vendredi 5 février 2021

Un rapport mondial souligne le manque de progrès sur la résistance aux antibiotiques

«Un rapport mondial souligne le manque de progrès sur la résistance aux antibiotiques», source article de Chris Dall paru le 4 février 2021 dans CIDRAP News.

Un nouveau rapport indique que la consommation mondiale d'antibiotiques et les niveaux de résistance continuent d'augmenter, de nombreux pays en voie de développement dans le monde faisant face à des taux de résistance aux médicaments inquiétants.

Parmi les conclusions du rapport State of the World's Antibiotics in 2021 (Situation des antibiotiques dans le monde en 2021) est que, si la consommation d'antibiotiques par habitant dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFIs) reste inférieure à celle des pays plus riches, les taux de consommation convergent.

Cette tendance reflète à la fois des efforts accrus de gestion des antibiotiques dans les pays à revenu élevé, qui ont historiquement connu des taux d'utilisation d'antibiotiques plus élevés, et un meilleur accès aux antibiotiques dans les PRFIs. Mais cela reflète également une charge de morbidité plus élevée dans les PRFIs et une augmentation de l'utilisation inappropriée d'antibiotiques dans certains de ces pays.

«Il n'y a plus beaucoup de différence entre ce qui se passe dans les PRFIs et ce qui se passe dans les pays à revenu élevé», a déclaré Ramanan Laxminarayan, directeur du Center for Disease Dynamics, Economics and Policy (CDDEP). lors d'un webinaire pour marquer la publication du rapport.

Parallèlement, le rapport montre également que les taux moyens de résistance aux antibiotiques sont plus élevés dans les PRFIs, notamment parmi les pathogènes multirésistants tels que Acinetobacter baumannii et Klebsiella pneumoniae, mais également à travers une variété d'autres pathogènes bactériens.

«Les niveaux de résistance dans les pays à revenu faible et intermédiaire sont extraordinairement élevés, dépassant 20% dans de nombreux cas et allant jusqu'à 80%», a dit Laxminarayan.

Les tableaux de bord mettent en évidence les tendancesde résistance aux antmicrobiens dans chaque pays

Le rapport est une mise à jour du rapport 2015 du CDDEP sur l'utilisation et la résistance aux antibiotiques dans le monde. Basé sur les informations de ResistanceMap, un site Internet créé par le CDDEP qui regroupe les données mondiales sur la résistance aux antimicrobiens (RAM) et la consommation d'antibiotiques provenant de diverses sources, le rapport fournit un large aperçu des tendances mondiales One Health et des tendances dans chaque pays. Le rapport comprend des tableaux de bord qui montrent l'état de l'utilisation des antibiotiques et de la résistance chez l'homme et l'animal dans 40 pays.

Chaque tableau de bord comprend les taux d'utilisation d'antibiotiques du pays pour les humains et les animaux, les taux de résistance à trois pathogènes multirésistants (Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline, K. pneumoniae résistant aux carbapénèmes et Escherichia coli résistant aux céphalosporines de troisième génération) et les taux de résistance parmi les bactéries couramment retrouvé chez les animaux destinés à l'alimentation humaine. Les indicateurs de santé publique qui peuvent être des facteurs importants de résistance aux antibiotiques, tels que l'incidence de la tuberculose, le taux de mortalité par pneumocoques des moins de 5 ans et l'accès aux installations de base pour le lavage des mains, sont également inclus.

Les tableaux de bord présentent également l'indice de résistance aux médicaments (DRI pour Drug Resistance Index) du pays, une métrique développée par le CDDEP qui combine l'utilisation d'antibiotiques et la résistance en un seul chiffre qui mesure l'efficacité moyenne dans chaque pays des antibiotiques utilisés pour traiter les bactéries pathogènes jugées critiques par l'OMS. Un score DRI plus élevé (sur une échelle de 0 à 100) indique un problème de résistance plus important. Bien que tous les pays ne disposent pas de suffisamment de données pour obtenir un score DRI, les PRFIs ont certains des scores les plus élevés.

«Ce que nous voyons, c'est que la résistance est un problème dans la plupart des pays, mais un problème plus important aujourd'hui dans les pays à revenu faible et intermédiaire, entraîné par l'augmentation de la consommation d'antibiotiques dans certains de ces pays», a dit Laxminarayan.

