jeudi 27 décembre 2018

Comment l'étiquetage de la prévention du botulisme infantile lié au miel est passé à la trappe ?


Dans « Miel, nourrisson de moins d'un an et botulisme en France », article du 14 mai 2010, je commençais à vous narrer une longue histoire, une très longue histoire à propos d’une interdiction qui n’a jamais vu le jour …, préparez-vous, c’est une longue histoire de près de 18 ans !
Alertée par l’InVS d’une augmentation du nombre de cas depuis 2004, l’Afssa rappelle, conformément aux recommandations de l’OMS, qu’il est déconseillé de donner du miel, quelle que soit son origine, aux enfants de moins d’un an.
L’AFSSA devenue Anses par la suite indiquait un avis du 13 juillet 2010 :
Le miel est susceptible de contenir des spores de Clostridium botulinum, bactérie présente dans l'environnement, le sol, les poussières. La consommation de miel serait un facteur de risque chez le nourrisson dont la flore intestinale est immature, permettant aux spores se développer et produire de la toxine botulique responsable des symptômes de paralysie musculaire. 
Bien que rare, le botulisme infantile peut être mortel si son traitement n’est pas entrepris à temps. Le seul moyen préventif efficace est donc l’information des parents et du corps pédiatrique. La modification de l’article 5 du décret n°2003-587 du 30 juin 2003 pris pour l'application de l'article L.214-1 du code de la consommation, en ce qui concerne le miel apparaît donc comme une mesure apte à atteindre l’objectif d’information du consommateur. La mention d’étiquetage que propose la DGCCRF va dans ce sens.
Cependant, l’Agence suggère de remplacer le terme « enfant de moins de 12 mois » par « nourrisson de moins de 12 mois » afin d’éviter toute ambigüité sur l’âge. Le miel ne représente pas de danger pour « l’enfant ».
Voyant rien venir, j’indiquais  dans un article du 31 juillet 2013 « Miel : Ne pas donner à un enfant de moins de 12 mois mais où est passé le texte réglementaire ? »

