Dans le journal Le Temps de Lausanne (Suisse) du 25 mars 2020 est paru une opinion de Richard Werly, « La faute antisystème du professeur Raoult ».
Avec son forcing pro-chloroquine, l’infectiologue marseillais démontre, en pleine épidémie, que le corps médical français souffre des mêmes maux que le reste du pays: esprit de cour et système figé.
A
circonstances exceptionnelles, démarche inédite: cette chronique,
j’en suis sûr, attisera la colère d’un lecteur attentif du
Temps
(merci
à lui!), convaincu que mes a priori anti-français polluent ce
journal et nuisent à sa crédibilité. Soit. Bernard Duruel, puisque
c’est de lui qu’il s’agit, a plusieurs fois pris la plume la
semaine dernière pour me reprocher vertement d’avoir raconté,
jeudi 19 mars, le quotidien compliqué de «l’impossible
confinement de la capitale» à Saint-Denis, dans la banlieue nord de
Paris. Merci vraiment, cher lecteur, et continuez de me critiquer
ainsi, car tout correspondant a besoin d’être brocardé et
recadré. Croyez bien, surtout, que j’ai lu avec attention vos
accusations, inquiet de mal comprendre et de mal relater la France.
Seulement voilà: une autre affaire «sensible» est passée par là
et elle concerne l’épidémie de coronavirus. Je me devais donc de
la traiter.
Didier Raoult, directeur de l’IHU Méditerranée Infection. Marseille, 26 février 2020. — © AFP |
Cette
affaire porte un nom: celui du professeur Didier Raoult,
infectiologue réputé et directeur de l’Institut
hospitalo-universitaire de Marseille, dont le traitement contre le
Covid-19, à base de chloroquine, fait la une de tous les médias, y
compris celle du Temps
de
ce jour. Pas question, pour ma part, de me prononcer sur la vertu de
ce médicament, et sur l’utilité, ou non, de l’administrer dès
maintenant aux patients infectés venus se faire dépister en masse à
son centre marseillais. J’ai en revanche lu beaucoup d’articles
sur cet universitaire, récompensé en 2010 par le Grand Prix de
l’Inserm, l’Institut national français de la santé et de la
recherche médicale. Je l’ai aussi écouté justifier, à la radio
et à la télévision, sa décision de claquer, mardi 24 mars,
la porte du Conseil scientifique qui assiste Emmanuel Macron dans
cette crise majeure. J’ai enfin interrogé quelques confrères
français, spécialistes de la chose médicale, et au moins un ancien
ministre, sur le conflit qui a opposé, dans le passé, le professeur
Raoult à un autre médecin et scientifique très «cappé», Yves
Lévy, ex-patron de l’Inserm jusqu’en 2018 et, à la ville, époux
de l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn. Laquelle, après avoir
quitté le 17 février le gouvernement pour briguer la mairie de
Paris (en troisième position à l’issue du premier tour), s’est
permis de qualifier de «mascarade» ces élections municipales…
Or
tous les faits recueillis concordent: l’excentrique Didier Raoult,
très critiqué pour son ego semble-t-il surdimensionné, paie
aujourd’hui cher le prix d’avoir commis la pire des fautes dans
une France médicale figée à l’image du pays: celle de rester,
lui le «ponte» de la Canebière, en marge du système, voire d’oser
l’affronter. Un «système» dominé par quelques grands mandarins
de la santé passés maîtres dans l’art de tout verrouiller. Un
«système» où Paris regarde la province avec condescendance. Un
«système» où l’esprit de caste nivelle, impitoyable, les
initiatives originales et disruptives. Un «système» où, comme
dans bien d’autres corps de l’Etat républicain, l’esprit de
cour l’emporte sur l’esprit de service. Un «système» que,
justement, un certain candidat Emmanuel Macron promettait de
bousculer s’il accédait à l’Elysée en nommant de nouveaux
directeurs d’administration centrale (ce qu’il n’a pas fait).
Un «système» incarné par la dérive ploutocratique et lucrative
de nombreux énarques et hauts fonctionnaires aujourd’hui au cœur
du pouvoir macronien, dénoncée au vitriol par Vincent Jauvert dans
Les Voraces* (Ed. Robert Laffont). Un «système» que le projet de
réforme de l’Ecole nationale d’administration - un rapport vient
d’être rendu – promet de bousculer.
Je ne connais
pas Didier Raoult. Mais alors qu’Uderzo, le dessinateur d’Astérix,
vient de nous quitter, son caractère de Gaulois chevelu, têtu,
fanfaron, mégalomane et opiniâtre dit quand même quelque chose de
cette France «en guerre». D’un côté, un médecin-combattant
très convaincu de sa valeur, isolé dans son laboratoire de
Marseille et persuadé que la liberté de penser et de se battre doit
primer sur la prudence d’Etat. De l’autre: un conseil
scientifique composé d’experts très reconnus et très compétents,
qui resserrent la vis – à juste titre – sur la population
française sans exercer, par ailleurs, leur devoir de vérité.
Raoult est un infectiologue «sans culotte». Eux sont des mandarins,
souvent passés par les cabinets ministériels, et les arcanes du
pouvoir médical hexagonal. J’espère de tout cœur avoir tort.
Mais s’il y a, comme je le crois, du vrai dans ce combat-là, cher
monsieur Duruel, la France de l’après Covid-19 ferait quand même
bien d’en tirer quelques leçons.
Une pièce de
plus à ajouter au très lourd dossier de l'état de la santé en
France. L'article note avec justesse que le conseil scientifique est
présent autour du Président mais sans exercer, par ailleurs, leur
devoir de vérité auprès des Français ..., pas assez de masque, pas assez de tests, pas assez de gel hydro-alcoolique, pas assez d'écouvillon, pas assez de lits, pas assez de respirateur et pas assez de blouse dans les EHPAD, cela, il ne faudra pas
aussi l'oublier ...
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