Parmi les PRFIs qui ont connu une augmentation spectaculaire de la consommation d'antibiotiques, il y a le Vietnam, où l'utilisation d'antibiotiques par habitant a augmenté de 286,5% de 2010 à 2020. En revanche, les tableaux de bord montrent que de nombreux pays à revenu plus élevé ont connu une baisse de la consommation d'antibiotiques par habitant la dernière décennie.

Laxminarayan a souligné que la résistance aux antimicrobiens implique de nombreux facteurs et qu'une consommation accrue d'antibiotiques en soi n'est pas nécessairement une mauvaise chose, car de nombreuses personnes dans les pays pauvres n'ont pas accès aux antibiotiques largement disponibles dans les pays plus riches depuis des décennies. Par exemple, environ 150 000 enfants en Inde meurent chaque année en raison d'un manque d'accès à la pénicilline, a-t-il déclaré.

Mais le rapport montre également que les PRFIs d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie ont connu la plus forte augmentation de la consommation d'antibiotiques dans les catégories de surveillance et de réserve de l'OMS. Les antibiotiques de surveillance sont des médicaments à large spectre qui risquent de perdre de leur efficacité et devraient être considérés comme des cibles clés dans la gestion, tandis que les antibiotiques de réserve sont ceux qui ne devraient être utilisés que pour les infections multirésistantes.

Bien que cela puisse refléter des infections plus résistantes qui nécessitent des antibiotiques plus puissants, cela suggère également que ces antibiotiques sont utilisés de manière inappropriée, peut-être parce que les options à spectre plus étroit ne sont pas disponibles.

«D'une part, nous avons un manque d'accès à un médicament simple qui coûte littéralement quelques centimes, et d'autre part, nous avons une résistance parce que les personnes achètent des médicaments extrêmement chers dont ils n'ont absolument pas besoin», a dit Laxminarayan.

Participante au webinaire Dame Sally Davies, l'envoyée spéciale du Royaume-Uni sur la résistance aux antimicrobiens, a dit qu'elle pensait que l'utilisation de tableaux de bord pour suivre et transmettre le problème de la résistance aux antimicrobiens était un bon moyen d'aider le public et les décideurs à comprendre le problème, dans l'espoir de stimuler l'action.

«Si vous regardez ce qui s'est passé avec le COVID, vous pouvez voir que les tableaux de bord disponibles et accessibles et montrés au public et aux politiciens ont démontré l'urgence du problème», a-t-elle déclaré.

Besoin de cibles

Laxminarayan a noté que le rapport de 2015 avait été publié lorsque de nombreux pays plus riches commençaient à prêter attention à la résistance aux antibiotiques et avaient commencé à élaborer des plans d'action nationaux, mais la plupart des pays du monde n'avaient pas commencé à prendre des mesures collectives. Puis est venue la réunion de haut niveau des Nations Unies (ONU) de 2016, qui a souligné la résistance aux antimicrobiens en tant que problème de santé mondial.

Lors de cette réunion, Laxminarayan et d'autres ont fait valoir qu'il devrait y avoir des objectifs mondiaux et nationaux sur l'utilisation des antibiotiques et les taux de résistance, mais de nombreux pays hésitaient à être tenus responsables de la réalisation de ces objectifs. Il a dit que le rapport mis à jour suggère que la question des objectifs doit être réexaminée.

«Nous pensons maintenant que, 5 ans plus tard, le manque de progrès sur cette question a rendu important pour nous de soutenir à nouveau que, sans objectifs mesurables, il sera difficile de progresser sur la résistance aux antimicrobiens», a-t-il dit.

Davies, qui a également déploré le manque de progrès et la perte de l'élan mondial sur la résistance aux antimicrobiens depuis la réunion des Nations Unies de 2016, a convenu que les objectifs devraient faire partie des plans d'action nationaux. Mais elle a déclaré qu'il fallait un groupe indépendant qui, quelque chose de similaire au Groupe d'experts intergouvernementaux sur l'évolution du climat, puisse fournir aux pays des objectifs fondés sur des données probantes.

«Nous avons besoin d'un mécanisme où nous pouvons avoir des objectifs recommandés indépendamment», a dit Davies.

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