mercredi 27 juillet 2022

A propos d'une céréale modifiée afin de lui permettre la fixation de l'azote

C’est l’un des Graals de l’agronomie : permettre aux principales céréales – blé, maïs, orge ou riz – qui constituent la moitié de l’apport calorique de l’humanité, de capter l’azote de l’air comme le font les légumineuses, limitant ainsi les épandages d’engrais azotés (les nitrates), coûteux en énergie et néfastes à l’environnement et au climat. Un pas dans cette voie a été franchi par des chercheurs des universités d’Oxford, de Cambridge et de Norwich, ainsi que du MIT, qui présentent leurs résultats dans les PNAS du 11 avril.

Philip Pool (Oxford) et ses collègues ont eu l’idée de combiner deux organismes génétiquement modifiés, un orge et une bactérie, pour faire naître une symbiose vertueuse. Le génome de l’orge a été manipulé pour lui faire produire une molécule, la rhizopine, qui sert de signal pour enclencher une cascade de réactions chez la bactérie Azorhizobium caulinodans, présente dans les racines de la plante, afin de lui faire capter l’azote de l’air. La bactérie avait, de son côté, été préalablement modifiée pour réagir de façon conditionnelle à la rhizopine.

L’un des objectifs poursuivis était que cette association ne soit bénéfique qu’à la plante d’intérêt, en l’occurrence l’orge, et que l’azote atmosphérique (N2) capté, transformé en ammoniac (NH3) par la bactérie, ne serve pas à fertiliser les « mauvaises herbes ». C’est bien ce qui a été observé. Mais il reste du chemin à parcourir avant que cette preuve de concept ne vienne changer les pratiques culturales. Les chercheurs notent par exemple que l’activité nitrogénase, assurée par une enzyme qui concourt à la production d’ammoniac, est encore «sous-optimale» dans le micro-organisme génétiquement modifié par rapport aux bactéries dites «sauvages».

Approche «très rusée»
Philip Pool estime que ce travail est «un élément-clé d’un vaste effort visant à transférer la nodulation racinaire (propre aux légumineuses) et la fixation de l’azote aux céréales. Cela n’a été possible que grâce à un grand effort de collaboration rassemblant les travaux réalisés par de multiples laboratoires depuis de nombreuses années.»

L’écologue microbien Yves Dessaux, ancien directeur de recherche au CNRS, dont les travaux sont cités dans l’article des PNAS, ne dira pas le contraire. «Ce sont des idées sur lesquelles nous travaillions déjà il y a vingt-cinq ans», rappelle-t-il. Il n’avait pu les poursuivre « faute de financements», et dans un contexte où les OGM n’étaient pas en vogue. Il salue l’approche «très rusée» de ses collègues anglo-saxons. Mais note que plusieurs obstacles devront encore être franchis.

«Il faudra vérifier que cela apporte vraiment un plus à la plante dans des conditions où l’apport d’azote par le sol est limitant», note-t-il par exemple. En effet, les céréales disposent d’autres circuits d’approvisionnement de ce fertilisant, qui peuvent être moins «coûteux» en énergie pour elles, et pour les bactéries qui participent à cette capture. Il faudra voir aussi si Azorhizobium caulinodans, mise «contre son gré» au service de l’orge, n’inactivera pas cette fonction pour rétablir son métabolisme naturel moins énergivore pour elle. En outre, cette nouvelle symbiose génétiquement modifiée supposera très probablement des inoculations bactériennes régulières dans le sol, le microcosme souterrain étant impitoyable avec les nouveaux venus. Quant aux obstacles réglementaires, on peut aussi gager qu’ils ne manqueront pas. Source Le Monde.

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