Article écrit à partir des
sources suivantes :
- Communiqué de l’Institut Pasteur du 3 janvier 2019, « L’épidémie de choléra au Yémen décryptée grâce à la génomique »
- CIDRAP News du 3 janvier 2019, « Genetic probe finds surprises in Yemen's cholera outbreak ».
Lorsque la bactérie Vibrio
cholerae responsable du choléra arrive sur un nouveau continent -
logée dans l’intestin d’un voyageur infecté -, elle ne déclenche pas
systématiquement d’épidémie. Parfois la bactérie reste silencieuse, parfois
elle se propage rapidement au sein de la population et fait des ravages comme
actuellement au Yémen.
Depuis septembre 2016, plus d’1 million de personnes
ont été touchées par cette infection diarrhéique aiguë et 2 300* en sont mortes.
Quelles sont
les voies de circulation les plus empruntées par ces bactéries ? Est-il
possible de suivre, voire d’anticiper, les épidémies de choléra à travers le
monde ?
Pour tenter
de répondre à ces questions, des chercheurs de l’Institut Pasteur et du
Wellcome Trust Sanger Institute (Royaume-Uni), en collaboration avec plusieurs
institutions internationales, se sont justement intéressés à l’épidémie de
choléra qui sévit au Yémen. Grâce aux outils de la génomique, ils ont pu lever
le voile sur l’histoire de ces souches et confirmer la possibilité d’avoir une
vision globale de la circulation du vibrion cholérique. Leurs résultats ont été
publiés dans la revue Nature le 2 janvier 2019.
« De façon inhabituelle, l’épidémie n’a pas explosé immédiatement. Il y a
eu une première vague épidémique en 2016, relativement à bas bruit, puis une
explosion majeure en 2017. Les deux vagues étaient tellement différentes que
l’on s’est demandé s’il ne s’agissait pas de deux souches bactériennes
distinctes », poursuit Marie-Laure Quilici, scientifique dans l’unité
des Bactéries pathogènes entériques de l’Institut Pasteur et responsable du
Centre national de référence des Vibrions et du choléra. Pour résoudre cette
énigme, les chercheurs décident de se tourner vers la génomique. L’outil leur a
déjà permis, lors d’une précédente étude, de mettre en évidence l’origine
asiatique des souches cholériques qui circulent en Afrique et d’identifier deux
portes d’entrée principales de la bactérie sur le continent, l’Afrique de l’Est
et l’Afrique de l’Ouest.
L’équipe a séquencé 42 échantillons prélevés au Yémen et
dans un centre de réfugiés situé à la frontière avec l’Arabie Saoudite et les a
comparés à une collection mondiale de plus de 1 000 échantillons provenant
d’une pandémie en cours depuis les années 1960 et causée par un seule lignée de
V. cholerae, appelée 7PET.
La souche qui alimente l'épidémie au Yémen est similaire à
celle qui a été observée pour la première fois en Asie du Sud en 2012 et qui
s'est répandue dans le monde entier, mais elle n'est pas arrivée directement d'Asie
du Sud ou du Moyen-Orient. Avant d'arriver au Yémen, la souche circulait et
provoquait des épidémies en Afrique de l'Est en 2013 et 2014.
Les experts avaient pensé que les épidémies au Yémen avaient
été causées par deux souches différentes, mais l'étude a révélé qu'elles
étaient imputables à la même souche qui est entrée au Yémen en 2016. Une autre
découverte inattendue est que la souche de choléra au Yémen est sensible à de
nombreux antibiotiques - la plupart des épidémies sont résistantes à plusieurs
antibiotiques.
« Cette étude illustre une nouvelle fois la nécessité d’associer données
épidémiologiques et données de laboratoire pour suivre la circulation des souches
et mieux contrôler le choléra. » insiste Marie-Laure Quilici. Ces
nouveaux résultats confirment en effet la pertinence des analyses génomiques
pour appréhender les voies de migrations du choléra et avoir une vision globale
de la situation.
* Certaines publication citent le chiffre de 2500 décès.
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