mardi 5 février 2019

Retour sur une épidémie nationale à Salmonella Agona associée aux laits infantiles de chez Lactalis


Retour sur une épidémie nationale à Salmonella Agona associée à des laits infantiles avec une distribution internationale en décembre 2017 avec des éléments d'une publication parue dans le numéro du 11 janvier 2019 d'Eurosurveillance.

Identification de l'épidémie
À la fin du mois de novembre 2017, le Centre national de référence (CNR) pour la recherche de Salmonella avait constaté une augmentation inhabituelle de Salmonella Agona chez des nourrissons, 22 cas ayant été identifiés entre août et novembre 2017 chez des enfants de moins de six mois. Le 1er décembre, des entretiens avec des soignants de huit de ces nourrissons par Santé Publique France (SPF) ont identifié des produits de lait infantile d'une seule entreprise comme source potentielle. Tous sauf le premier des huit cas investigués, avaient consommé des produits fabriqués dans une seule installation exploitée par cette entreprise. Cette installation avait déjà été associée à une épidémie à Salmonella Agona en 2005. Une investigation sur l’épidémie est actuellement en cours avec le CNR, SPF, le ministère de la santé et le ministère de l’économie en charge des affaires des consommateurs.

Investigations environnementales et des produits
Les investigations environnementales et des produits par l'entreprise et du ministère chargé de la consommation sont toujours en cours. Cependant, les informations épidémiologiques suggèrent fortement que les produits fabriqués dans une installation sont à l'origine des infections. L'installation fabrique une large gamme d'aliments pour nourrissons et enfants en bas âge. Les analyses microbiologiques de routine des produits effectués par l'installation dans le cadre des pratiques de production normales ont été négatifs. Le 2 décembre 2017, l'entreprise a rappelé volontairement les lots des trois produits initialement impliqués (laits-A, B, C). Le 10 décembre, après que les parents d'un cas eurent déclaré utiliser exclusivement un quatrième produit (Lait-D) et à la lumière des résultats préliminaires d'investigations environnementales menées sur le site, l'entreprise a rappelé tous les produits fabriqués sur son site depuis la mi-février 2017 et pour laquelle la production était associée à une tour de séchage sur le site [1 et 2]. Le 13 décembre, cinq autres lots omis de la liste de rappel publiée le 10 décembre ont été rappelés. Le 22 décembre, par mesure de précaution, l'entreprise a rappelé volontairement tous les produits fabriqués ou transformés dans l'installation depuis février 2017.

Potentiel de propagation internationale et alertes internationales
Au 8 janvier 2018, des investigations de traçabilité en amont avaient révélé que les produits rappelés avaient été distribués dans 66 pays, dont 12 dans l'Union européenne (UE). Une alerte a été diffusée le 4 décembre sur le système européen d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF), qui a été mise à jour au fur et à mesure de la disponibilité d'informations supplémentaires sur le réseau de distribution international des produits. L'alerte a également été émise via le réseau Infosan de l'Organisation mondiale de la santé. Les autorités européennes de la santé publique et les microbiologistes ont été alertés de l'épidémie le 6 décembre 2017 par SPF via une enquête urgente sur les informations diffusées par l'intermédiaire de l'Epidemic Intelligence Information System for Food and Waterborne Diseases and Zoonoses du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies.
À ce jour, deux cas chez des nourrissons ayant consommé des produits exportés concernés ont été identifiés dans des pays de l'UE autres que la France. L'isolat d'un cas en Espagne appartenait à un cluster de l'épidémie avec un polymorphisme mononucléotidique dans le séquençage du génome entier réalisé au CNR. L'isolat provenant d'un cas en Grèce n'a pas produit de H2S, ni de gaz après 18 h d'incubation sur une gélose au fer Kligler et les résultats du séquençage du génome entier sont en attente.

Mesures de contrôle en France
En France, depuis le 2 décembre 2017, de multiples plates-formes médiatiques ont été utilisées pour informer les parents et les personnes en charge de l'épidémie, pour leur conseiller de ne pas utiliser les produits en cause et de recommander des pratiques d'hygiène appropriées pour la préparation de produits à base de lait pour nourrissons. Tous les produits rappelés ont été publiés sur le site Internet du ministère français chargé de la consommation. La première alerte publique ayant été lancée un week-end, des conseils ont également été donnés sur la manière de réduire le risque si des produits de remplacement n'étaient pas disponibles au cours du week-end. En coopération avec la Société française de pédiatrie, des conseils ont été émis sur les différentes options de produits à base de lait pour nourrissons. Le ministère français de la santé a mis en place un service d'assistance téléphonique pour les parents et les soignants concernés. Les établissements de pédiatrie et de maternité ainsi que les professionnels de la santé ont également été informés.
Il s'agit du troisième foyer à Salmonella associé à des produits laitiers pour nourrissons signalé en France [Voir ici et ici]. Des épidémies similaires ont également été rapportées ailleurs. Un foyer à Salmonella Agona touchant 141 cas confirmés est apparu en France en 2005 et était associé à deux produits différents fabriqués dans le même établissement et impliqués dans le foyer actuel. Lors de l'éclosion de 2005, des échantillons des produits en cause et des échantillons environnementaux de l'installation ont donné des isolats présentant le même profil par PFGE que les isolats cliniques. Cependant, seul un échantillon sur 176 et quatre des 27 échantillons des deux produits alimentaires concernés et six des 420 échantillons environnementaux ont été testés positifs pour Salmonella Agona suggérant une contamination de faible niveau. Les dates de production des échantillons d'aliments positifs suggèrent une contamination persistante de l'environnement. La source de la contamination dans l'installation n'a pas été identifiée. Dans le cadre de l'éclosion actuelle, les enquêtes environnementales sont toujours en cours et, à ce stade, aucune source de contamination évidente n'a été identifiée dans l'installation.
Le nombre de cas associés à cette éclosion est probablement sous-estimé, car les cas présentant des symptômes bénins n'ont peut-être pas consulté un professionnel de la santé ou n'ont pas fait l'objet d'un diagnostic approfondi (prélèvement de selles, culture, identification du sérotype, confirmation au CNR). Malgré cette possibilité, compte tenu de la large distribution des produits et du faible nombre de cas signalés, le niveau de contamination des produits est probablement faible. Le fait que l'épidémie actuelle implique le même sérotype que dans l'épidémie précédente soulève la question de la persistance de la présence de l'organisme dans l'établissement pendant 12 ans. La persistance de Salmonella Agona dans un environnement de production d'aliments secs aux États-Unis, entraînant deux éclosions à dix ans d'intervalle, 1998 et 2008, a déjà été rapportée. Une comparaison des isolats humains et environnementaux de 2005 avec les isolats de l'éclosion actuelle est en cours afin d'étudier cette possibilité.

Référence. Jourdan-da Silva NathalieFabre LaetitiaRobinson EveFournet NellyNisavanh AthinnaBruyand MathiasMailles AlexandraSerre Estelle,Ravel MagaliGuibert VéroniqueIssenhuth-Jeanjean SylvieRenaudat CharlotteTourdjman MathieuSeptfons Alexandrade Valk HenrietteLe Hello Simon. Ongoing nationwide outbreak of Salmonella Agona associated with internationally distributed infant milk products, France, December 2017. Euro Surveill. 2018;23(2):pii=17-00852. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2018.23.2.17-00852

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