Retour
sur une épidémie nationale à Salmonella Agona associée à des laits infantiles avec une
distribution internationale en décembre 2017 avec des éléments
d'une publication
parue dans le numéro du 11 janvier 2019 d'Eurosurveillance.
Identification
de l'épidémie
À la
fin du mois de novembre 2017, le Centre national de référence (CNR)
pour la recherche de Salmonella avait constaté une
augmentation inhabituelle de Salmonella Agona chez des
nourrissons, 22 cas ayant été identifiés entre août et novembre
2017 chez des enfants de moins de six mois. Le 1er décembre, des
entretiens avec des soignants de huit de ces nourrissons par Santé
Publique France (SPF) ont identifié des produits de lait infantile
d'une seule entreprise comme source potentielle. Tous sauf le premier
des huit cas investigués, avaient consommé des produits fabriqués
dans une seule installation exploitée par cette entreprise. Cette
installation avait déjà été associée à une
épidémie à Salmonella Agona en 2005. Une investigation
sur l’épidémie est actuellement en cours avec le CNR, SPF, le
ministère de la santé et le ministère de l’économie en charge
des affaires des consommateurs.
Investigations
environnementales et des produits
Les
investigations environnementales et des produits par l'entreprise et
du ministère chargé de la consommation sont toujours en cours.
Cependant, les informations épidémiologiques suggèrent fortement
que les produits fabriqués dans une installation sont à l'origine
des infections. L'installation fabrique une large gamme d'aliments
pour nourrissons et enfants en bas âge. Les analyses
microbiologiques de routine des produits effectués par
l'installation dans le cadre des pratiques de production normales ont
été négatifs. Le 2 décembre 2017, l'entreprise
a rappelé volontairement les lots des trois produits initialement
impliqués (laits-A, B, C). Le 10 décembre, après que les
parents d'un cas eurent déclaré utiliser exclusivement un quatrième
produit (Lait-D) et à la lumière des résultats préliminaires
d'investigations environnementales menées sur le site, l'entreprise
a rappelé tous les produits fabriqués sur son site depuis la
mi-février 2017 et pour laquelle la production était associée à
une tour de séchage sur le site [1
et 2].
Le 13 décembre, cinq
autres lots omis de la liste de rappel publiée le 10 décembre ont
été rappelés. Le 22 décembre, par mesure de précaution,
l'entreprise
a rappelé volontairement tous les produits fabriqués ou transformés
dans l'installation depuis février 2017.
Potentiel
de propagation internationale et alertes internationales
Au 8
janvier 2018, des investigations de traçabilité en amont avaient
révélé que les produits rappelés avaient été distribués dans
66 pays, dont 12 dans l'Union européenne (UE). Une
alerte a été diffusée le 4 décembre sur le système européen
d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour
animaux (RASFF), qui a été mise à jour au fur et à mesure de
la disponibilité d'informations supplémentaires sur le réseau de
distribution international des produits. L'alerte a également été
émise via le réseau Infosan de l'Organisation mondiale de la santé.
Les autorités européennes de la santé publique et les
microbiologistes ont été alertés de l'épidémie le 6 décembre
2017 par SPF via une enquête urgente sur les informations
diffusées par l'intermédiaire de l'Epidemic
Intelligence Information System for Food and Waterborne Diseases and
Zoonoses du Centre européen de prévention et
de contrôle des maladies.
À
ce jour, deux cas chez des nourrissons ayant consommé des produits
exportés concernés ont été identifiés dans des pays de l'UE
autres que la France. L'isolat d'un cas en Espagne appartenait à un
cluster de l'épidémie avec un polymorphisme
mononucléotidique dans le séquençage
du génome entier réalisé au CNR. L'isolat provenant d'un cas en
Grèce n'a pas produit de H2S, ni de gaz après 18 h d'incubation sur
une gélose au fer Kligler et les résultats
du séquençage du génome entier sont en attente.
