jeudi 9 avril 2020

StopCovid, sera-t-elle l’application de pistage numérique (tracking) des Français ?


« Une application de « tracking » pilotée par l’Inria en lien avec des travaux européens », source Acteurs publics du 9 avril 2020.

Évoquée officiellement pour la première fois lors de la création du comité Care, la « stratégie numérique » de lutte contre le Covid-19 se précise de jour en jour. Le gouvernement a esquissé les objectifs et modalités d’utilisation d’une application de pistage numérique (tracking) des Français.

Alors que le débat se focalise progressivement sur la partie numérique de la stratégie de déconfinement en cours d’élaboration, le gouvernement a souhaité remettre les points sur les « i » concernant l’utilisation d’une application mobile pour accompagner cette sortie de confinement. Dans un entretien accordé au Monde ce 8 avril, le ministre de la Santé, Olivier Véran, et le secrétaire chargé du Numérique, Cédric O, ont précisé à quoi pourrait bien servir une telle application et esquissé des modalités de déploiement. Tout en restant très prudents sur son efficacité réelle.

« Le principe serait simple : l’application est installée volontairement ; lorsque deux personnes se croisent pendant une certaine durée, et à une distance rapprochée, le téléphone portable de l’un enregistre les références de l’autre dans son historique. Si un cas positif se déclare, ceux qui auront été en contact avec cette personne sont prévenus de manière automatique », expose Cédric O. Pour ce faire, seule la technologie Bluetooth est envisagée, a-t-il rappelé, et non les données de géolocalisation des personnes.

Préservation de la vie privée
Le développement de l’application, qui serait baptisée StopCovid, n’aurait toutefois pas complètement démarré. Il aurait été confié à une task force depuis plusieurs jours, mais impossible de donner une date limite de finalisation. « Nous ne sommes pas certains de réussir à franchir toutes les barrières technologiques car le Bluetooth n’a pas été prévu pour mesurer des distances entre les personnes. Nous ne déciderons que plus tard de l’opportunité de déployer ou non une telle application », a ajouté le secrétaire d’État au Numérique.

La task force, dirigée par l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), est composée de « chercheurs et développeurs du public et du privé ». Le développement de cette application prendra trois à six semaines.

Selon les dernières informations communiquées depuis à Acteurs publics par le secrétariat d’État au Numérique, le projet de développement repose en réalité sur celui initié au niveau européen par un groupement de chercheurs européens, et baptisé PEPP-PT pour Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing ou, en français, “Pistage de proximité pan-européen et respectueux de la vie privée ”. Ce projet, lancé la semaine dernière, vise à créer une application la plus respectueuse possible des libertés publiques, notamment en minimisant et en anonymisant les données collectées.

Renforcer le confinement avant de penser le déconfinement
Le secrétariat d’État indique qu’en France, donc, le projet est conduit par l’Inria et vise à « développer un prototype d’application en lien avec les travaux européens et d’instruire les différentes questions techniques ». L’Institut sera par ailleurs épaulé par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et la direction interministérielle du numérique (Dinum), afin d’en “garantir la résilience et la sécurité ».

Et de rappeler, comme Cédric O l’a fait maintes fois dans son entretien au Monde, que « de nombreux points techniques critiques restent encore à appréhender afin de lever les incertitudes sur la faisabilité technologique et l’efficacité sanitaire d’une telle application »

À ce titre, la prudence du ministre rejoint le dernier avis du conseil scientifique installé au début de la crise. Dans son avis du 2 avril, dressant un « état des lieux du confinement et critères de sortie », le conseil souligne que « la réflexion sur la sortie du confinement, les stratégies post-confinement sont nécessaires » mais que « la priorité demeure cependant la poursuite d’un confinement renforcé dans la durée ». Le conseil rappelle néanmoins qu’il convient d’enrichir et de multiplier les éléments quantitatifs et qualitatifs sur l’efficacité du confinement, toutes sources confondues, « y compris issues de grands acteurs du numérique ».

Parmi cette multitude d’éléments, les scientifiques mentionnent l’intérêt de disposer « de nouveaux outils numériques permettant de renforcer l’efficacité du contrôle sanitaire de l’épidémie », sans s’avancer davantage sur la nature de ces outils. Quant au comité Care, mis en place pour sa part depuis le 18 mars spécialement pour penser la sortie de confinement, il ne semble pas s’être encore prononcé sur la question.

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