mardi 11 décembre 2018

Il était une fois Salmonella, la charcuterie et Le Parisien


« Salmonelle Typhimurium, cette mystérieuse bactérie qui contamine la charcuterie », tel est le titre d’un article du journal Le Parisien du 10 décembre 2018.

Pourquoi avoir ciblé la charcuterie alors qu’il y a en ce moment une « Epidémie de salmonellose à S. Enteritidis en Haute Savoie : investigations en cours » en relation semble-t-il avec du fromage, comme le rapporte Santé publique de Francele 5 décembre 2018.

Comprenne qui pourra ?

Oubliés les produits laitiers contaminés par des salmonelles comme les laits en poudre et les fromages …

Pourtant dans son bilan 2017, le Centre National de Référence (CNR) de Escherichia coli, Shigella, Salmonella (CNR-ESS) à l’Institut Pasteur rapporte que « Plusieurs épidémies ont été détectées et investiguées dont certaines avec un fort retentissement médiatique (Salmonella Agona dans les poudres de lait infantile) ».

Bref, Le Parisien est allé voir le CNR-ESS et a rapporté ce qui suit … en ciblant la charcuterie ...
2500 personnes ont été malades en 2017 de gastro-entérites après avoir mangé des saucisses, des saucissons ou du jambon contaminés par la salmonelle « Typhimurium », en plein essor. 
On en mange toute l’année, lors de l’apéritif, des barbecues d’été aux raclettes hivernales. Saucisses, jambon, pâté, rillettes, saucisson sec… Mais, attention, le nombre de contaminations à la salmonelle, que l’on trouve dans la charcuterie, principalement de porc, a explosé en dix ans dans l’Hexagone, en raison de la progression d’une nouvelle souche, appelée « variant monophasique de Typhimurium* ». 
Ainsi, le 30 octobre dernier, des lots de saucisses sèches contaminées par cette salmonelle ont été retirés des rayons de supermarché. Des retraits et rappels ont déjà eu lieu, au printemps, sur des saucisses qui avaient rendu malades une dizaine de jeunes enfants dans le sud de la France. Des saucissons secs ont aussi été concernés. 
« Regardez le graphique, on voit la courbe qui grimpe », montre sur son ordinateur, le docteur François-Xavier Weill, directeur du centre national de référence des salmonelles, à l’Institut Pasteur, à l’origine de cette découverte avec ses équipes. C’est ici, à Paris, que les bactéries sont identifiées, après analyse des prélèvements envoyés par les laboratoires d’analyses. Voilà comment la hausse des infections alimentaires a été repérée. » 
« Il est en train de se passer quelque chose »
« Alors que l’on en détectait qu’une cinquantaine en 2007, on en est à 2500 par an maintenant », constate François-Xavier Weill. Résultat, cette bactérie, à l’origine de gastro-entérite et de fièvre, pouvant aller jusqu’à la septicémie chez les plus fragiles, s’est hissée à la troisième position des salmonelles qui donne le plus d’intoxications. 
« On a tiré la sonnette d’alarme, poursuit-il, on a dit attention, il est en train de se passer quelque chose ». De son côté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), gendarme de l’alimentation, note aussi une augmentation du nombre de cette salmonelle-là dans la charcuterie ces dernières années. 
Doug Powell du barfblog se demande si c'est normal d'avoir dans le réfrigérateur d'une femme enceinte, cinq bouteilles de vin et deux bouteilles de bière ... (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Par ailleurs, il faudrait rappeler au Parisien que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) n’est pas le gendarme de l’alimentation, ce serait en principe le rôle des services du ministère de l’agriculture …
Comment expliquer une telle hausse qui touche également l’Europe ? Les autorités n’ont pas d’explication. « Ce qui rend difficile sa détection, c’est que les porcs, qui ont ces bactéries dans leur tube digestif, sont, en majorité, des porteurs sains », explique Vincent Leclerc, responsable de projet épidémiologique à l’Anses, le gendarme de l’alimentation. « Contrairement aux canards, qui meurent de la grippe aviaire, eux, n’ont aucun symptôme. » Pas facile alors d’identifier un foyer, en particulier. 
« Ces salmonelles peuvent se propager dans les élevages, si les bâtiments ne sont pas bien nettoyés. Au moment de l’abattage, il faut, entre autres, veiller à ce que le tube digestif de l’animal ne soit pas en contact avec le muscle et que les salmonelles ne soient pas véhiculées par les couteaux insuffisamment désinfectés. » En somme, elles peuvent venir de partout. Ces pratiques sont-elles assez respectées ? « Les services de contrôle sont là pour s’en assurer », explique Vincent Leclerc. « Nous, on essaye de faire en sorte que les règles d’hygiène soient bien suivies par les consommateurs. » 
« Il n’y a pas de risque zéro »
« Les industriels doivent continuer leur travail pour limiter les risques de la fourche à la fourchette », explique Nathalie Jourdan-da Silva, médecin épidémiologiste à Santé publique France, agence qui a donné l’alerte dès 2012 dans l’une de ses publications. « Mais il n’y a pas de risque zéro, d’autant que cette salmonelle, identifiée dans la filière porcine, s’est depuis, étendue à la filière bovine. » 
Selon Didier Delzescaux, directeur de l’interprofession porcine (Inaporc), les mesures d’hygiène ont été renforcées ces dernières années. « Il y a environ cinq ans, plusieurs lots de saucisson sec, contenant de la salmonelle, ont été identifiés et rappelés, explique-t-il. Cela a donné lieu à une réflexion au sein de la fédération puis à une charte, explique-t-il. Aujourd’hui, on maîtrise mieux le risque. » 
Je pense que les journalistes auraient pu faire un meilleur article vu les intervenants et les données disponibles …