Mesures
de contrôle en France
En
France, depuis le 2 décembre 2017, de multiples plates-formes
médiatiques ont été utilisées pour informer les parents et les
personnes en charge de l'épidémie, pour leur conseiller de ne pas
utiliser les produits en cause et de recommander des
pratiques d'hygiène appropriées pour la préparation de produits à
base de lait pour nourrissons. Tous les produits rappelés ont
été publiés sur le site Internet du ministère français chargé
de la consommation. La première alerte publique ayant été lancée
un week-end, des conseils ont également été donnés sur la manière
de réduire le risque si des produits de remplacement n'étaient pas
disponibles au cours du week-end. En coopération avec la Société
française de pédiatrie, des
conseils ont été émis sur les différentes options de produits à
base de lait pour nourrissons. Le ministère français de la
santé a mis en place un service d'assistance téléphonique pour les
parents et les soignants concernés. Les établissements de pédiatrie
et de maternité ainsi que les professionnels de la santé ont
également été informés.
Il
s'agit du troisième foyer à Salmonella associé à des
produits laitiers pour nourrissons signalé en France [Voir ici
et ici].
Des épidémies similaires ont également été rapportées ailleurs.
Un
foyer à Salmonella Agona touchant 141 cas confirmés est
apparu en France en 2005 et était associé à deux produits
différents fabriqués dans le même établissement et impliqués
dans le foyer actuel. Lors de l'éclosion de 2005, des échantillons
des produits en cause et des échantillons environnementaux de
l'installation ont donné des isolats présentant le même profil par
PFGE que les isolats cliniques. Cependant, seul un échantillon sur
176 et quatre des 27 échantillons des deux produits alimentaires
concernés et six des 420 échantillons environnementaux ont été
testés positifs pour Salmonella Agona suggérant une
contamination de faible niveau. Les dates de production des
échantillons d'aliments positifs suggèrent une contamination
persistante de l'environnement. La source de la contamination dans
l'installation n'a pas été identifiée. Dans le cadre de l'éclosion
actuelle, les enquêtes environnementales sont toujours en cours et,
à ce stade, aucune source de contamination évidente n'a été
identifiée dans l'installation.
Le
nombre de cas associés à cette éclosion est probablement
sous-estimé, car les cas présentant des symptômes bénins n'ont
peut-être pas consulté un professionnel de la santé ou n'ont pas
fait l'objet d'un diagnostic approfondi (prélèvement de selles,
culture, identification du sérotype, confirmation au CNR). Malgré
cette possibilité, compte tenu de la large distribution des produits
et du faible nombre de cas signalés, le niveau de contamination des
produits est probablement faible. Le fait que l'épidémie actuelle
implique le même sérotype que dans l'épidémie précédente
soulève la question de la persistance de la présence de l'organisme
dans l'établissement pendant 12 ans. La persistance de Salmonella
Agona dans un environnement de production d'aliments secs aux
États-Unis, entraînant deux
éclosions à dix ans d'intervalle, 1998 et 2008, a déjà été
rapportée. Une comparaison des isolats humains et
environnementaux de 2005 avec les isolats de l'éclosion actuelle est
en cours afin d'étudier cette possibilité.
Référence.
Jourdan-da
Silva Nathalie, Fabre
Laetitia, Robinson
Eve, Fournet
Nelly, Nisavanh
Athinna, Bruyand
Mathias, Mailles
Alexandra, Serre
Estelle,Ravel
Magali, Guibert
Véronique, Issenhuth-Jeanjean
Sylvie, Renaudat
Charlotte, Tourdjman
Mathieu, Septfons
Alexandra, de
Valk Henriette, Le
Hello Simon.
Ongoing nationwide outbreak of Salmonella Agona associated with
internationally distributed infant milk products, France, December
2017. Euro
Surveill. 2018;23(2):pii=17-00852. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2018.23.2.17-00852
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