dimanche 11 septembre 2022

Reportage sur l'usine Buitoni de Nestlé, toujours des questions, mais pas de réponse !

Dans ce que France Inter appelle une enquête diffusée le 10 septembre 2022, vous lirez ou écouterez à propos des «Pizzas Buitoni contaminées à l’E. Coli : les révélations des salariés».

Résumé
Six mois après le scandale, plusieurs salariés de l’usine Buitoni à Caudry mettent en cause des pratiques que Nestlé leur aurait imposées : la réduction du temps de nettoyage et l’utilisation d’une farine non pasteurisée.

Un autre article de la même radio traite des «Pizzas Buitoni contaminées : de nouveaux dysfonctionnements dénoncés par les salariés».

J’ai sélectionné quelques extraits ci-après, mais rien de bien nouveau ...

Le 1er avril dernier, un arrêté de la préfecture du Nord ordonne l’arrêt de la production «jusqu’à la remise en conformité avec la réglementation en matière d’hygiène».

Voici ci-dessous des extraits de l’arrêté préfectoral daté du 1er avril 2022 de la préfecture du Nord.
Réduire au minimum les temps qui ne sont pas consacrés à la production
L’enquête a néanmoins permis de révéler des défaillances dans la gestion de l’usine. Celles-ci avaient déjà été pointées par la DGCCRF dans trois rapports datant de 2012, 2014 et 2020 (comme l’a révélé le média d’investigation en ligne Disclose). On avait alors découvert la présence de moisissures, de rouille et de peintures écaillées dans l’usine, ainsi que des mites alimentaires sur la ligne de production des pizzas Fraîch’Up.

«En 2012, Nestlé a mis en place une nouvelle manière de gérer le site. On appelle ça la méthode Lean», explique Maryse Tréton de de la fédération CGT de l’agroalimentaire. L'objectif est de réduire au maximum tous les temps qui ne sont pas dédiés à la production. On réduit les temps de nettoyage et les temps de maintenance préventive pour faire de la production au maximum.»

Commentaire
Pourquoi faut-il faire des rapports si l'on n’agit pas ? La question ne sera pas posée à la DGCCRF, mais uniquement à la direction de Nestlé ...

«L’état général s’est dégradé»
Selon des salariés, les conséquences de cette réorganisation ne se font pas attendre : «Pour nous, ça voulait dire aller plus vite sur le nettoyage. Du coup, la priorité, c'était de nettoyer la ligne de production et les machines. Mais pas ce qu’il y avait autour, comme par exemple les murs et les plafonds. Ce n’était plus possible de tout faire.» Interrogée sur ce point, la direction de Nestlé France confirme que le temps de nettoyage est aujourd’hui de moins de 5 heures. Mais elle précise qu’elle fait effectuer «des prélèvements microbiologiques systématiques dans différentes zones stratégiques du site». Voir aussi cet article du blog.

Cette réduction du temps de nettoyage aurait eu d’autres conséquences. Selon les salariés que la Cellule investigation de Radio France a rencontrés, certaines zones de l'usine qui étaient nettoyées au moins une fois par an avant 2015, ne le seraient plus. «Avant, explique l’un d'eux, on fermait l’usine trois semaines au mois d’août. Pendant ce temps, l’entreprise de nettoyage qui avait un contrat avec l’usine pouvait faire du nettoyage de fond. Depuis, Nestlé ne veut arrêter l’usine qu'une seule semaine en été. Donc, l’état général s’est dégradé.»

27 degrés à cause de la climatisation bouchée
Dans l’atelier de boulangerie où est fabriquée la pâte des pizzas Fraîch’Up, «avant 2015, les gaines de la climatisation étaient nettoyées tous les six mois-un an, explique un salarié. Maintenant, ce n’est plus fait et ça se bouche. Quand il fait 40 degrés dehors, comme il y a de la tôle sur les toits, la température monte très haut dans l’atelier, il fait très chaud, ça peut monter jusqu’à 27 degrés.»
Interrogée précisément sur ce point, la direction de Nestlé France n’a pas répondu.

Des silos à farine non nettoyés depuis sept ans
La salubrité d’autres zones de l’usine laissait apparemment à désirer. Il s’agit des silos, ces quatre tours géantes de l’usine très visibles de loin, et qui stockent chacune 25 tonnes de farine. «Avant, ils étaient nettoyés une fois par an, au mois d’août pendant la fermeture de l’usine. Depuis 2015, ils ne l’ont plus été à ma connaissance», affirme un salarié. Or, selon le Guide européen des bonnes pratiques d’hygiène pour l’entreposage des céréales que nous avons consulté, il faudrait nettoyer les lieux de stockage au moins une fois par an.

Un changement de farine qui pose question
La piste d’une contamination à l’intérieur de l’usine est l’une des hypothèses avancées par les scientifiques, mais elle n’est pas la seule. Il n'est pas exclu que la farine ait pu être contaminée avant d'être livrée à l’usine. Cette éventualité a été avancée par Christophe Cornu, le PDG de Nestlé France, dans une interview au Figaro en juillet dernier.

Pour parer à cette éventualité, il existe un type de farine traitée thermiquement, c’est-à-dire chauffée pour tuer les bactéries. Elle est régulièrement employée pour la fabrication de pâtes crues, plus propice à la présence de bactéries. Et Buitoni, selon des salariés, utilisait ce type de farine jusqu’en 2021 pour fabriquer la pâte de sa gamme Fraîch’Up. Mais ils affirment qu’après cette date, c’est une autre farine non traitée thermiquement qui aurait été utilisée.