Pourtant, dans un document mis à jour le 14 juin 2016, l’Anses rapportait « Pas de miel pour les enfants de moins d’un an »
Risques de botulisme infantile liés à la consommation de miel chez les nourrissons. Le botulisme infantile est une maladie rare, survenant chez les enfants de moins d’un an. Des formes résistantes (spores) de la bactérie (Clostridium botulinum), responsables de cette maladie, peuvent se trouver dans les poussières et certains sols. Transportées par les abeilles, les spores peuvent se retrouver ensuite dans le miel. Suite à l’augmentation du nombre de cas de botulisme infantile depuis 2004, l’Agence rappelle qu'il est absolument déconseillé de donner du miel, quelle que soit son origine, aux nourrissons de moins d'un an.
Dans une Information des consommateurs en matière de prévention des risques biologiques liés aux aliments (Tome 2 – Évaluation de l’efficacité des stratégies de communication. Avis de l’Anses. Rapport d’expertise collective. Octobre 2015. Édition scientifique), l’Anses rapporte :
L’Anses a été saisie le 2 mai 2012 par la Direction Générale de l’alimentation (DGAL) d’une demande d’avis sur les mentions de recommandations de consommation sur l’étiquetage des aliments pour la prévention des dangers biologiques. 
A titre d’exemple, des discussions sont engagées depuis 2010 sur l’intérêt et la faisabilité d’une mention d’étiquetage déconseillant la consommation de miel aux nourrissons de moins de 12 mois. Les échanges avec les différents acteurs de ce dossier ont conduit les administrations à ne pas rendre obligatoire un étiquetage spécifique des pots de miel, tant que la valeur ajoutée de cette disposition par rapport à d’autres mesures d’information possibles (information via les professionnels de santé par exemple) n’aura pas été démontrée. 
Voilà ce qui était convenu pour la prévention du botulisme infantile lié au miel.
Les données disponibles ne permettent pas d’évaluer quantitativement l’impact d’une campagne de communication sur la prévention du botulisme infantile lié au miel. Aussi, une approche qualitative a été conduite par le groupe de travail. Le botulisme infantile, qui affecte les nouveau-nés et les nourrissons de moins de 12 mois, est la conséquence de l’ingestion de spores de C. botulinum. Dans la majorité des cas de botulisme infantile, l’origine des spores est inconnue. Le miel est le seul aliment décrit dans la littérature comme associé au botulisme infantile. Entre 2010 et 2014, 6 cas de botulisme infantile ont été déclarés en France, dont 2 cas avec consommation possible de miel.
L’ingestion de miel par les enfants de moins d’un an est à considérer davantage dans le registre des pratiques de soins que dans celui de la consommation alimentaire. Le miel est donné aux nourrissons, le plus souvent sur des tétines, pour calmer les pleurs et la toux et favoriser l’endormissement. 
Une mesure de prévention de ce risque peut être considérée comme simple à mettre œuvre, il s’agit de l’éviction du miel chez les nourrissons de moins d’un an. La population qui pourrait être ciblée par la communication est réduite (parents de nourrissons) et facilement accessible via les professionnels de santé.
Néanmoins, ce risque est très peu connu dans la population et va à l’encontre de l’image positive du miel, ce qui peut engendrer une « résistance » à la fois des consommateurs et des producteurs. 
L’étiquetage est mis en œuvre par certains pays européens (Belgique, Grande-Bretagne, Suisse, et Finlande). Néanmoins, aucune donnée n’est disponible sur l’impact d’un tel étiquetage ou plus généralement de l’étiquetage dans le domaine des risques microbiologiques.
J’espère que vous avez suivi ce raisonnement un peu tiré par les cheveux … et donc voici les « Recommandations de l’Anses relatives à la prévention du botulisme infantile lié au miel » :
  • Une recommandation destinée aux parents de nourrissons devrait être introduite dans le carnet de santé. Les pratiques utilisant les propriétés médicinales du miel devraient y être proscrites pour les nourrissons de moins d’un an.
  • Il conviendrait de renforcer les connaissances des professionnels de santé et d’informer largement les professionnels de la petite enfance.
  • Les apiculteurs devraient être ciblés via leurs réseaux professionnels afin qu’ils informent leurs familles et clients.
  • Il serait indispensable de veiller à ce que les sites internet des apiculteurs ne soient pas en contradiction avec la communication institutionnelle ; en particulier ils ne doivent pas valoriser les effets médicinaux du miel pour les nourrissons de moins d’un an ; une charte relative à une communication précautionneuse sur les vertus du miel pourrait être établie.
  • L’utilisation de l’étiquetage en première intention n’est pas à privilégier pour réduire ce risque. 
Ce qui saute aux yeux est le nombre de recommandations au conditionnel, « Une recommandation destinée aux parents de nourrissons devrait », « Il conviendrait de renforcer les connaissances des professionnels de santé », « Les apiculteurs devraient être ciblés », « Il serait indispensable de veiller à ce que les sites internet des apiculteurs », tout ça pour arriver à « L’utilisation de l’étiquetage en première intention n’est pas à privilégier pour réduire ce risque ».

Etrange, vraiment étrange car pas de calendrier défini à l’appui de ces recommandations au conditionnel…

18 années pour arriver à une telle absence de résultat, étonnant, non ?

Fort opportunément, la DGCCRF publie le 20 décembre 2018 une information sur l’« Étiquetage du miel ».
Le miel, substance sucrée naturelle, regorge de nombreux bienfaits pour notre santé. Il en existe une grande variété dont le goût dépend de la fleur dont il est issu (par exemple le miel d’acacias, de thym, de châtaignier, de lavande, etc. Comment être sûr de choisir un miel de qualité ? Lisez bien les étiquettes !
Vous avez bien lu, lisez les étiquettes, mais rassurez-vous ou non d’ailleurs, vous n’allez pas trouver la mention « Ne pas donner à un nourrisson de moins de 12 mois ».

Quelles sont les mentions obligatoires ?
  • La dénomination de vente : miel de fleurs, miel de miellat, miel en rayons, miel filtré, miel destiné à l'industrie. Autres dénominations : miel filtré et miel destiné à l'industrie.
  • Liste des ingrédients
  • Date de durabilité
  • Nom ou raison sociale et adresse du fabricant ou conditionneur ou vendeur
  • Indication du lot de fabrication
  • Indication du ou des pays d'origine
On lira en compléments les textes réglementaires suivants :

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