Quelques éléments complémentaires :

Le bilan 2017 du CNR-ESS concernant les foyers de cas groupés à Salmonella rapporte :
En 2017, le CNR-ESS a retransmis à Santé Publique France par télécopie ou par courrier électronique 316 notifications de foyers de cas groupés à Salmonella
En 2017, 316 épisodes de cas groupés concernant 572 cas (255 pour 901 cas en 2016) ont été notifiés au CNR-ESS. Le nombre de cas impliqué est un minimum car celui-ci n’était pas précisé pour 123 des 316 cas groupés signalés.
Concernant les cas sporadiques, un article paru dans le BEH de l'InVS janvier 2018 indique :

Les infections à Salmonella spp. arrivent en 3e position en nombre de cas (183 002 cas, 12% du nombre total), en 2e position en nombre d’hospitalisations (4 106 hospitalisations, 24% du nombre total) et en 1ère position en nombre de décès (67 cas décédés, 26% du nombre total).
Pourtant, le ministère de l'agriculture continue de rapporter des données inexactes dans un document, Les salmonelloses sont-elles des maladies dangereuses ?
Si les salmonelloses sont des maladies relativement fréquentes, avec environ 300 cas par million d’habitants par an en France, elles sont généralement bénignes. Les personnes dont le système immunitaire est fragilisé (à la suite d’un traitement ou d’une maladie), les personnes âgées, les femmes enceintes et les nouveau-nés peuvent toutefois y être plus sensibles.
A noter enfin que l'Anses vient de faire paraître, Mesures de maîtrise des salmonelles en filière porcine :état des connaissanceset appréciationquantitativedes risques. Avis de l’Anses. Rapport d’expertise collective.
La France se positionnait au 6ème rang européen en termes de prévalence de Salmonella spp. dans la filière porcine.
* Il s'agit de Salmonella variants monopasiques du sérovar Typhimurium. Sur ce sujet on lira ces études ici et ici.

Complément du 13 décembre 2018. Selon cet autre document du ministère de l'agriculture, En France, l'incidence des salmonelloses humaines est estimée à environ 307 cas/100 000 habitants par an. C'est plus proche du chiffre du BEH de l'InVS précité.

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