«Début 2021, il y a eu changement de farine alors que ça faisait 20 ans qu'on faisait la Fraîch’Up avec la même, nous a-t-on affirmé. On n'avait jamais eu de problème avec cette farine pasteurisée. Et on nous a dit : maintenant vous allez utiliser une pâte classique qui n'est pas pasteurisée. On n’a pas compris pourquoi.» Interrogée sur ce point, la direction de Nestlé nous a confirmé qu’elle avait changé la recette des pizzas Fraîch’Up, mais sans donner de précisions sur la nature de la farine qu’elle utilise désormais.

L’article cite «Une alerte, déjà chez Nestlé, aux Etats-Unis en 2009», c’était un peu plus qu’un alerte, mais sur cette affaire, le blog vous en avait largement parlé en son temps. Voir aussi tous les articles parus sur le sujet dans Food Safety News.

En 2009, la pâte à cookies préemballée de Nestlé Toll House a rendu malade 72 personnes dans 30 États contaminée par E. coli O157:H7, et 35 de ces personnes ont été admises à l'hôpital, dont quelques-unes avec une maladie grave.

En janvier 2010, Nestlé a identifié la présence de E. coli O157 dans sa pâte à cookies avant que cela n’atteigne des consommateurs.
Le communiqué de presse de Nestlé indiquait : «le produit actuellement sur les étagères des magasins affichant l'autocollant Nouveau lot» n'est pas affecté et aucun produit n'est rappelé.» Un changement que Nestlé prévoit d'apporter est de traiter thermiquement toute la farine utilisée dans la pâte à biscuits Toll House . Ce procédé, que Nestlé a commencé à utiliser mercredi, entraînera une suspension temporaire de la production. Cependant, la production avec le nouvel ingrédient débutera la semaine du 25 janvier et le produit apparaîtra sur les tablettes des épiceries début mars 2021.»

Si l’on remonte un peu plus loin, le CDC avait mis en cause de la farine en 2016 où 63 personnes dans plusieurs Etats avaient été rendues malades.

A cette occasion, le CDC avait indiqué,
Cette épidémie rappelle qu'il n'est pas sûr de goûter ou de manger de la pâte ou de la pâte crue, qu'elle soit faite de farine rappelée ou de toute autre farine. La farine ou d'autres ingrédients utilisés pour faire de la pâte crue ou de la pâte à frire peuvent être contaminés par des STEC et d'autres germes qui peuvent rendre les gens malades.

Plus récemment, le blog avait synthétisé certaines pistes dans Quelques éléments sur une ‘possible’ contamination de la pâte de pizzas.

 Enfin, on rappelera une fois de plus cette BD de 1993 !

Source de l’image en haut à droite.

Complément
On lira aussi «Scandale sanitaire : Nestlé défend le nettoyage de l’usine Buitoni de Caudry», source France 3 Hauts de France du 11 septembre.

Le nettoyage du site confié à une entreprise extérieure
Nestlé ne conteste pas l’évolution de la durée consacrée au nettoyage de site. Le groupe affirme que le temps effectif consacré au nettoyage n'a pas varié. Avant 2015, un prestataire extérieur était chargé du nettoyage, effectué entre 23h et 5h, avec une équipe de cinq personnes. Depuis l'internalisation, ce sont au moins dix personnes qui sont affectées au nettoyage, sur une durée inférieure, a-t-on expliqué.

«À l'issue de chaque cycle de production, les lignes sont intégralement arrêtées et nettoyées suivant un processus strict d'une durée de 4h45, comprenant une phase de nettoyage, puis de désinfection et enfin un rinçage à l'eau dont l'efficacité est contrôlée par des prélèvements microbiologiques systématiques dans différentes zones stratégiques du site», a déclaré à l'AFP un porte-parole du groupe.

Selon La Voix du Nord du 10 septembre, «Affaire Buitoni: l’usine de Caudry rouvrira-t-elle mi-novembre?»

Alors que de nouvelles révélations de salariés témoignent de dysfonctionnements sur l’entretien du site, un accord d’entreprise daté du 18 août fixe à la semaine 46 l’objectif de réouverture de l’usine Buitoni de Caudry.

Enfin, une curiosité de la part de l’avocat d'une quinzaine de plaignants,

Me Richard Legrand s'est rendu à Caudry le 10 septembre, récupérer, avec une glacière, deux pizzas surgelées. Potentiellement contaminées, il va les faire analyser. Si de nouvelles souches ou de nouvelles bactéries sont identifiées, le nombre de plaignants pourrait augmenter considérablement.

Contacté mi-mai par un habitant d'une commune proche de Caudry qui avait acheté deux pizzas de la gamme Fraîch Up, quelques jours avant le 18 mars, date du retrait de ces pizzas des étals des supermarchés, l'avocat Richard Legrand a décidé de venir, glacière à la main, les chercher et de faire réaliser des analyses sur ces pizzas.

Me Legrand a d'abord proposé de les mettre à disposition de la justice. Sans réponse du juge, il va donc les faire analyser lui-même cette semaine.

C’est bien connu la justice est aveugle, et s'il y a de nouvelles souches ou de nouvelles bactéries, il y aura de nouveaux plaignants, pardon, de nouveaux clients ...

Complément
Bill Marler, l’avocat bien connu en sécurité des aliments, indique dans un article paru dans le Marler Blog, «Damn, if this report is true (and translated correctly) Nestlé France has a serious problem» (Mince, si ce que dit cet article est vrai (et traduit correctement) Nestlé France a un sérieux problème).

L’article auquel Bill Marler fait référence à pour titre, «Buitoni affair: new testimonies overwhelm management» (Affaire Buitoni : de nouveaux témoignages accablent la direction) qui rend compte de l’article de France Inter, dont le blog vous a narré l’essentiel dans Reportage sur l'usine Buitoni de Nestlé, toujours des questions, mais de réponse !

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