre 2018 :
Extraits
Bernhard Url a répondu aux préoccupations des Européens concernant les produits chimiques et les pesticides, l'épidémie d'obésité, l'agriculture biologique et la production alimentaire durable.
La plupart des Espagnols pensent que le principal risque pour la santé associé aux aliments qu’ils consomment est la présence de produits chimiques et de pesticides, et aussi la plupart des citoyens de l'Union européenne, selon le dernier sondage Eurobaromètre, publié en 2010. Moins de la moitié de la population s'inquiète de la consommation excessive de calories, de l'épidémie d'obésité qui sévit sur le continent ou les intoxications alimentaires, « le plus grand danger réel (the greatest real danger) », note Bernhard Url, directeur exécutif de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Question : Est-il
possible de combiner les niveaux actuels de consommation de viande avec un
traitement plus humain?
Réponse : La question n'est pas de savoir si nous pouvons nous permettre de maintenir le modèle actuel, mais si nous le voulons.
Nous devrons nourrir 10 milliards de personnes dans un avenir proche. Pour ce faire, il faut au moins trois choses: premièrement, aider les pays en voie de développement. Une grande partie de la production agricole est perdue par manque d’infrastructures, de logistique et de connaissances. Deuxièmement, l'Europe gaspille 30% de la nourriture; c'est un scandale éthique. Troisièmement, nous devons changer nos habitudes alimentaires. Nous ne pouvons pas continuer à consommer autant de protéines animales. La production animale consomme trop d’énergie, de terre et d’eau et produit trop d’émissions. Mon conseil est de manger moins d'animaux et plus de végétaux. Ce serait sain pour les gens, pour la planète et pour les 800 millions de personnes qui se couchent affamées tous les soirs parce qu’elles n’ont rien à manger.
Question : Les
hommes politiques tiennent-ils suffisamment compte des preuves scientifiques?
Réponse : En général oui. En quinze ans, l’EFSA a publié environ 6 000 avis scientifiques pour l’UE et environ 99,9% ont été pris en compte par les législateurs européens. En Europe, la politique fondée sur des preuves est un pilier important de la sécurité des aliments. Mais il y a lieu de s'inquiéter, en particulier sur des sujets tels que les vaccins. En France, 40% de la population estime que les vaccins ont un effet toxique, ce qui est désastreux. Il est très dangereux de penser que les preuves scientifiques ne sont qu’un autre avis. Si nous remettons en cause la méthode scientifique, nous remontons au Moyen-Âge.
Question : Assistons-nous à une augmentation des peurs infondées
concernant les aliments?
Réponse : Oui, les citoyens sont préoccupés. Ils se demandent comment se fait-il que l’urine de mon fils puisse contenir du glyphosate [l’herbicide]? Nous leur disons: la concentration est tellement faible qu'il n'y a aucun risque. Et les gens répondent : mais je ne veux pas que l’urine de mes enfants contienne du glyphosate. Ce qui nous amène à un autre problème: quel type d'agriculture voulons-nous? Voulons-nous des pesticides ou pas? Quels sont les risques et qui en profite? C'est une discussion politique. Il ne s'agit pas de science, mais de valeurs et d'économie. Et il y a un autre problème. Les aliments ne sont plus produits dans le champ de notre voisin. Ils viennent de Nouvelle-Zélande, du Chili, du Canada. La complexité des chaînes d'approvisionnement rend le contrôle absolu impossible. Nous ne savons pas d’où proviennent nos aliments et nous devons faire confiance à une machine complexe de transformation des aliments. En fin de compte, si nous voulons manger, nous devons faire confiance. Et c'est ce qui fait que les gens ne se sentent pas en sécurité.
Lire aussi son interview
du 24 septembre 2018 à Euractiv au sujet des travaux de l'EFSA, « Nos avis ne doivent pas être utilisés
abusivement pour des intérêts politiques à court terme », :
- Il y a un risque que les institutions sur lesquelles la société s'appuie à long terme soient délégitimées au profit d'intérêts politiques à court terme ;
- L’avis d'une Autorité de sécurité des aliments telle que l'EFSA ne doit pas être utilisé à mauvais escient pour couvrir d'autres intérêts ;
- L’EFSA ne se concentre pas sur la source d'une étude scientifique mais sur sa qualité.
- La bonne science est la même partout dans le monde.
- Toute responsabilité supplémentaire vis-à-vis de l'EFSA doit être accompagnée de ressources supplémentaires.
Lire le détail dans l’article intégral.
On lira aussi l’article de seppi de janvier 2017, « Du
côté d'Euractiv : Bernhard Url, directeur exécutif de l'EFSA, et pathologies
médiatiques ».
Dans la constance des positions du
responsable de l’EFSA, on lira cet article de janvier 2018, « Ne pas attaquer les agences scientifiques à
des fins politiques. L'érosion de la confiance dans les organismes chargés de la
réglementation n'améliorera pas la responsabilité démocratique, prévient
Bernhard Url. »
NB : L’image provient du journal El País.
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